Sam Nell |
Écrit par Stegg et Chaperon Rouge |
Interview réalisé le 24 novembre 2010
Sam Nell est l'auteur de "Chevaucheur d'Ouragan", un excellent roman de fantasy jouant avec les codes du genres paru en aout dernier.
Un portrait-robot ? Coiffure de Dark Vador + lunettes de l'Agent Smith + moustache de Bill « The Butcher » Cutting + sourire du Joker...
Quelque chose de plus physionomique ? Je suis gaulé comme Sébastien Chabal avec le charme de Tom Cruise. Ou peut-être l'inverse...
Des détails pratiques ? Je chausse du 41, j'utilise des brosses à dents à poils durs et je ne dors jamais sur le dos. Mais tout le monde s'en fout...
Un penchant inavouable ? Je rêve de faire un jour pour les loups-garous ce qu'Anne Rice a fait pour les vampires. Et peut-être aussi de leur offrir Stephenie Meyer en pâture...
A part ça, vraiment, je vois pas.
Les personnages de Chevaucheur d'Ouragan sont nés de ce fantasme. Et des lectures qui l'ont alimenté, au fil des années. Mais il a évidemment fallu faire des recherches pour étoffer l'imagerie autant que pour la crédibiliser. Je remercie d'ailleurs au passage Renaud Maroy dont le jeu de rôles, Pavillon Noir (en accès libre sur le net), est un véritable trésor sur la flibuste.
Nombreuses. Variées. Et sans doute inconscientes pour beaucoup (ce n'est pas moi qui aie pensé à Moorcock, même si la référence est particulièrement pertinente) . C'est très difficile de citer tout ce qui me traînait dans la tête en écrivant ce roman, mais si je devais essayer, je dirais : de Homère à Albator, en passant par Guy Gavriel Kay, John Milius (pour le Lion et le Vent plus que Conan), Pirates des Caraïbes, Tombstone,Yslaire, Bourgeon ou Sorel... En gros, j'ai abondamment pioché dans tout ce que j'aimais et délibérément écarté tout ce qui me gonflait (en m'autorisant parfois quelques clins d'œil : il y a plusieurs répliques empruntées directement au cinéma dans le roman).
L'articulation s'en est faite en deux temps. Je voulais d'abord un univers foisonnant par opposition à certaines sagas où j'avais toujours eu l'impression que l'auteur se contentait de développer une bulle qu'il déplaçait en même temps que l'histoire tandis que le reste de son monde semblait figé dans l'ombre des projecteurs. Je demande d'avance pardon à tous les fans de Robin Hobb, mais c'est en lisant l'Assassin Royal que j'ai eu cette sensation de la manière la plus flagrante. Ensuite, j'ai toujours été bluffé par le travail formel de Guy Gavriel Kay. Ces "achronies" (je me sens obligé d'inventer un mot pour décrire son exercice de style) ont une puissance romanesque qui me fascine et une efficacité qui n'a jamais cessé de m'intriguer. Et il m'a semblé qu'au-delà même de son talent narratif ou dramatique, il y avait dans son procédé une intelligence qui mettait en valeur ce que beaucoup d'univers de fantasy n'arrivaient plus à faire en essayant systématiquement de tout réinventer à partir de rien alors même que le vivier de ces créations restait toujours le même : mythologie, histoire, géographie, anthropologie... Et je me suis rendu compte, en tant que lecteur, que j'étais un peu fatigué de devoir, chaque fois, avaler cinquante pages de noms imprononçables avant d'entamer une histoire qui aurait peut-être gagné en lisibilité à afficher clairement ses influences ; et que je trouvais de plus en plus mon plaisir dans des univers ouvertement référencés : uchronies en tout genre, les "achronies" de Kay, la chevalerie anglaise de J.R.R Martin pour n'en citer que quelques exemples... J'en ai tiré la conclusion, très personnelle, que je serais plus efficace si j'offrais au lecteur une grille de lecture dans laquelle il puisse se repérer facilement. C'est de là qu'est venue l'idée d'utiliser des références parfaitement reconnaissables tout en m'offrant le plaisir jubilatoire de les réinventer complètement pour les rendre cohérentes entre elles et les faire résonner avec les thèmes du roman. Cerise sur le gâteau, le champ des possibles était quasiment infini...
J'avais évidemment moi-même une tonne d'aspirations en me lançant dans ce projet, mais pour un primo-auteur, c'est toujours difficile de faire la distinction entre les ambitions véritables et la gloriole fantasmée. Je préfère donc pudiquement garder pour moi ce cahier des charges et laisser le lecteur juge du résultat. Il y a cependant une tendance dans laquelle je m'inscris volontiers et que l'on sent chez un certain nombre de jeunes auteurs (Laurent Poujois par exemple pour n'en citer qu'un) : écrire un peu comme au cinéma (effets visuels, procédés narratifs, actions, dialogues)...
Sinon, effectivement, quand j'écris, la musique m'est aussi indispensable que le Coca Light. Et pour être honnête, elle intervient même très tôt dans le processus. Mes meilleures idées me viennent allongé par terre, dans le noir, pendant que tout le monde dort, avec un casque sur le crâne, dans lequel This Will Destroy You me hurlent des accords post-polcalypto-rock. Ensuite, je m'immerge dans une ambiance particulière avec une sélection de bandes originales calibrées à dessein. Je choisis un morceau, que je m'assène à tue-tête à chaque début de séance d'écriture, et à la fin de ce conditionnement, la musique acquiert la force d'un mantra. Il me suffit de poser les écouteurs sur mes oreilles et dès les premières notes, je suis propulsé dans l'histoire comme un obus, explosif et mélomane... Je n'arrive pas à concevoir l'inspiration comme un papillon qu'on attend de voir se poser, mais plutôt comme une saloperie de vieux sanglier qu'il faut rabattre à grands coups de décibels...
Je me permets d'ailleurs de préciser que vous oubliez quelques unes de ces expériences : mise en ligne du prologue, en eBook et en audiobook, mais surtout l'initiative dont je suis le plus fier sur ce projet (même si je n'ai fait qu'en superviser la conception), c'est la bande-annonce de Chevaucheur d'Ouragan, disponible sur le site et réalisée grâce aux miracles du dessin vectoriel et au talent d'une joyeuse bande de francs-tireurs. J'ai rencontré Charlotte Volper (mon éditrice préférée) par l'intermédiaire de Xavier Mauméjean et au départ, je crois qu'elle a dû se dire que je rêvais un peu en couleurs. J'arrivais presque chaque jour avec une nouvelle idée. "On pourrait faire ça. Et puis ça. Et pourquoi pas ça non plus ?" Mais elle, et toute l'équipe de Mnémos, m'ont fait confiance et quand ils ont vu que je pouvais délivrer, ils m'ont même carrément encourager. Je ne sais pas si "ça fait désormais partie du travail de l'auteur", mais c'est indéniablement un nouveau terrain de jeu pour ceux qui ont envie de faire vivre leur univers un peu différemment.
Sinon, je viens de terminer une nouvelle qui s'intitule "Le Deuxième Œil" pour l'anthologie Victimes et Bourreaux des Imaginales. Elle met justement en scène la première rencontre entre Drago Ilianar et Tao Wang Li (la malheureuse qui a précédé Shi'ndra entre les griffes du pyromant). Âmes sensibles s'abstenir...
Et puis je continue de travailler sur un polar financier dans l'univers impitoyable des salles de marché, qui n'a malheureusement rien d'imaginaire...
A propos de cette interview :
- Lire la chronique de "Chevaucheur d'Ouragan" - Site du roman : http://www.chevaucheurdouragan.com/ - Page facebook de l'auteur : http://www.facebook.com/pages/Sam-Nell/ - Bande annonce de "Chevaucheur d'ouragan" |