Histoire de M. N
Genre: Contes et Légendes
Pays d'origine: France
Editeur: Le Pettit Caveau
Collection: Sang Noir
Auteur: Thibault Rollet
 

De ma longue expérience de lecteur, je me suis rarement autant senti insulté par une telle indigence. Si encore cela ne tenait qu'à des questions de goût personnel, d'appréciation politique, philosophique d'une œuvre ! Non ! Dans sa forme, l'écriture de Thibault Rollet, bien que s'améliorant « un peu » en court de route, demeure désastreuse. Quant au fond, d'autres lecteurs y trouveront peut-être leurs bonheurs, pour ma part je n'y ai contemplé qu'un néant abyssal.

 

La Forme : Sans être un ayatollah possédant le balai orthographique et grammatical vissé au tréfonds du rectum, je considère que la moindre des politesses pour un éditeur est de livrer un livre dont la mise en page titille les rétines, permettant au lecteur de goûter toute la saveur du roman sans être irrité par des accrocs qui rompent de façon péremptoire le rythme de la lecture. Or dans le cas qui nous intéresse, entre les coquilles à répétitions et la multiplication des veuves et des orphelins, ce n'est plus un texte, c'est Verdun !

 

Ces questions d'esthétiques typographiques mises à part, l'on en vient au rôle de l'écrivain, à son travail : me séduire par sa manière de conter. Thibault Rollet est peut-être un excellent musicien au sein de sa formation de rock, mais c'est un amateur littéraire, impubliable en l'état. Il lui manque un style, forgé par la fréquentation assidue d'autres œuvres et par des années de pratique ! En conséquence de ce laxisme, une bonne partie de ses descriptions et de ses métaphores s'enlisent dans le lieu commun.

 

Exemple : "Avez-vous déjà vu un film de Tim Burton ? Eh bien ! je me croyais en plein dedans. On avait l'impression qu'un arbre était tombé sur la maison tellement ses formes biscornues allaient en tous sens. Passé le seuil tout était noir, très sombre. Quelque chose rendait l'atmosphère unique. Il était clair que ce n'était pas un endroit comme les autres."

Le Passe-mondes p.20.

 

J'ai choisi ce passage, révélateur d'un foutage de gueule sans limites de la part de l'auteur pour son lecteur. Commencer une description par une citation littérale d'un cinéaste pour tenter de poser une atmosphère démontre un manque de technique patent. De quel film de Tim Burton parle-t-il ?[1] « Beetlejuice ? » « La Planète des Singes ? » « Ed Wood ? » Que fait le lecteur qui n'a jamais vu un seul film de Tim Burton de sa vie ? Cette référence constitue une atroce maladresse qui n'aurait jamais dû passer la phase des premières relectures. si l'on souhaite donner une ambiance « burtonienne » à ses écrits il vaut mieux se concentrer sur la formulation de ses descriptions ! [2]

 

Le reste de la narration est à l'avenant, entre un sujet impersonnel [3] et deux pléonasmes indigestes [4], le lecteur se rend compte qu'il s'est fourvoyé dans un marigot littéraire et que celui-ci peut ébrécher son intelligence. [5] Tout le roman est rédigé selon ce schéma, nous bringuebalant de descriptions vaseuses en tournures de phrases indigentes. Je préfère me taire au sujet des dialogues et nous passerons donc au fond !

 

Le Fond : Mais j'ai pour éthique de pardonner une forme déficiente pourvue qu'on l'on est du fond et de l'ivresse. Alors, "Mister N." remplit-il le contrat de transporter son lecteur hors de sentiers usés du fantastiques pour nous offrir au moins autant d'aventures que son comparse d'inspiration « Beetlejuice ? » NON !

 

"Mister N." nous compte les pérégrinations d'un journaliste intronisé Passe-Monde par un mystérieux personnage. Après une courte formation, notre héros conduit les morts aux enfers ou au paradis (seigneur !). Dans le cadre de ses activités, notre homme se mêlera à plusieurs affaires impliquant défunts et vivants, dont un conflit qui déchire la Caste de Layrmor, une communauté de vampires ayant décidé d'exterminer la race humaine.

 

L'introduction du récit, qui aurait elle-même pu tenir sur un volume entier pour un auteur consciencieux, couvre les cinquante premières pages. Malgré une narration en focalisation interne qui tente poussivement de nous projeter dans l'intimité du protagoniste principal, l'on peine à s'intéresser à un personnage sans psychologie. Ce héros n'existe pas. Fantôme de papier, il n'éprouve ni peur, ni désorientation, ni agacement… À peine est-il attiré par la « séduisante » chef des vampires dont la description rassemble tous les pires clichés du genre. Mais n'attendait pas de lui des déchirements intérieurs ou qu'il commette des erreurs… Aussi lisse que la tonsure d'un moine, ce personnage n'offre aucune empathie et nous ne possédons aucun moyen de nous raccrocher à ce héros monolithique !

 

La caractérisation des différents protagonistes à la ramasse enfile les maladresses avec une régularité métronomique. L'auteur définit ses personnages en nous exposant leurs caractères « supposés » dès qu'ils entrent en scène. Cette méthode inhabile le conduit à se contredire à de multiples reprises. Pour camper des personnages solides, ambigus et charismatiques, il ne faut pas le dire, mais le montrer aux lecteurs. Leurs actions et les réactions valent mieux que tous les discours introductifs ! C'est l'essence d'une caractérisation réussie.

 

Le développement des thématiques principales aurait nécessité un minimum de recherche pour pouvoir étoffer le propos plutôt que de nous servir une soupe indigeste et grumeleuse. Ainsi la notion de "Passe-Monde", selon la terminologie "fantaisiste" de l'auteur existe-t-elle déjà dans d'innombrables cultures, rassemblée sous le vocable poétique de Psychopompes. Cela aurait contribué à agrandir un univers dont on devine dès les premières pages, la consistance de carton-pâte.

 

Bien sûr tout ce monde manichéen est régi par Dieu et le Diable. Et c'est tout ! Ne cherchez pas d'ambigüité, car il n'y en a aucune. Quant aux cultures qui n'appartiennent au cercle judéo-chrétien, n'en discutons pas ! Elles n'existent même pas !

 

L'auteur se targue de de rédiger une comédie horrifique, mais pour réussir ce tour de prestidigitateur de l'écriture il eut valu maîtriser le rythme, la narration et la caractérisation. En l'état, l'on se borne à suivre les pérégrinations de stéréotypes sans charismes et l'on s'ennuie comme un rat crevé lorsque l'auteur dégaine la grosse artillerie, mettant en scène des combats surréalistes où l'on ne sait qui fait quoi, où, quand et comment…

 

Conclusion : "Mister N : Le Passe-Monde" ressemble à une vaste blague réalisée en quelques jours, et non pas cinq ans comme le prétend l'auteur. J'ai déjà eu entre les mains des œuvres qui ont demandé de leurs auteurs des années de labeur, du sang et de la sueur et aucune ne possédait ce degré d'amateurisme navrant, cette volonté de bouffer à tous les râteliers pour rallier à lui un lectorat le plus vaste possible.

 

Cependant, plaire au plus grand nombre ôte toute saveur à la production de l'auteur. Un bon divertissement qui vous prend aux tripes pour ne plus vous lâcher vous apporte, disséminer entre ses pages, plus que ce que vous pensiez y trouver, quelle que soit la forme que prendra cet apport inédit. Les paralittératures ont été, pour moi, de grandes pourvoyeuses de ces sensations. À l'opposé, comme une majorité de ses consœurs l'œuvre de Thibault Rollet ressemble à un avorton prématuré vagissant dans sa boue organique et ses excréments. Malheureusement, ce type de pauvres choses ne cessent d'envahir nos librairies, appauvrissant notre fond culturel et noyant des auteurs talentueux dans une tempête d'œuvres consensuelles, aux intrigues prémâchées et aux personnages aussi charismatique que les varices de ma grand-mère !

 

Gernier

 

 

1 - Quoique je puisse deviner, mais en l'occurrence, mais ce n'est pas au lecteur de décrypter la référence.

2 - Éventuellement, une petite recherche sur les nombreuses influences cinématographiques et littéraires de Tim Burton, ça peut servir !

3 - Le fameux « on » est un con !

4 - … quelque chose rendait l'atmosphère unique. Il était clair que ce n'était pas un endroit comme les autres… Oui ! C'est la même chose dite deux fois !

5 - Certes moins que certaines émissions de télévision, mais ceci est une autre histoire…

 

 

A propos de ce livre :

 

- Site de Mister N : http://www.mister-n.com/

- Site de  l'éditeur : http://www.editionsdupetitcaveau.com/

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