Un Génie, deux associés, une cloche
Titre original: Un Genio, due compari, un pollo
Genre: Western spaghetti
Année: 1975
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Damiano Damiani
Casting:
Terence Hill, Robert Charlebois, Miou-Miou, Patrick McGoohan, Klaus Kinski, Jean Martin, Mario Brega...
 

Alors qu'une enquête est en cours par un général de l'armée américaine sur un supposé détournement de 300 000 dollars réservés aux affaires indiennes, des bandits et de faux bandits transitent autour afin de tenter de récupérer le magot. Joe Merci (Terence Hill), s'associe à Locomotive (Robert Charlebois) qui ressemble au général (surtout lorsqu'il met une fausse barbe rousse), afin de se substituer à lui et récupérer l'argent. On comprendra après moult rebondissements que Joe Merci n'a en tête que de démanteler le complot afin que l'argent parvienne bien aux destinataires, à savoir les indiens.
"Un génie, deux associés, une cloche" est un bel exemple de film raté tournant au patchwork presque réussi. A l'instar de son casting improbable, qui n'a à priori rien pour faire un film homogène, c'est un trip hétérogène (et parfois érogène) qui à trop vouloir brasser de morceaux de bravoure, à trop vouloir surfer sur le succès de "Mon nom est personne", et à aligner les clins d'oeil cinéphiliques à tout va, finit par ressembler à une tente indienne dans laquelle tout le monde se regrouperait pour y fumer un calumet qui fait rire, avec un peu de gène parfois entre des protagonistes qui ne se comprendraient pas toujours entre eux. Pour l'anecdote, il semblerait que les bobines du film furent volées par la mafia tant et si bien qu'on finit par le monter à partir des rushs restants. Si cette légende est belle et bien la vérité, l'on comprend mieux l'aspect anarchique de cet ovni parfois jouissif, parfois triste - on a vraiment le sentiment plus que jamais d'assister à la fin de la fin d'un genre - parfois drôle, parfois pesant, parfois maîtrisé, mais le plus souvent en roue libre...

 

 

On le doit à ce bon Damiano Damiani, responsable de l'excellent et fondateur "El Chuncho" qui ma foi ne semble pas tout à fait à son aise ici. C'est pourtant un metteur en scène en toute possession de ses moyens alors puisqu'il tournera l'année suivant le très bon "Un juge en danger" avec Gian Maria Volonté et Mario Adorf, ainsi qu'un "Amityville II" de bonne facture un peu plus tard. Selon Leone qui produisit le film, Damiani aurait été un choix regrettable, celui-ci n'étant pas fait pour la comédie. Pourtant, si "Un génie, deux associés, une cloche" emporte in-extremis la partie ou en tout cas certaines manches, c'est grâce à quelques passages rigolos qu'il recèle, comme cette poursuite dans un fort au sein de laquelle Joe Merci s'évade un premier temps grâce à des barres parallèles, pour s'offrir ensuite dans la cours une partie de corrida avec ses poursuivants. Comme dirait l'autre, ça ne pète pas haut, mais l'on se marre bien. De même lors d'une excellente scène comique digne d'une BD des pieds-nickelés, où l'un après l'autre, nos trois compères surgissent de derrière un rocher. C'est pourtant de cette absence de soucis pour la vraisemblance, ou même on peut le dire, un soucis de l'invraisemblance qui fait qu'un charme opère sournoisement tout du long, par intermittence soit, mais c'est pourtant avec une petite banane au lèvres qu'on en repart.
Alors bien sur, le film est moins bon que "Mon nom est personne", mais rappelons tout de même que ce dernier fut tourné par Tonino Valerii qui n'avait pas plus à priori de dispositions pour la comédie que Damiano Damiani. D'ailleurs comme dit avant, ce n'est pas dans la partie comique qu'il reste inférieur à son prédécesseur, mais plutôt dans son incapacité à unifier et structurer son histoire pourtant plus élaborée qu'elle n'y paraît, ainsi du fait de ne pas partir d'un seul thème pour l'approfondir, ce que faisait le film de Valerii avec son passage de générations surfant sur le thème cher à John Ford, bâtir puis retranscrire une légende plus belle que la véracité historique, jusqu'à l'en faire devenir vérité. Secondo, si "Mon nom est personne" avait un pied dans la parodie, on peut dire sans trop prendre de risques, que le film de Damiani arrive comme une bombe dans un bain de boue, à savoir avec de bons gros sabots. Si le western spaghetti a toujours montré de l'irrespect pour le western classique américain, ici il pavoise d'irrespect pour tout, y compris le propre genre dans lequel il s'inscrit. Cet esprit aimablement frondeur en fait paradoxalement aussi son charme. L'une des premières scènes du film mettant en scène Klaus Kinski (excellent et qui ça se voit, prend un plaisir malin à se démystifier) est à cet égard assez révélatrice me semble t-il, puisque l'icône du mal (mais pas toujours) du western spaghetti se retrouvera jeté par la fenêtre comme du linge sale. Exit les icônes du genre semble dire le réalisateur, et place au... n'importe quoi !

 

 

Un n'importe quoi dans lequel on y retrouve d'ailleurs Miou-Miou (?!) qui y est assez convaincante dans un ersatz de Jeanne Moreau tendance "Jules et Jim" version nunuche (quoique j'ai toujours trouvé le film de Truffaut assez nunuche bien que sérieux) et qui forme un trio sympathique, entourée par ces deux cabotins finis que sont Terence Hill, qui il faut bien le dire vampirise (et heureusement le plus souvent) le film, et Robert Charlebois qui dans son rôle d'ours mal léché s'en sort honorablement. Même si dans la version française du film, ce dernier garde son accent québécois pour un jeu à l'italienne tout en démesure, en verve et truculence grotesques, voire grossières, ce qui ne passe pas toujours, et se fait même assez lourd dans les moments les plus bavards. Le rôle du méchant échoie à Patrick McGoohan - qui viendrait s'en plaindre ? - qui aimerait bien s'accaparer l'argent destiné aux indiens et à leurs terres. Son interprétation est parfaite. Cynique, et un brin sadique, on le sent jubiler dans la peau de son personnage en même temps qu'il permet au film de s'unifier un tant soit peu, puisqu'il semble être le seul personnage à garder les mêmes motivations.

 

 

Bon pour finir et pour faire un bilan rapide, disons qu'on est à la fois contentés, et qu'on reste à la fois sur sa faim. L'un des charmes du film est son côté très décousu proche d'un "j'm'en foutisme" très anar, mais c'est également sa limite, l'intérêt qu'il dégage étant intermittent. Et puis à force de se référer à "Mon nom est personne" qui offrait tout de même un spectacle plus ténu, plus homogène, il se finit tout compte fait par se faire du mal à lui-même. En témoigne la partition de Morricone (pourtant très entraînante) qui ne cesse de la reprendre jusqu'à la parodier, puis quelques dialogues de trop, comme dans la scène du poker où les joueurs demandent qui est se type qui reste là derrière Klaus Kinski et que celui-ci répond : "Lui, c'est personne"... Dans ces moments là, et il y en a d'autres, c'est assez lourd en plus de n'être absolument pas drôle. On note de plus, de sérieuses chutes de rythme et l'on est content lorsque celui-ci parvient à se reprendre au lieu de se perdre en dialogues parfois un peu emmerdants. Bref, on assiste à un patchwork parodique on ne peut plus décousu et inégal. Mais pas détestable pour autant.

 

Note : 5/10

 

Mallox
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