Du grisbi pour Hong Kong
Titre original: Ein Sarg aus Hongkong
Genre: Polar , Aventures
Année: 1964
Pays d'origine: Allemagne (RFA) / France
Réalisateur: Manfred R. Köhler
Casting:
Heinz Drache, Ralf Wolter , Chien Yu / Angela Yu Chien (Suzy May Wong), Elga Andersen, Sabina Sesselmann, Pierre Richard (l'autre)...
 

A Londres, à la nuit tombée - une jeune Asiatique est abattue dans le bureau d'un détective privé, Nelson Ryan, qu'elle venait consulter pour lui demander d'enquêter sur la mort de son époux, George Jefferson, dont elle venait de rapatrier le cercueil depuis Hong Kong. Le vrai Nelson Ryan, en rentrant chez lui peu après, découvre le cadavre de la jeune et jaune veuve. Ne sachant que faire, et se rendant compte que c'est son arme rangée dans son bureau qui a été utilisée, il décide de dissimuler le corps plutôt que de prévenir la police, le temps de recevoir un visiteur qui lui demande un entretien d'urgence. Celui-ci, accompagné de sa séduisante et blonde secrétaire (et sans doute maîtresse), est le milliardaire William Jefferson (le père de Georges) qui a reçu un coup de fil anonyme lui annonçant que sa bru venait de se faire abattre par Ryan dans le bureau de ce dernier (qui se trouve être aussi son appartement). Jefferson père, sur les conseils de sa compagne, et plutôt que de prévenir la police, est venu vérifier sur place la véracité de cet appel. Ce même Jefferson père, ne voyant pas de cadavre et étant peu intéressé par le sort d'une belle fille dont il ignorait l'existence, engage Nelson Ryan pour enquêter sur la mort accidentelle et mystérieuse de son fils à Hong Kong. Un fils avec qui il avait coupé les ponts vingt ans plus tôt.

 

 

Si le résumé de l'entame peut laisser croire à une série noire assez complexe et tortueuse, le film est en fait une assez classique série B d'aventures dont les péripéties, aussi prévisibles que (paradoxalement) peu réalistes, évoquent plutôt la bande-dessinée. Du grisbi pour Hong Kong c'est un peu "Les aventures de Tintin à Hong Kong", mais avec des putes en plus. Une fois cela dit, on a quasiment tout dit et c'est vrai que, somme toute, il y a pire comme référence et l'ajout d'escort-girls locales est un plus indéniable comblant la plus grave lacune des albums du héros de Hergé. "Ein Sarg aus Hongkong" n'est pourtant pas une adaptation cinématographique d'une des aventures de l'avatar crypto gay et adolescent de ce grand démocrate que fut Léon Degrelle, mais bien d'un roman "noir" de James Hadley Chase. A savoir "A Coffin from Hong Kong", dont le titre original du film est la traduction littérale, mais qui dans la langue de Molière devint par la magie des coproducteurs français ("Les films Jacques Leitienne") Du grisbi pour Hong Kong, histoire sans doute de donner une touche de modernisme au film avec cette référence à un classique du film noir à la française. Pas de grisbi pourtant ici, de la schnouf seulement pour rester dans le ton et l'argot des années 40. Il est vrai que les mêmes nous avaient commis un Défi du maltais pour la sortie française de "Der Hexer" cette même année.

 

 

Suite au succès phénoménal des Edgar-Walace-Filme de la Rialto, la mode était, dans le cinéma allemand (et même la télévision) de la première moitié des années 60, aux adaptations de romans policiers anglais. De styles et de générations très diverses d'ailleurs, puisque seront utilisés aussi bien l'ancêtre Conan Doyle, son fin et subtil contempteur Chesterson, que les plus anecdotiques Francis Durbridge et Victor Gunn, et même le plus moderne et américanisé Hadley Chase. La principale constante de ces adaptations allemandes est qu'elles sont très libres. Certaines sont même, en fait d'adaptations, des scénarios totalement originaux se contentant de reprendre un des héros créés par l'auteur (pour Conan Doyle et Francis Durbridge notamment).
Ceci pour donner au final des films assimilables au Krimi ou bien, comme ici, s'en démarquant volontairement tout en y faisant suffisamment référence (ne serait-ce que grâce aux noms référencés sur l'affiche, ici Drache et Sesselmann) pour pouvoir en drainer le public.

 

 

Quoi qu'il en soit, les romans à trames extrême-orientales de Hadley Chase semblent avoir eu les faveurs des coproductions franco-allemandes, même après l'âge d'or du Krimi, puisqu'en 1967 sortira une autre coproduction Wolf C. Hartwig / Jacques Leitienne, réalisée elle par Jürgen Roland, "Coup de gong à Hong Kong" ("Lotosblüten für Miss Quon"), dont l'action ne se déroule pas à Hong Kong, et dont les principaux défauts sont d'avoir évacué l'arrière-plan politique du roman (qui ne se déroule donc plus au Sud Vietnam) ; et, bien que tournée en Asie (sans doute en Thaïlande), d'avoir remplacé les Asiatiques par des Européen(ne)s, hormis la Miss Quon du titre (et encore... puisque c'est une Chinoise élevée en Allemagne qui la joue). Défauts dont est exempt le présent film, ce qui est déjà pas mal.

 

 

Chaînon manquant entre les Edgar-Walace-Filme et la série des Commissaire X, Du grisbi pour Hong Kong, qui voit Heinz Drache, le "private eyes" du cinéma allemand, affronter la pègre locale et, plus agréablement, les escort-girls autochtones, utilise bien des acteurs et (surtout) des actrices du cru, et a bien été tourné à Hong Kong (hormis son prologue londonien). Manfred R. Köhler, le réalisateur, ne se prive d'ailleurs pas de nous en faire la démonstration en nous gratifiant de plans de la baie de Hong Kong ou de la ville vue des hauteurs aussi souvent qu'il est possible. Ce tournage hongkongais posera d'ailleurs des problèmes au producteur suisse Erwin C. Dietrich, future légende du bis européen, qui était alors encore un jeune et bouillant débutant. Il faut dire que dans les années 60 le milieu du cinéma de la concession britannique était noyauté par le crime organisé et il était de coutume d'escroquer autant que possible les équipes de tournage étrangères. La Constantin-Film, qui avait avancé les fonds, remplaça donc au pied levé Dietrich par le plus expérimenté et diplomate Wolf C. Hartwig (autre légende du bis) qui avait déjà connu à deux reprises les péripéties d'un tournage hongkongais.

 

 

Malgré, donc, ces ennuis de production, le résultat final est plus qu'acceptable. Certes Manfred R. Köhler, scénariste propulsé réalisateur, n'est pas un virtuose de la caméra. Certes, les scènes d'action sont assez atones et les bagarres sont à "l'européenne" (pas d'arts martiaux avec filins). Certes, le montage et les transitions entre les scènes sont un peu abrupts. Certes, ce ne sont pas les plans touristiques assez inutiles qui manquent. Mais dans l'ensemble ce métrage tient largement la comparaison avec les autres films d'aventures exotiques allemands de la décennie, pour la plupart signés Jürgen Roland. Disons-le tout net, celui-ci est même beaucoup plus fun que les films de Roland grâce à son histoire plus amusante (qui ne garde sans doute pas grand-chose du roman adapté) à la "Tintin va en Chine voir des putes", et grâce aussi à son casting, dominé par le toujours sympathique Heinz Drache, mêlant acteurs allemands, hongkongais et, co-prod' oblige, quelques Français.

 

 

Un mot sur le casting, pour finir. C'est l'une des stars masculines du Krimi qui tient la vedette : Heinz Drache - que l'ont peut, toutes proportions gardées, considérer comme l'équivalent pour les films policiers allemands des années 60 de ce que fut Bogart pour les films noirs hollywoodiens des années 40. A ses côtés, le chauve Ralf Wolter, pilier du Sauerkraut-Western, joue un comparse assez en retrait, le Milou de Tintin en quelque sorte. Côté féminin, Sabina Sesselmann, bien que mise en avant au générique et sur les affiches allemandes, n'a qu'un petit rôle et n'apparaît que dans le prologue européen. En fait, deux autres actrices se partagent le premier rôle féminin et les faveurs de Drache : la Chinoise Angela Yu Chien et la franco-bavaroise Elga Andersen. La première, créditée sous le pseudonyme de Suzy May Wong, était alors une jeune débutante à la fraîcheur et au charme tout aussi indéniables que ses talents d'actrice. La seconde, née allemande mais arrivée en France à l'adolescence, pays où elle fera l'essentiel de sa carrière artistique au point d'être doublée en allemand pour tous ses films tudesques (des coproductions françaises pour l'essentiel), est incontestablement une très jolie fille, mais son myosis permanent (et sans doute artificiel, destiné à souligner le bleu de son regard) donne l'impression qu'elle est perpétuellement assoupie. On retrouve aussi deux Français au casting : le cascadeur vétéran Henri Cogan et le brun et athlétique (vous avez bien lu) Pierre Richard (ne pas confondre).

 

 

Sigtuna

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