King of the ants
Genre: Horreur , Thriller , Drame
Année: 2003
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Stuart Gordon
Casting:
Chris McKenna, Kari Wurher, Daniel Baldwin, George wendt, Vernon Wells, Lionel mark smith, Timm Sharp...
 

Sean Crawley (Chris Mc Kenna) gagne sa vie petitement mais sûrement grâce à de petits boulots qu'il enchaîne sans grand mal. Voilà qu'un de ses contacts lui propose pour une somme rondelette, de se charger de la surveillance d'un expert comptable. Après tout pourquoi pas ? Sean accepte sans trop se poser de question. Oui mais voilà que le chef de gang, Ray Matthews (Daniel Baldwin) le rencontre de nuit dans sa voiture et transforme sa mission en véritable contrat de meurtre. Naïf et assuré qu'il sera ensuite protégé, Sean accepte et tue l'homme de façon on ne peut plus laborieuse. On l'excusera, celui-ci n'est pas habitué et c'est son premier meurtre. Voilà qu'il attend son argent mais qu'en lieu et place il se heurte immédiatement à des menaces. On lui demande de quitter la ville sur le champ, il refuse, n'en comprenant pas les raisons. Après s'être fait piéger, le voici devenu gênant et ses commanditaires le kidnappent…

 

 

Le virage amorcé ici par Stuart Gordon et qu'il poursuivra deux ans après avec le très bon "Edmond" est étonnant et semble s'inscrire dans une démarche de renouvellement qu'on ne peut que louer au-delà de ce qu'on pensera de ses films. A noter que le réalisateur semble être en train boucler ce qui ressemble fort à une sorte de trilogie sociale pessimiste avec "Stuck" que je n'ai pas encore vu et dans lequel une femme après avoir renversé un homme, le ramène chez elle puis le séquestre dans son garage afin de ne pas s'attirer d'ennui. On avait sans doute trop vite relégué l'auteur de "Re-Animator", de "From Beyond" ou encore de "Castle freak" au rang de petit maître du gore crasseux et rigolard sous perpétuelle influence "lovecraftienne", qu'il adaptera assez faiblement avec "Dagon" son film précédent, et qui préfigurait toutefois déjà une volonté de changement ainsi qu'une remise en cause du support cinématographique. Difficile à classer, ce "King of the ants" est une œuvre étonnante. Soit, on y retrouve bien les outrances chères au réalisateur avec des passages d'une violence inouïe, bruts comme pas un, une approche minérale pas loin de faire penser à ce que fait un Cronenberg ces derniers temps avec "History of violence" ou "Les promesses de l'ombre", mais avec un discours plus franc du collier et totalement pessimiste sur sa voie à trouver au sein d'une société gangrénée par l'humain lui-même.

 

 

De fait et déjà ici, on a droit à une descente aux enfers d'un personnage qui fera dans son parcours à la fois un apprentissage initiatique en même temps qu'une plongée excessive, maléfique et malsaine, sans retour possible. On trouvera le même cheminement dans le "Edmond" susnommé et dans lequel William H Macy comprendra à l'issue de sa quête qu'il n'y a rien au bout du chemin, perdant tout au passage, sans avoir le loisir de le regretter, n'ayant plus lors, le recul nécessaire pour cela. On sera tenté d'y voir une approche réaliste sur un postulat pas éloigné du polar rédempteur, avec ici mis en scène un jeune homme sans envergure qui passera une bonne partie du temps à se prendre de violents coups de cannes de golf sur le crâne, le but étant de le rendre débile. En effet, à défaut de se mettre un cadavre sur le dos, les truands s'escrimeront plutôt à faire disparaître le témoin de manière plus spirituelle. Las pour eux, Sean s'y habituera, sans doute mué par un désir de vengeance. Très vite, c'est lui, et sous les yeux médusés de ses tortionnaires, qui se posera l'attelle autour de son visage devenu punching-ball de service. C'est par les coups reçus et les flashs qui s'en suivent qu'on retrouve le plus souvent les outrances graphiques passées de Stuart Gordon. Visions de femmes au pénis disgracieux puis le visage de notre héros de plus en plus déformé jusqu'à devenir grotesque au fur et à mesure des coups reçus. Il y a beaucoup d'humour derrière tout cela et on approcherait même le monde de la bande dessinée Trash si la mise en scène n'était pas aussi épurée, tout comme semble l'être le scénario de départ, très classique et même assez proche dans sa structure d'un "Rape and revenge" mettant en scène un personnage principal abusé moralement puis physiquement pour finalement le laisser fomenter sa propre vengeance qui se retournera inéluctablement contre ses agresseurs. A ceci près qu'étant lui-même coupable originel, un autre paramètre interviendra rendant sa rédemption impossible. S'il aura le dessus sur ceux qui ont abusé de lui, la femme de l'expert-comptable dont il tombera amoureux, et abusée elle aussi au début, finira par avoir l'ascendant sur lui. Pas d'échappatoire possible au royaume de Gordon dont les faits et gestes de chacun ont des conséquences sans retour. Finalement chez le réalisateur on sera toujours le coupable d'un autre et finalement tristement responsable de son sort. (En passant Chris Mc Kenna est formidable de retenue et de sobriété au contraire du cabotinage agaçant de Daniel Baldwin qui reste sans doute la grande faiblesse du film).

 

 

En somme à la base, ses personnages sont en quête de but dans des vies faites de frustrations et voulant les combler c'est leur vie même qu'ils enterreront au sens propre. Difficile de faire plus sombre sur l'issue de nos quêtes spirituelles autant que sur l'issue de l'être humain originellement incapable à résoudre ce paradoxe. Là où Stuart Gordon fait mouche c'est aussi dans la forme et dans le choix d'exposer cliniquement, implacablement ce à quoi l'on s'attend tout en espérant que cela ne se produise pas. Ce qui étonne c'est qu'en annihilant en apparence tout enjeu dramatique, c'est qu'il parvienne ainsi à les multiplier. Pas d'effets standards traditionnels à l'américaine mais belle et bien une force brute et brutale en action, peu aimable et même choquante, proche finalement d'un fatalisme dépassé voire peut-être même désespéré. A plusieurs reprises on se surprend par la violence de ce qui nous est montré et finissons par nous dire : "Non, il ne va pas nous infliger cela !", ce qui est systématiquement démenti dans les scènes suivantes, mettant sans cesse plus mal à l'aise encore, faisant ressembler le film à un rouleau compresseur sans pitié ni condescendance au royaume de l'enfer. On aura beau se dire que si l'un ou l'autre ici mérite sans doute ce qui lui arrive, on se le prendra tout de même de plein fouet, médusé même de le voir venir vers nous de manière aussi frontale et inéluctable.

 

 

Peu aimable donc puisque jamais Stuart Gordon ne cherchera jamais à se voiler la face, en tentant par exemple de faire passer la pilule du fond par une forme plus flatteuse. Si le film n'est d'un point de vue pictural, pas laid, il demeure à l'instar du parcours de Sean crawley direct et cru et renforce l'aspect réaliste du film qui pourtant emprunte souvent des chemins irréels voir surréalistes dans ses idées. En effet, comment un homme peut-il décemment tenir le choque face à tel traitement infligé ? Ce n'est pas possible, malgré tout cette volonté sans faille de Sean à tenir pour se venger sera peut-être même la seule chose qu'il réussira en fin de compte. Arrachant à pleine dent une jugulaire (plus un bon gros lambeau de chair immédiatement recraché comme le déchet qu'il est), décapitant un garde du corps mis au congélateur pour en faire brûler la tête au dehors dans un restant de feu, laissant crever lentement ses derniers assaillants avec une hache dans ventre ou dans le dos, les prévenant même par sadisme mimétique (qu'il ignorait donc avant de les rencontrer) que le gaz est ouvert et que leur fin est proche, pas de doute le jeune homme naïf du début a dépassé ses maîtres pour devenir démon. Le chemin comme sous-entendu partout dans la critique sera bien sur une impasse. On ne sort pas de l'enfer comme cela, comme on ne se débarrasse jamais de ses propres démons intérieurs. Pas commode le Gordon, mais personnel, singulier et sans concession sur le monde au sein duquel nous ne serions que fourmis dirigées par un destin pré-établi et dont son personnage en serait une sorte d'emblème. C'est simple, ce que le spectateur attendra en vain c'est une sorte d'intervention divine à laquelle bien entendu le réalisateur ne croit pas. Il livre en tout cas ici un film digne d'un grand intérêt.


Note : 7/10

Mallox
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