Descendant de la famille royale, Malïn s'est vu condamner au suicide rituel le matin où il s'est réveillé avec une tâche violette à la provenance inexpliquée sur son bras.

Dénoncé, il a été enfermé par les Hâmans, gardiens de la loi séculaire des sept îles, dans une des somptueuses chambres du Palais.

Le garçon de quatorze ans a une journée pour choisir par quel moyen il va se donner la mort.

N'arrivant pas à se poignarder, non plus qu'à s'empoisonner, Malïn se résout à une impossible fuite et à une vie de paria, lorsque des odeurs de fumée et des bruits de lutte lui parviennent des couloirs alentours. Surmontant sa peur, l'adolescent force la serrure de sa geôle pour découvrir qu'une mystérieuse peste se répand au travers la citadelle.

Les prêtres tuent tous ceux qui en présentent les symptômes: la tour de l'Immuable, rassemblant toute la noblesse, a été murée et incendiée!

Malïn en vient à se rappeler d'un vieil ouvrage découvert à la bibliothèque lors de ses études, et surtout les illustrations représentants des bûchers tout aussi horribles de corps violacés et déformés par l'influence d'un démon.

Personne ne veut entendre ses explications, et notre héros décide donc de partir en quête de l'arme qui permettra d'occire le démon qui a pris possession du palais.

En tentant de rejoindre l'embarcation qui lui permettra de rejoindre au-delà de l'océan le Grand pays où se trouve l'Oro, Malïn vient en aide à Alis, la fiancée du prince Makantha, l'héritier de l'Immuable.

C'est non sans une certaine curiosité et une véritable impatience que j'ai débuté "Le grand pays". En effet, même si en tant que chroniqueur de bandes dessinées le pseudonyme d'Ange ne m'était pas inconnu, voir familier - "Le collège invisible" (avec Régis Donsimoni), "Paradis perdu"(dessins d'Alberto Varanda) -, je ne m'étais jamais encore décidé à lire un roman signé par le duo formé par Anne et Gérard Guéro.

On m'a pourtant dit le plus grand bien de la trilogie d'"Ayesha- la légende du peuple turquoise".

Lorsqu'il fallut proposer à Chaperon Rouge des titres pour Bragelonne, je n'ai pas eu à chercher trop longtemps dans la liste des auteurs qui constituent leur catalogue... Ange commence par un "A"!

C'était l'occasion inespérée!

Le lendemain de l'arrivée du colis, j'ai donc commencé à arpenter sans attendre le monde médiéval fantastique où se déroule cette histoire qui, il faut le reconnaître, n'est pas sans cultiver quelques similarités avec la BD "La geste des chevaliers dragons", principalement en ce que démons et dragons, de par leur présence, déforment physiquement et psychiquement les êtres humains de leur voisinage (le voile ou le veill).

Assurément si vous aimez cette série (8 tomes à ce jour plus un "hors série", "Chevalier dragon", ce dernier illustré par Dohé) vous apprécierez ce roman, premier épisode d'une nouvelle saga intitulée "La légendes des tueuses-démon" qui propose un récit remarquable de noirceur et met en place un univers intriguant et prometteur.

Condamné à mort, Malïn n'en décide pas moins de sauver ceux-là mêmes qui lui voulaient du mal. Animé des plus nobles intentions, le jeune adolescent accumule les obstacles et sa quête héroïque tourne au cauchemar dès lors qu'il réalise l'ampleur de sa tache, et les sacrifices personnels qu'elle sous-entend.

Arrivé en terre étrangère, dans un "grand pays" où la magie n'a pas été abolie à l'inverse de l'archipel des Sept îles, sa requête est rejetée sans appel par l'ordre des guerrières vierges qu'il était venu solliciter, pire il est considéré comme un affabulateur, voire une menace!

Accompagné par une potentielle princesse, qui elle même refuse de croire ces affirmations car elles signifient l'anéantissement de ses prétentions sociales, Malïn met tous les moyens en œuvre pour mener à bien sa mission, devenant de fait un anti-héros qui néanmoins conserve notre sympathie, tant sa sincérité est touchante!

Les deux écrivains ne ménagent pas leur personnage principal qui, outre de nombreuses déceptions, connaîtra la maladie et la folie.

On est loin ici d'un récit initiatique classique peuplé de gentils adultes venant en aide au jeune héros, seul individu désintéressé et altruiste qui ne trouve aucune aide. Barrière générationnelles et sociales restent bien en place, l'aventure n'y change rien.

Autre personnage féminin, Ja-ney, la tueuse aveugle, entretient avec Malïn des rapports tout aussi complexes et originaux qu'Alis qui se révèle elle aussi fort encombrante par moment.

De même, Anne et Gérard Guero bouleversent le style de la narration classique. Les interludes mettant en scène des situations autonomes, des personnages inédits, donnent à leur roman un caractère particulier. On en vient à se demander si les tomes suivants (La légende des tueuses démon est annoncée comme une trilogie), s'ils se déroulent dans le même univers, ne seront pas indépendants car se situant à des époques différentes (passées ou futures) ou bien encore en narrant des histoires parallèles.

Un postulat qui assurément étoffera un monde déjà prometteur qui malgré sa dureté réserve quelques passages non dénués d'enchantement, comme par exemple ses mystérieuses routes bigarrées dignes de l'arc en ciel du pays d'Oz ou bien encore les lumières qui à la nuit s'allument au dessus des citoyens endormis.

Des intermèdes poétiques qui tranchent avec un texte qui dans sa forme ne s'embarrasse pas de trop de détails.

Un roman qui ne manque pas d'ironie tout comme les scénarios du jeu de rôle "In Nomine Satanis / Magna Veritas" auquel les auteurs ont participé.

Vous l'aurez compris, pour ma part j'ai été totalement conquis par "Le grand pays", et j'attends avec impatience de voir la façon dont le duo Ange va développer ce continent pour pouvoir poursuivre son exploration.

Note : 8/10

 

Ludo

 

A propos de ce livre : 

 

- Site de l'éditeur : http://www.bragelonne.fr/