Face à la mort
Titre original: Faces of death
Genre: Trash , Mondo
Année: 1978
Pays d'origine: Japon / Etats-Unis
Réalisateur: Alan Black
Casting:
Michael Carr, Alain Black...
 

Le Dr Francis B. Gross nous présente son "étude" : un voyage aux confins de l'horreur, un face à face avec la mort...
Faces of death est l'emblème de cette branche urbaine et dégénérescente du mondo-movie : un documentaire putassier sur la mort et la violence, dont le goût perdure encore sur le net a travers des sites dont la réputation n'est plus à faire : Rotten, Ogrish... C'est l'archétype du cinéma que plus rien n'arrête pour calmer les obsessions de ses spectateurs, et surtout, de ses créateurs. C'est un film qu'on regarde honteusement, ne serait-ce que par curiosité et celui qui a le malheur de l'assumer en subit les frais comme j'ai pu en faire l'expérience, et se retrouve rapidement assailli d'attaques naïves et stériles : "Si le seul but est de choquer, tu finiras par regarder des films pédophiles - c'est une escalade sans fin – blablabla".
On ne rentrera donc ici pas dans le débat "Pourquoi faire un film pareil ? pourquoi le regarder ?" ; le vrai danger étant de commencer à intellectualiser ce qui, par essence, n'appelle ni plaidoyer, ni réquisitoire. Une oeuvre fondamentalement anti-intellectuelle ne peut provoquer que le débat qu'elle mérite. Rappelons seulement que, pour ceux qui se penchent sur la question, ça fait 2000 ans qu'artistes, auteurs ou penseurs cherchent à juger et disséquer notre fascination pour le mal et ce depuis Aristote qui déjà avait commenté ce plaisir cathartique éprouvé à la représentation du désagréable, à commencer par la peinture des cadavres... Il serait bien vain de tenter de résumer ou de confronter leur thèses ici.

 

 

Faces of death consiste sommairement en un documentaire sur la mort, une "enquête" pompeusement écrite sur ce "grand mystère", commenté de bout en bout en voix-off par un faux médecin parfaitement cliché dont les cheveux blancs électrifiés n'ont rien à envier au savant fou de "Retour vers le futur". Il ne s'agit, on s'en doute, que d'un prétexte hypocrite à aligner sans vergogne toute une succession de séquences extrêmes, reconstituées ou provenant d'archives authentiques, sous couvert d'une prétendue scientificité. Rarement un film avait si frontalement abordé et assumé sa fascination morbide, même si celle-ci se trouve enrobée d'un long monologue sans intérêt à la portée grossièrement déculpabilisante. Mais pour soulager qui, au juste ? Les auteurs ou le spectateur ? Qui doit se sentir responsable d'un film aussi ordurier ? Tout le monde se refile la patate chaude : les uns diront que réaliser un tel film est justifié par la simple demande (le film a rencontré un vrai succès, si bien qu'un remake a récemment été annoncé), les autres argueront qu'il est trop tard, le film existe déjà, autant le regarder, ça ne fait de mal à personne...
Mais au juste, on y voit quoi ? Dès les premiers plans, le ton répulsif est donné : une opération cardiaque en gros plan, suivie du générique sur fond de cadavres nus à la morgue et d'une dissection humaine...
Puis c'est parti pour une heure de pure récréation : cadavres momifiés exhumés au Mexique, deathmatches de pitbulls, passage en revue absolument écoeurant des méthodes d'exécutions des animaux (visite d'abattoirs...), un singe se fait dévorer le cerveau vivant dans un restaurant du Moyen-Orient, compilation de vidéos de chasses et braconnage, entrevue avec un meurtrier, interventions de police musclées (un fou de la gâchette est abattu sur son porche), visite gerbante d'une morgue destinée aux victimes de morts violentes ainsi que dissections de cadavres humains, exécutions humaines au gaz et à la chaise électrique, rite d'une secte d'illuminés consistant à dévorer les entrailles d'un cadavre avant de faire une orgie dans son sang, brève incursion dans le monde de la cryogénisation, vidéos d'archives (cadavre d'homme noyé, fille qui se suicide, un cameraman se fait attaquer par un ours, un homme s'immole, etc...), vidéos des camps nazis et exhumation de cadavres juifs, compilation d'accidents (train, voiture, et surtout avion) et enfin, pirouette stupide et hors-propos dans le monde du spiritisme. Le narrateur conclue par une niaiserie sucrée : rien à craindre, la vie après la mort existe sûrement. Générique de fin... c'est tout. Applaudissements ou tollé général.

 

 

Mais essayons d'aller un peu plus loin. Faces of death a tout d'une oeuvre troublante, même si les éléments les plus dérangeants sont très probablement involontaires. Pire encore que certaines images très "dans ta gueule", c'est le problème du point de vue qui se pose. Contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer, le film fait plutôt pro, on sent même parfois un certain souci esthétique à travers quelque plans bien filmés. On est loin d'un traitement snuff (de toute façon à l'époque le DV n'existait pas). Pourtant, le générique de fin est squelettique : la plupart de l'équipe (acteurs ou responsables des effets spéciaux) n'ayant pas souhaité y être mentionnés, ce qui a tendance à accroître l'aspect réaliste et / ou opaque du film. On est sans cesse en train de se demander ce que l'on regarde : un documentaire ? Du véridique qui veut se faire passer pour une blague ? Une blague qui veut se faire passer pour du véridique ?

Le sentiment d'ambiguïté sur la forme est tout aussi présent sur le fond : on sait aujourd'hui que plusieurs scènes (exécutions humaines, gastronomie encéphalique simienne...) étaient entièrement bidonnées. Certains prétendent que le film entier serait une supercherie, d'autres clament son authenticité, ce qui ne cesse d'alimenter le débat (un effet pervers voulu ?). D'autres séquences sont grossièrement reconstituées, telle l'attaque de l'ours ou du crocodile, ou la découverte par deux sauveteurs spéléologues d'un homme décédé dans une grotte. Pourtant certaines scène sont, selon toute logique, non truquées : les massacres d'animaux, l'accident d'avion et ses conséquences particulièrement graphiques (des cadavres en lambeaux jonchent par centaine tout un quartier résidentiel), le suicide d'une fille sautant d'un immeuble, l'immolation d'un militant écologiste, tous les plans de cadavres et dissections à la morgue...

 

 

Mais dans un sens comme dans l'autre, la certitude n'est jamais totale et la fine frontière entre la réalité et la fiction se fait totalement floue. Le malaise, là encore, vient du faire qu'on se demande en permanence comment se positionner par rapport aux images. La mauvaise qualité de la vidéo renforce souvent cette incapacité de juger. La musique, elle, présente pratiquement tout le long du métrage, accentue encore l'incompréhension : constamment à côté de la plaque, celle-ci va du guilleret au sautillant, en passant par le dissonant orgue bontempi (so 70's !) et autre chansons à textes hippies à la guitare sèche : impossible de savoir si il s'agit d'une intention du réalisateur décidé à instaurer un climat surréaliste, ou simplement d'un "jemenfoutisme" total. Le pire c'est que, de façon clairsemée, l'alchimie entre son et image opère (on ne peut s'empêcher de déceler une touche de poésie dans les longs travellings à la morgue).
Cerise sur le gâteau : à tout ça s'ajoutent des commentaires d'une débilité parfois atterrante. Le doc' nous gratifie d'un pamphlet dés que l'opportunité, même lointaine, se présente. Sûrement pour donner du corps à son film, on reste sidéré devant tant de bêtise : "Quand est-ce que les piétons auront la paix ?" (commentant l'image d'une femme en bouillie sous un 38 tonnes), "La peine de mort est-elle vraiment la solution ?", "Quand arrêteront nous de faire la guerre ?", etc... Faces of death est un spectacle absurde, à l'image de son générique de fin, absolument effarant, emmené par une musique slow ringarde même pour une boum de collégiens, présentant des images paisibles d'animaux sauvages dans les bois de montagne, des couchés de soleils, des femmes qui jouent avec leur bébé dans le bain ou qui font des clapotis sur la plage...

 

 

Faces of death, pur film d'exploitation (c'est un film ?), est plus difficile à cerner qu'il n'y parait. Reste qu'après sa vision, une vague impression de dégoût marque l'esprit : qu'elle soit dirigée vers sois-même, les auteurs du film, ou le genre humain entier... Malgré un traitement sans finesse et une bande sonore happy-funny, le film dégage une forme de tristesse paradoxale ; comme s'il était le coup de grâce méprisant donné à cette conception d'une vie "sacrée". Serait-il la manifestation dépressive d'un désespoir hystérique face à la peur de la mort, cristallisée ici dans son aspect le plus matériel : la décomposition / la destruction du corps ? Il raisonne comme un rire angoissé un peu hypocrite... Impossible à aimer, peut-on vraiment détester un spectacle aussi absurde, gratuit, grotesque ?
Au final, il reste bien peu de choses à en tirer. Votre fascination malsaine pour la mort et la violence ne s'en retrouvera pas soulagée, le film reste longuet et il semble difficile de passer une soirée entre potes à se marrer devant, sauf après avoir ingéré quelque substances psychotropes. C'est une expérience bizarre, mais pas intense : elle n'apporte que quelque questions et celles-ci concernent le film lui-même et ses motivations. Bref, une expérience en vase clos.
L'avoir vu ne fait de vous ni un monstre, ni un homme (une femme ?) meilleur(e). Il ne peut en tout cas qu'appeler une note extrême : 0 ou 10. Quand à lui mettre 5, à vous de voir, mais c'est sans aucun doute la meilleure façon d'insulter son auteur.

 

Croustimiel
 
A propos du film :
 
# Il existe plusieurs versions du film, dont l'essentielle différence réside dans le montage, reflet de différent degrés de censure. Dans certaines d'entre elles, les sexes seraient masqués.

# "Face à la mort" est le premier épisode d'une longue série : "Face à la Mort 2", "Face à la Mort 3", "Face à la Mort 4", "Face à la mort 5", "Face à la mort 6", "The Worst of Faces of Death" et "Faces of Death - Fact Or Fiction".

# La société Rogue Pictures ("Le Fils de Chucky", "Assaut sur le central 13") développe actuellement un remake de "Face à la mort" sous la supervision du réalisateur et scénariste J.T. Petty. Aucune précision n'a encore été donnée quant à l'histoire et à l'approche (fiction ou documentaire) de cette nouvelle version.

# L'accroche auto-proclamée "banni dans 46 pays" reste bien difficile à prouver, de plus, ce chiffre a vraisemblablement évolué à la baisse avec le temps (les interdictions étant provisoires). Cependant, il est un fait que le film a bien été banni en Nouvelle-zélande, Australie, Norvège et Finlande.

# Alan Black / Conan Le Cilaire / John Alan Schwartz a tout de même réalisé FOD 3 en 1985 (avec le Dr Gross !) et FOD 4 en 1990 dans lequel le remplaçant du Dr Gross nous informe du décès de ce dernier, devenu fou après FOD 3 ! Il garde d'ailleurs l'urne funéraire de son ex-collègue sur son bureau ! John Alan Schwartz avait entre-temps cédé la franchise à un producteur allemand et FOD 4, 5 et 6 (édités en Hollande) ne font que reprendre des images d'archives déjà utilisées dans d'autres Shockumentaires !
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