Mais ne nous délivrez pas du mal
Genre: Drame
Année: 1970
Pays d'origine: France
Réalisateur: Jöel Séria
Casting:
Jeanne Goupil, Catherine Wagener, Bernard Dheran, Marc Dudicourt, Véronique Silver, Jean-Pierre Helbert...
 

Jusqu'où la perversité rongeant Anne (Jeanne Goupil) et Lore (Catherine Wagener) les mènera-t-elle ? Elèves d'un pensionnat religieux, les deux adolescentes filles de noble cocufient le père Jesus en faveur de Satan, à qui elles vouent un véritable culte. Une adoration démesurée qui les pousse à répandre le mal autour d'elles par le biais de toutes sortes d'actes sévèrement condamnés par le barbu en slip.
Par le truchement de cette première réalisation, Jöel Séria, déjà, répand dans l'air un aromatique parfum de scandale qui ne tardera pas à venir chatouiller l'odorat délicat de Dame Censure qui a l'empoisonnante manie d'abaisser son couperet dès que ses narines la chatouillent un peu de trop. Après une séance de mouchage intempestif, la sentence tombe : le film sera censuré à sa sortie pour cause d'anticléricalisme explicite, ainsi que pour une poignée de séquences érotiques sulfureuses... on y reviendra plus tard.

 

 

Nullement refroidi, Séria, au contraire, va persévérer par la suite dans la provocation avec les chefs-d'oeuvre d'humour grinçant et de polissonnerie qu'on connaît ("Les galettes de Pont-Aven", "Comme la lune") et d'autres oeuvres plus moroses ("Charlie et ses 2 nénettes", "Marie-Poupée"). "Mais ne nous délivrez pas du mal" (titre détournant le célèbre Pater) appartient à cette seconde catégorie et apparaît même comme l'oeuvre la plus transgressive de son auteur. Les enfants y sont perfides et certainement pas innocents (voir pour s'en convaincre ce groupe de chiards grimaçants pendant la messe dominicale et se nourrissant activement de leurs crottes de nez) et les bourgeois dépeints comme des êtres oisifs dont le hobbie majeur, outre la prière, demeure la partie d'échecs devant un feu de cheminée (un cliché un peu éculé je vous l'accorde).
Les curetons, eux, font doucement marrer, avec leurs gueules pas possibles de pervers et leurs gros péchés qu'ils ont bien du mal à contenir. Anne surprendra ainsi par delà une serrure deux soeurs bourriquer dans une chambre.
Quant aux deux gamines délurées de l'histoire, elles incarnent la malfaisance même, en jupe et avec des couettes certes, mais la malfaisance tout de même. Chaque forfait commis, qu'il soit anodin ou lourd de conséquences, est consigné dans leur "journal des mauvaises actions". Ainsi, le malaise s'accroît au fur et à mesure, en même temps que la gravité de leurs actes. Au départ, si elles se contentent de dérober des objets religieux et de zieuter les ébats de la prêtraille corrompue, l'appel de la chair se fait bientôt ressentir dès le début des vacances scolaires d'été, et surgit ainsi la première séquence réellement dérangeante. Elles aguichent langoureusement un paysan arriéré, qui, en rut, semi-violera l'une d'entre elles. Pour se venger, elles mettront le feu à ses récoltes.

 

 

Le mal ne s'arrête bien évidemment pas en si bon chemin puisqu'après avoir officiellement pactisé avec Lucifer au cours d'une cérémonie de soumission, elles ne tardent pas à faire leurs premières victimes : les oiseaux du jardinier (débile lui aussi, décidément) travaillant pour le compte des parents d'Anne puis plus dramatique, un homme, un automobiliste tombé en panne qu'elles invitent dans leur nid (la propriété luxueuse des parents d'Anne, toujours, confiée à leur fille pendant leur absence prolongée). Elles l'excitent à mort lui aussi, mais cette fois-ci, les évènements prennent une tournure désagréable. Se jetant sur Lore, l'homme aura le crâne fracassé par une bûche qu'Anne abattra de toutes ses forces pour venir en aide à son amie.
Des agissements effroyables au vu de leur âge mais c'est surtout la préméditation laborieuse les animant qui perturbe. La cérémonie symbolique de l'union avec le Malin couvait ainsi depuis un petit moment dans leur cervelet, tout comme un projet secret (monstrueux on le devine) de spectacle d'école qui pointe à l'horizon et qui scellera à jamais leur destin, comme le public (présent dans la salle tout comme celui assistant à la scène par écran interposé) le constatera rapidement.
Devant ce duo fusionnel d'adolescentes enclintes à la propagation du Chaos, on ne peut s'empêcher de penser à celui de Tina Romero et Susana Kamini dans le réussi "Alucarda" de Juàn Lopez Moctezuma, ou bien, plus récemment, du tandem Kate Winslet / Melanie Lynskey de "Créatures célestes". Comme quoi, même avec des réalisations peu pléthoriques, le père Jackson ne proposera jamais rien d'innovant. Bref...
"Mais ne nous délivrez pas du mal" marque aussi la première d'une série de nombreuses collaborations entre Séria et Jeanne Goupil, la divine Jeanne à la plastique (sans plastoc) de rêve et à la voix infantile irrésistible, actrice aussi belle que talentueuse, capable de composer dans presque tous les registres. Elle donne ici à voir l'antithèse totale de son personnage de Marie, l'adorable vierge candide des "Galettes...", même si dans les deux cas, elle tient un rôle de femme-enfant.

 

 

Une fois le visionnage achevé de cette perle "bien-d'chez-nous", pour paraphraser Pernault le chauvin, on ne peut s'empêcher de déplorer que le cinéma de genre français ait été si peu fécond par le passé, en comparaison avec nos voisins italiens, anglais et même espagnols. En attestent les autres réussites incontestables gauloises de l'époque : "La papesse", "Les week-ends maléfiques du Comte Zaroff", "La traque", sans oublier une bonne partie de la filmographie de Rollin.

 

Throma
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