Samson et le trésor des Incas
Titre original: Sansone e il tesoro degli Incas
Genre: Euro-Western (hors spagh) , Aventures , Peplum
Année: 1964
Pays d'origine: Italie / Allemagne (RFA)
Réalisateur: Piero Pierotti
Casting:
Alan Steel (Sergio Ciani), Toni Sailer, Mario Petri, Brigitte Heiberg , Anna Maria Polani, Harry Riebauer, Wolfgang Lukschy, Federico Boido...
Aka: Hercules and the Treasure of the Incas / Lost Treasure of the Aztecs
 

Le musculeux Jimmy Smith (Alan Steel) dit Samson (bien qu'il ne soit pas muet), son ami Alan Fox (Toni Sailer) et le "rancheros" Nixon (escorté par ses compagnons jusqu'au faubourg de Pioneer City avec le fruit de la vente de son troupeau) se séparent. Samson s'en va voir sa fiancée Jenny, la fille de Nixon (l'inconnue Brigitte Heiberg), qui est l'institutrice du village, tandis que Fox retourne à Silver City, la grande ville des alentours, et que Nixon regagne son ranch. Mais ce dernier est assassiné puis volé avant d'avoir pu l'atteindre, et un témoin affirme avoir vu Fox tuer Nixon. Ledit témoin, qui est en fait le véritable meurtrier, est un membre de la bande de Jerry Damon ( Mario Petri), propriétaire du saloon et de la moitié de Pioneer City. Alan Fox ayant pris la fuite, l'intègre shérif (Harry Riebauer) doit organiser une chasse à l'homme mais Samson obtient de ce dernier qu'il lui laisse la possibilité de convaincre Fox de se rendre sans violence...

 

 

Ce film doit sa (petite) notoriété au fait d'être le croisement contre nature entre un péplum et un spaghetti western. La légende prétend même que, tourné au départ comme un péplum, ce métrage aurait été transformé en cours de tournage (plus ou moins tardivement selon les sources) en western spaghetti sous l'injonction du producteur principal, le (plus ou moins) bien nommé Fortunato Misiano, ceci après avoir pris connaissance des recettes engrangées par le premier western "Leonien" : "Pour une poignée de dollars". La légende relayée en France par quelques "spécialistes" (sans citer la moindre source), pour certains habituellement bien informés, précise que les rushes du premier tournage ayant été conservés, Alan Steel (selon les scènes) alternerait le port du pagne à l'antique avec celui du Stetson.
Alors, disons-le tout net : c'est n'importe quoi, et ceux qui répètent ce genre de propos n'ont manifestement jamais vu le film, ou alors dans un état fortement alcoolisé ou sous l'emprise de substances que la morale et la loi de notre beau pays réprouvent. De tout le film le regretté Sergio Ciani ne quitte jamais son blue jean, même s'il a fortement tendance à faire craquer ses chemises de cow-boy pour apparaître torse nu. Bref, Samson et le trésor des Incas est bien un euro western pur jus et seule sa dernière séquence, où le musculeux héros fait usage de sa force, certes impressionnante mais pas surhumaine, a des relents "péplumesques".

 

 

Précisons d'ailleurs que "Pour une poignée de dollars" était sorti à peine un mois avant Samson et le trésor des Incas. Je veux bien croire que ce dernier, en tant que tout petit budget, ait été tourné rapidement, mais si ce que prétend la rumeur était vrai, le timing n'aurait laissé qu'une quinzaine de jours pour le tournage ! Et encore, en admettant que Misiano se soit contenté des chiffres au box-office de la première semaine d'exploitation du film de Leone ; et qu'en plus le scénario ait été modifié en un jour (bon là, au vu du résultat, c'est possible) ou en cours de tournage. Et tous ces efforts pour, au final, sortir le film sous un titre de péplum en se disant que le spectateur, en lisant Sansone e il tesoro degli Incas au fronton des cinémas ferait tout de suite le rapprochement avec "Per un pugno di dollari". Surtout, le film étant une coproduction tudesque, j'imagine bien Fortunato Misiano téléphoner en Allemagne au célèbre duo comique Barthel et Philipsen, rien de moins que les propriétaires (entre autres) de la Constantin Film (un des plus puissants réseaux de distribution d'Europe), pour leur dire : "Bon, les gars, ce film... j'ai décidé de le transformer en western à trois semaines de sa sortie italienne ; alors j'ai besoin d'une rallonge budgétaire parce qu'il faut refaire des décors…" Totalement ridicule ! Pour ceux qui ne seraient pas convaincus, je précise que ce métrage ne présente aucun point commun avec "Pour une poignée de dollars" (à part le fait qu'ils soient tous deux des westerns italiens), que ce soit au niveau du scénario ou de la réalisation.

 

 

L'influence du western allemand est par contre patente, et pas seulement à cause de la présence d'acteurs germanophones occupant près de la moitié des rôles principaux. Samson et le trésor des Incas ressemble beaucoup plus à un sauerkraut western qu'aux futurs spaghetti westerns, avec son manichéisme naïf opposant d'un côté des héros nobles et courageux défendant la vérité et la justice, à (de l'autre côté) des méchants fourbes et amoraux motivés uniquement par l'appât du gain ; avec bien sûr le triomphe final des premiers sur les seconds (enfin... là disons plutôt que les seconds meurent tous, à une étrange exception près, tandis que presque tous les gentils survivent à la fin). Bref, une morale et des valeurs qui sont aussi celle du péplum.
La construction scénaristique assez étrange, avec ces Incas exilés apparaissant comme un cheveu sur la soupe à mi-film pour ne prendre de l'importance que dans le dernier quart d'heure, semble néanmoins très légèrement plaider pour l'hypothèse d'un mélange hétérogène à l'origine du film. Soit, en gros, un scénario de péplum qui aurait été complètement remanié en une version italienne d'un sauerkraut western pour faire plaisir aux partenaires allemands, ceci, bien sûr, très tôt dans le processus de pré-production. Néanmoins, ce serait oublier qu'Arpad DeRiso et Piero Pierotti, les co-scénaristes (et réalisateur de ce film pour le second) avaient quelques mois plus tôt pondu un "Samson contre le corsaire noir" avec le même Alan Steel pour vedette et avec le même Fortunato Misiano à la production. Un vrai film de pirates avec pourtant un héros semblant s'être échappé d'un péplum. Bizarrement, il ne s'est trouvé à ce jour aucun historien du bis pour nous sortir qu'il s'agit d'un péplum transformé en film de pirates lors du tournage, à la demande du producteur impressionné par les recettes de I pirati della Malesia. Je précise "à ce jour", car je compte bien sur la présente notule, quitte à paraître immodeste, pour lancer la rumeur.

 

 

Bon, cessons de jouer les "hoaxbusters" pour en venir au film lui-même. Il s'agit en fait d'une sympathique série B à tout petit budget, handicapée hélas par la modestie de celui-ci et par des scènes de fusillades très maladroites (je n'ose écrire de gunfight) où acteurs et figurants mortellement touchés s'écroulent de façon particulièrement ridicule. Par contraste, les scènes de bagarres "à mains nues", réglées par Sergio Ciani lui-même, sont plutôt réussies et on sent que le réalisateur Piero Pierotti est un vétéran du film d'aventures mais un néophyte total en matière de western.
Côté casting, si Sergio Ciani fut moqué à l'époque par la presse allemande pour son manque d'expressivité (une presse qui bizarrement passa sous silence la performance de Toni Sailer), sa prestation est en tout point comparable à celles d'un Brad Harris (autre échappé du péplum et autre cascadeur devenu acteur en passant par la case culturisme) dans les westerns d'Outre-Rhin, soit pas génial mais plus qu'acceptable. L'autrichien Toni Sailer, dont il est bon de rappeler qu'il fut le plus grand skieur alpin de tous les temps et qu'il profita de son énorme notoriété dans toute la sphère germanophone pour se reconvertir dans le 7e art au cours des années 60... Toni Sailer, donc, dans le rôle du jeune premier, est loin d'être aussi désastreux que je ne l'eusse pensé avant de voir le film. Là encore c'est loin d'être génial, mais on a vu bien pire.

 

 

Dans le rôle du méchant principal on retrouve un autre habitué des péplums : le grand (par la taille et le talent) et massif Mario Petri. Si sa carrière cinématographique fut assez intense (il cumula les rôles de fourbes et de tyrans dans les films d'aventures), elle ne dura que six ans, de 1960 à 1965, et n'était en fait qu'une activité récréative parallèle à son métier principal d'artiste lyrique. Mario Petri fut en effet l'une des plus célèbres voix de basse de l'opéra italien et demeure l'un des plus grands interprètes de Don Giovanni. Notons que le personnage de Petri survit à la fin du film, sauvé des griffes des Incas et de la destruction de leur monde par ceux-là même qu'il a tenté de trucider pendant les trois-quarts du métrage. Dans le rôle positif du shérif, on retrouve l'autre grand acteur par la taille (et le talent lui aussi) du film, Harry Riebauer ,qui fut une des figures du Krimi. Dans son premier rôle (totalement muet), le blond piémontais Federico Boido, qui n'était pas encore Rick Boyd, impressionne par sa dégaine de petite frappe - tueur à gages. Côté féminin c'est moins "prestigieux", mais Anna Maria Polani en princesse Inca est très mignonne, et déguisée en jeune indien sa féminité est éclatante. C'est d'ailleurs l'un des défauts du scénario que de nous faire croire que tous les autres personnages sont dupes de son travesti.

Cette modeste critique est aussi un hommage à Sergio Ciani, qui nous a quittés en septembre 2015.

 

 

Sigtuna

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