Abby
Titre original: Abby
Genre: Possession , Blaxploitation
Année: 1974
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: William Girdler
Casting:
Carol Speed, William Marshall, Terry Carter, Austin Stoker, Juanita Moore, Charles Kissinger, Elliott Moffitt, Nathan Cook, Nancy Lee Owens...
 

Avec "Abby", nous voici proches de l'aberration filmique identifiée. On doit le film à l'excellent William Girdler, qui nous a arrosé une décennie durant de bonnes séries B, avec dès 1972 un sympathique "Asylum of Satan", avant de livrer les non moins distrayants "The Zebra Killer", "Day of the Animals", "The Manitou" ainsi que l'euphorisant "Grizzly", en passant par un "Sheba Baby" assez terne ; mais avec aussi ce réjouissant "Abby", ce, avant de mourir subitement et précocement d'un accident d'hélicoptère. L'homme n'aurait qu'une soixantaine d'années et je me demande bien ce qu'il pourrait bien nous concocter dans ces temps très formatés. Bref, il réalise en 1974 un pompage allègre et même pas éhonté du film de William Friedkin, auquel il pille tout sans états d'âme, et sans jamais lui rendre la monnaie de sa pièce, bien au contraire. William Girdler fait ici le pari osé d'accoupler Linda Blair à une bande de Trolls nègres pastoraux, et accouche ainsi d'"Abby". Enfantement qui se fera dans la douleur puisque la Warner mal lunée lui fera procès, empêchant le film de sortir dans les salles, arguant qu'on l'a spolié là, de tous les éléments de son Hit démoniaque.
Légitime attaque de la Major ? Oui mais non. On peut néanmoins s'attarder sur l'histoire afin de mettre en exergue l'évidence, puisqu'il met en scène une jeune femme (Carol Speed) qui s'apprête à épouser un prédicateur tandis que son père (William Marshall) lui aussi prêtre, mais archéologue à ses heures, s'en revient du Nigeria après avoir fait la découverte d'une sorte de totem maléfique qu'il ramènera hélas dans ses bagages. De fait, entre temps, une malédiction se sera propagée rapidement à distance dans la maison des tourtereaux, prenant possession d'Abby alors sous la douche, transformant la jeune femme pieuse et évangéliste en une furie sexuelle à haute tendance nymphomane. Tout ceci serait somme toute assez bénin si ce n'était que cette dernière arbore dès lors une bave aux lèvres répugnante tout en parlant avec une drôle de voix, celle d'un malin africain à n'en pas douter. Le papa très au fait des rites et sortilèges fera dès lors tout pour exorciser le démon noir bien membré qui l'habite.

 

 

William Girdler n'a pas de temps à perdre et dès l'entame, là où "L'Exorciste" prenait son temps afin d'installer son postulat en même temps que créer le climax que l'on sait, il fonce tête baissée avec son budget dérisoire dans des effets à tout va. Dès la découverte de l'étrange et diabolique objet, tout se met à s'effondrer aux alentours, tout comme lorsqu'il rentrera au foyer, les éléments ne tarderont pas à se déchaîner. En à peine 10 minutes celui-ci a presque déjà tout dit, que voici Abby en proie au démon, oubliant subitement ses bonnes manières pour se mettre à déverser insultes et perversités à tout va, sautant sur les bonzommes comme sur des steacks frites, leur promettant monts et merveilles sexuels, et se servant comme dans un snack. Que reste t-il alors au réalisateur à dire ? Et bien plus grand-chose, si ce n'était que ce qui aurait pu s'avérer un spectacle lassant, dont le manque de moyens aurait fini de l'achever, se révèle être un spectacle à la répétitivité jouasse et savoureuse. Et c'est bien là que la Warner s'est mise bêtement les doigts dans le pif, d'autant que sans être devin, il paraît clair que, hormis la couleur de peau ambiante, on ne voit guère comment le film aurait pu faire de l'ombre à son modèle, et c'est un mauvais procès qui fut ainsi fait. On pourra même légitimement se poser la question : entre ces deux films,  la suite officielle livrée par John Boorman et celui-ci, lequel est le plus regardable ? J'ai pour ma part, je crois bien, avoir choisi le camp Girdler...
Un mauvais procès, tout simplement, car le studio se trompe de cible. Plus que d'exploiter et de copier dans le désordre toutes les scènes de "L'Exorciste", le film de Girdler semble lever constamment la patte pour lui faire pipi dessus, livrant ainsi un film jouissif. On reste sans cesse à la limite de la parodie, excepté que la chose, tout en étant d'une irrévérence extrême, reste sérieuse et très pince sans rire. Abby se met à décupler les insanités de Linda Blair, et à l'instar du film de l'autre William, ici pris pour une poire, une bonne partie du film se déroulera autour du lit de la possédée, tandis que le père tentera d'en extirper le mal. Celle-ci bavera un peu toutes les substances colorées à portée de main des accessoiristes avant de s'en aller chercher des victimes en boîte de nuit, ce qui nous vaudra d'ailleurs une scène hilarante. Il faut être honnête, "Abby" ne fait strictement jamais peur, mais bel et bien jubiler ; et il conviendra surtout de le prendre comme un spectacle pied de nez, très drôle. Sans jamais tomber dans le pastiche, il sera difficile de ne pas penser au film de Friedkin, et de fait ne fera qu'accroître son pouvoir rigolard, tant le spectacle restera ici totalement décomplexé à l'égard de son maître.

 

 

Soit, on pourra trouver cela pauvre, mais ce sera logique puisque c'est un film pauvre. En tout et pour tout, on aura droit à un masque pourri vu de façon subliminale, un gant de toilette chaud posé sur un visage puis retiré fraîchement pour faire croire que ce dernier a été brûlé, beaucoup de substances mousseuses et écumeuses mises dans une bouche, et puis c'est tout ! Comme quoi l'on peut faire un film de genre possédé et possédant un charme certain avec rien ou peu. D'ailleurs, sans remettre en cause son modèle, lorsqu'on sera lassé de celui-ci, on pourra venir voir sans honte cette extension injustement "blacklistée" durant plusieurs années, et l'on sera surpris par l'espèce de plaisir parallèle procuré. Et puis d'abord, c'est une question d'équité. Pour quelle raison la communauté noire n'aurait-elle pas eu droit elle aussi à se voir possédée ? Forcément, sur les 89 minutes que durent le film, on trouvera bien quelques passages un peu longuets, néanmoins on pourra aussi y trouver d'autres choses, comme une petite peinture absolument pas prétentieuse de la Middle Class Afro-américaine, ainsi que par le biais de son héroïne, une contribution non négligeable pour une libération sexuelle. Il paraît clair qu'en confrontant les valeurs de l'église au démon païen qui habite le corps enfiévré de son personnage principal, chacun sait de quel côté il se rangera, auquel cas il ne serait pas venu de lui-même assister au spectacle maléfique.
Pour finir, je mentirais en vous disant qu'"Abby" est un très bon film. Sur une échelle de valeurs plus traditionnelles, c'en est un à peine bon, mais il n'empêche qu'à son actif, on y retrouve également des acteurs qui semblent bien s'amuser et qu'on a plaisir à voir. Que ce soit son héroïne Carole Speed (déjà vue dans "The Big Bird Cage" et dans le sympathique "The Mack" de Michael Campus) qui offre même dans sa générosité l'une des chansons de la bande son, l'inoubliable William Marshall qu'on aurait tendance à appeler "Blacula" tant sa figure semble liée au film et sa suite, mais aussi Terry Carter, vu la même année dans "Foxy Brown", puis Austin Stoker, habitué des film de Girdler mais que l'on connaît surtout pour sa présence dans "Assaut" de John Carpenter. Enfin mais j'en oublie sans doute, le plaisir de voir Juanita Moore, dont certains j'en suis sur, se souviennent au sein du somptueux mélodrame controversé (sublime pour certains, horripilant pour les autres) de Douglas Sirk, "Le Mirage de la Vie". De toutes façons, un film qui semble posséder par derrière un aussi gros morceau tel que "L'Exorciste", tout en riant comme le diable, ne peut être tout à fait mauvais.

 

Note : 6,5/10

Mallox

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