Sleep Dealer
Genre: Science fiction , Anticipation
Année: 2008
Pays d'origine: Mexique / Etats-Unis
Réalisateur: Alex Rivera
Casting:
Luis Fernado Peña, Leono Varela, Jacob Vargas, Tenoch Huerta, Metztli Adamina...
 

Au Mexique, dans un futur proche... chaque jour, Memo Cruz accompagne son père afin d'acheter à un prix prohibitif, les quelques litres d'eau assurant la survie de leur famille. En effet, le père a autrefois acheté un vaste terrain qui malheureusement s'assèche à cause d'un barrage construit par une société privée, privilégiée par l'état, ce, à proximité. Les temps sont durs et malgré les recommandations de Memo, le père s'obstine à vouloir garder le terrain et à ne pas le revendre puis aller habiter ailleurs. C'est, selon lui, toute sa vie...
La nuit, Memo, écoute les conversations émises à partir des grandes villes grâce à un système radiophonique bricolé par ses soins. Celui-ci aimerait bien les rejoindre, mais aider son père passe avant tout. Pourtant le jeune paysan aimerait bien faire fortune en bossant dans l'une de ces usines délocalisées, proche de la frontière et où l'on manipule à distance, des robots sur des chantiers situés aux Etats-Unis. Hélas, une nuit, sa radio est repérée par les forces militaires et est prise à tort pour un instrument de terrorisme. Un attaque téléguidée est alors déclenchée contre lui, détruisant sa maison et tuant son père dans un même temps.
Memo, désespéré, est maintenant malgré lui, libre de ses mouvements. Il décide de partir enfin à Tijuana, la ville du futur dont il a tant rêvé. La première personne qu'il rencontre durant son voyage est Luz, une femme écrivain. Celle-ci lui fera rencontrer des gens capables de greffer à son système nerveux des connexions nécessaires afin d'intégrer les usines dont il avait entendu parler. La réalité qu'il va bientôt découvrir sera bien loin de ce qu'il avait imaginé...

 

 

Alex Rivera est un artiste de formation digitale et réalisateur, installé à New-York. Né en 1973 d'un père péruvien et d'une mère originaire du New Jersey, il a grandi sous l'influence de sa double culture, en remettant très tôt en cause les notions établies de race, d'immigration, d'identité et de mondialisation. Pas étonnant que l'on retrouve ces thèmes mêmes au sein de ce qui est son premier long métrage, le tout sous couvert de science-fiction. Les films de science-fiction tournent souvent autour de personnages en marge, de situations critiques, si bien que souvent les héros sont officiers de police ou tout du moins sont des représentants de l'autorité ("Blade Runner", restant l'un des grandes référence de Rivera). Avec "Sleep Dealer" Le cinéaste semble vouloir façonner une autre figure pour représenter cet outsider, en faire un aspirant à l'immigration, et la placer ainsi finalement au centre de l'histoire. Ainsi nous nous retrouvons avec l'image d'un père, tenant obstinément à ses racines, et aussi obstinément au barrage qui représente autant pour lui de façon imagée que physique, l'anti-rêve américain, le préjugé le plus basique (tout d'un seul bloc quoique pas forcément totalement infondé) sur le rêve américain. Memo Cruz, son fils quant à lui, fait parti de la nouvelle génération et n'a donc pas le même enracinement ni le raisonnement qui va de pair. Ainsi à lui seul, il représente une figure du rêve américain, lequel à l'image de l'auteur, un pied dans le tiers-monde de l'Amérique latine, se teinte vite sinon de scepticisme, de désillusion et d'amertume.

 

 

Ce à quoi nous assistons, c'est un regard terrifié qu'il porte sur un futur fantasmé basé sur deux notions : D'un côté, une fascination pour ce rêve de "Village Global" né d'internet et selon lui, grâce à la technologie, le monde est vraiment connecté en réseau, plus qu'il ne l'a jamais été. D'autre part, un constat alarmiste sur un monde réel se cloisonnant ostensiblement, avec des frontières chaque jour un peu plus hostiles. Ainsi dans "Sleep dealer", les immigrants restent dans leur pays d'origine, connectent leurs corps à un réseau global et travaillent à distance grâce à des robots, au-delà des frontières. C'est ce qu'on pourra appeler en quelque sorte, le "Rêve Américain projeté dans le futur". Avec le passage en toute clandestinité de son jeune héros, Alex Rivera tente d'en montrer les deux côtés de la lorgnette, s'inspirant sans doute également en passant pour le côté américain, de certaines émissions de télé-réalité. Vu de l'autre côté de la frontière, littéralement érigée en mur géant, le "Village global" se révèlera être tout autre. Plus protectionniste et aux mains de citoyens lambdas peu formés et aptes à défendre ce mur géant, pouvant confondre alors réalité et monde virtuel le temps d'un trip...
Pas facile ce que tente de faire ici Rivera, et l'on parlera surtout de tentative louable plus que de véritable réussite. En effet, produit par Jacob Vargas (actuellement à l'affiche de "Death Race" - celui avec Jason Tatane - et le plus souvent acteur, à la base repéré comme breakdancer et ayant fait ses début au sein de la série "Arnold et Willy"), le film manque de moyens, ce qui se fait surtout ressentir dans la première attaque censée contrer l'acte terroriste contre le barrage mais surtout son dernier tiers. Celui qui justement, s'écarte le plus du tiers-monde, puisque se déroulant dans le monde virtuel de simulateurs de mort qui au lieu de la simuler, finisse le plus souvent, par la donner.

 

 

Alors que toute la première partie avant l'échappée de Memo dans une Amérique tant fantasmée, évolue sur la base des caractères en jeu et, est la plupart du temps, dénuée d'effets spéciaux (partie très réussie à mon sens), le film échoue dans son dernier segment à créer une imagerie crédible tant le "Village global" et sa représentation, paraissent être ce qu'ils sont au demeurant : Cheap. Qui plus est, l'introduction d'un troisième personnage - le type ayant causé directement la mort du père - se révèle être une idée un peu factice, comme une pièce rapportée, qui dévie alors le film de son propos et ne semble n'être là pour faire la liaison scénaristique (avec regrets et volonté de rédemption du personnage en question), et dont on finalement que faire. Dommage, car Alex Rivera se révèle par ailleurs, un fort bon directeur d'acteurs et Luis Fernado Peña y démontre une formidable justesse. Celle de la sobriété. Il est possible également qu'à trop vouloir brasser de thèmes, le cinéaste et son co-scénariste David Riker ("La Ciudad") finissent par s'éparpiller et égarer le spectateur dans des enjeux pouvant par moments paraître annexes, comme l'exemple cité un peu plus haut. (Même si à la base ce même personnage est destiné à montrer le chemin qu'aurait pu suivre le jeune Memo cruz).
Toujours est il, que "Sleep dealer" est un film intéressant, et malgré ses aspects parfois difficiles à appréhender, il se révèle somme toute, agréable à regarder. Sa construction en trois parties lui confère cependant un aspect inégal qu'on aura du mal à lui reprocher tant les intentions sont bonnes. Il est clair pour ma part qu'à choisir entre le blockbuster de série américain et ce petit film d'anticipation mexicain, c'est vers ce dernier que je conseillerais de se tourner. Si la majeure partie du film reste réussie grâce à une économie de moyens, on se surprend à penser, dès que les effets spéciaux rentrent en jeu, ce que cela aurait pu donner au sein d'un grand studio de chez l'oncle Sam...

 

 

Quoiqu'il en soit, "Sleep dealer" est une entreprise à encourager. A se demander d'ailleurs si nous ne retrouverons pas son auteur, un de ces jours, de l'autre côté de ce mur géant, hostile, quasi-inaccessible dépeint dans le film et c'est avec curiosité qu'on attendra de voir si cela arrive et ce que cela donnera. Un sentiment donc très paradoxal au final.

 

Note : 6/10

 

Mallox
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