Loi du talion, La
Titre original: Darker than Amber
Genre: Polar , Thriller , Action
Année: 1970
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Robert Clouse
Casting:
Rod Taylor, Theodore Bikel, Suzy Kendall, Ahna Capri (Anna Capri), William Smith, Janet MacLachlan, Robert Phillips, Jane Russell...
 

La nuit est tombée, le détective Travis McGee (Rod Taylor) entend prendre quelque moment de détente et celui-ci est peinardement installé avec Meyer (Theodore Bikel), l'un de ses meilleurs amis. Leur bateau est amarré au-dessous d'un pont tandis qu'ils sont en train de pêcher. Voici que devant leur nez, ce qui ressemble à une personne est balancé par dessus bord, lesté d'un méchant bloc de ciment noué par un câble autour des chevilles. Ni une ni deux, McGee plonge afin de tenter de sauver la personne. Il y parvient non sans mal. Il s'agit d'une femme répondant au nom de Vangie (Suzy Kendall). Cette dernière insiste pour n'avoir aucun rapport avec la police ; cela intrigue McGee qui se voit donner une explication : elle fait partie d'un réseau de prostitution dans lequel des femmes sont payées pour séduire des hommes riches, des milliardaires voyageant par exemple dans les Caraïbes. Le but des femmes à la solde du réseau est de gagner la confiance de ces hommes puis de les séduire pour enfin les spolier de leur fortune. Seulement, l'une des affaires ayant mal tourné, Terry Bartel (William Smith), l'homme de main principal de l'organisation, vient de tenter cette nuit là d'éliminer un témoin gênant en la personne de Vangie. Dès lors, McGee et Meyer vont tenter de démanteler le réseau. Cela n'ira pas sans quelques surprises et dommages collatéraux...

 

 

La Loi du talion, que signe en 1970 un Robert Clouse alors débutant (il n'a que deux courts-métrages à son actif), est une adaptation par le scénariste Ed Waters (lors d'une de ses seules escapades hors série télévision, la série "Kung-Fu" pour Robert Clouse également) de l'un des nombreux romans de John D. MacDonald mettant en scène son héros Travis McGee. Pour être plus précis, il s'agit de l'adaptation de son septième roman (sur vingt et un) narrant les aventures de son détective. On retrouve du reste à l'écran nombre des caractéristiques d'un détective souvent près à aider un ami ou bien l'ami d'un ami, mais fort d'un caractère coriace. Ses honoraires ont la particularité générale de se monter à la moitié de la valeur de l'objet à récupérer (si objet il y a bien entendu. L'homme procèdera d'une manière différente s'il s'agit d'un être humain, une femme qui plus est !)
Rappelons au passage que l'excellent auteur de romans noirs et de thrillers, John Dann McDonald, n'est autre que l'auteur d'un autre roman, "The Executioners", lequel eut une adaptation qui fit un succès durable en plus d'un remake scorcesien excessif : "Les Nnerfs à vif". Pour en revenir à Darker than Amber, celui-ci reste très fidèle au roman original paru en 1966, notamment pour toute la partie complot et machination qu'il comporte. Si à l'origine ce fut Jack Lord puis Robert Culp qui furent pressentis pour incarner notre populaire détective, l'écrivain insista un temps pour que ce soit Steve McQueen qui le campe. Après le refus de ce dernier, Vic Morrow fut également envisagé par l'écrivain-scénariste avant de s'entendre enfin sur un nom avec les producteurs : Rod Taylor. L'acteur, qui vient d'enchaîner "Le Liquidateur" et Le Dernier Train du Katanga de Jack Cardiff, et sort juste du tournage de "Zabriskie Point" de Michelangelo Antonioni, a prouvé qu'il pouvait conjuguer force brute et subtilité. C'est en tout cas sur ces deux qualités que son nom est soufflé puis retenu.

 

 

Tourné sur les lieux de l'action, en Floride et à Nasseau aux Bahamas, autant ne pas tergiverser, à l'instar de notre vigoureux détective, et le dire comme c'est : La Loi du talion est une réussite. il s'agit même sans doute du meilleur film de son réalisateur, que trop de cinéphiles ou d'amateurs de films dits de genre ont voulu porter au pinacle pour la seule puissance de sa mise en scène, laquelle s'avère finalement le plus souvent un cran en-dessous de sa réputation jusqu'à décevoir. En témoigne son New-York ne répond plus..., une intéressante lecture post-apocalyptique manquant par moments de punch malgré sa réputation faite à cet égard. De fait, au-delà de son incontournable "Enter the Dragon" mené de main de maître, ses films ont le plus souvent tendance à décevoir (la "poliomyéliteuse" "Ceinture noire", l'anémique De la neige sur les tulipes, l'ennuyeux "Les Rats attaquent", en revanche The Pack est l'un des meilleurs Animal attack qu'on puisse encore voir à ce jour !). Quant à Darker than Amber, il surgit au bon moment dans un paysage cinématographique alors saturé d'espions et d'agents secrets (James Bond, Flint, Harry Palmer...) et d'aventures de célèbres détectives vieillissants déjà portés à l'écran bien des fois et qui le seront encore ("Adieu ma jolie", "Le Privé" ...). A l'instar d'un Philip Marlowe ou d'un Sam Spade, Travis McGee, quoique un peu moins connu que ses confrères, est un dur à cuire dont l'un des principaux attraits tient dans un idéalisme déçu, encore que Mc Gee soit le moins désillusionné des trois. Fidèle à son image, mais avec de l'humour en plus, Rod Taylor, souvent utilisé pour son côté taciturne, pouvant jouer de la mitrailleuse en gardant le visage impassible, a souvent été utilisé pour ces mêmes raisons par certains metteurs en scène dont quelques auteurs. Ainsi Antonioni l'avait pris pour ce même côté incolore et distancié qui laissait beaucoup de champ libre aux interprétations des spectateurs. Il aborde ici un registre plus nonchalant qui lui sied parfaitement. Tour à tour décontracté et violent, il endosse le rôle de McGee avec brio. A la fois vulnérable et drôle, Taylor s'impose avec évidence dans La Loi du talion et sert avec talent un script qui conjugue intelligemment l'action et l'exotisme, sans délaisser pour autant les caractères bien dessinés de ses personnages. Aussi, le complot, lorsqu'il ne s'agit pas de trame à tiroirs et à rebondissements, se tisse de façon presque naturelle par Robert Clouse, lequel reste au service de son histoire et à la bonne distance de ses personnages.

 

 

Autre bon point à l'actif de Clouse, celui de distiller une atmosphère qui fait distinguer Darker than Amber d'autres productions plus inodores dans lesquelles le canevas est finalement toujours un peu le même : un détective impliqué par accident et malgré lui avec une victime, puis qui s'engage ensuite moralement à la protéger en menant son enquête. En général, le détective est mis en danger et se fait le plus souvent attraper pour finalement retourner la situation dans une dernière bobine agitée, où souvent il fait preuve de violence, d'intransigeance voire de sadisme, avant de plier l'affaire. Il en va de même pour La Loi du talion (à l'exception notable d'un presque final étonnant et détonnant, dans lequel celui-ci se prendra une dérouillée en plus de se faire fracasser une bouteille sur la tête... je n'en dis pas plus, la suite, à l'instar de certains gialli tendance machination, réservera son petit lot de surprises quand bien même attendues pour certaines).
A cet égard, Robert Clouse utilise à merveille ses décors naturels, trouvant là un bel équilibre entre action et exotisme, et se servant même de l'un (paradisiaque) en contrepoint de l'autre (souterrain et dangereusement malfamé). Rien à voir avec de supposées cartes postales comme ce fut trop souvent le cas dans le genre abordé ici ainsi que dans le genre espionite évoqué avant. Il se sert de son décor, à l'inverse d'un Gordon Douglas et de son "Tony Rome est dangereux", tourné lui aussi en Floride et mettant en scène le détective du rôle titre. Sauf que le Miami de Douglas ressemblait à un Las Vegas dans lequel on aurait remplacé quelques panneaux pour les extérieurs. Clouse, déjà rusé, use d'une certaine économie de moyens au-delà d'intermèdes réguliers mais rapides (soulignés par l'excellente partition de John "Carl" Parker, passant alors du lounge à une rythmique plus torturée et endiablée), et parvient en réunissant par exemple, sur un simple yacht, des gens attifés à la manière des autochtones en les parant de propos racistes. Cela fonctionne en tout cas ici parfaitement.

 

 

Bien rythmé, doté d'une mise en scène à la fois élégante et vigoureuse, La Loi du talion offre au spectateur, outre les bonnes prestations de Suzy Kendall, Ahna Capri et Theodore Bikel, quelques scènes d'action fort bien troussées. Aux scènes brutales dans lesquelles une femme peut être jetée vivante sous les roues d'une voiture roulant à toute blinde, succèdent des pugilats extrêmement bien chorégraphiés. Plus rares que dans la plupart des autres films de Robert Clouse, ils se révèlent ici d'une efficacité redoutable à l'instar d'une baston finale intense, saignante et cruelle. Citons à cet égard, et pour finir, la forte présence du formidable William Smith (qu'on reverra dans New-York ne répond plus ainsi que dans "Les machines du diable" de Jack Starrett) qui, fi d'un personnage ouvert aux stéréotypes avec ses allures de beach boy aux muscles hypertrophiés et à la hargne psychopathique, compose un personnage constamment menaçant. Même absent de l'écran, le réalisateur parvient à faire planer son ombre et le danger qui va de pair, toute la pellicule durant. Une réussite.

 

 

Mallox

 

En rapport avec le film :

# Selon les dires de William Smith, la bagarre entre Rod Taylor et lui-même, qui était en même temps la dernière scène à tourner, n'eut rien de factice, les deux hommes s'étant mis a priori réellement sur la tronche. Rod taylor ayant fêlé plusieurs côtes à Smith en plus de pains dans la gueule respectifs que ce dernier soupçonna être volontaires, il lui cassa réellement une bouteille sur la tête...

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