Diary of the dead - Chronique des morts vivants
Titre original: Diary of the dead
Genre: Zombie , Horreur
Année: 2007
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: George A. Romero
Casting:
Michelle Morgan, Shawn Roberts, Nick Alachiotis, Matt Birman, George Buza, Joshua Close, Wes Craven, Stephen King, Guillermo Del Toro, Quentin Tarantino, George A. Romero...
 

Dans une forêt, des étudiants en cinéma s'apprêtent à tourner un film d'horreur à petit budget. Voici nos apprentis cinéastes avertis par radio d'évènements suspicieux dans les parages mais à leur niveau, toujours surs de rien. Perplexes au début, ils tomberont finalement assez vite sur ce qui ressemble fort à un soulèvement de morts-vivants ! Témoins du chaos ambiant, ils choisissent alors d'utiliser leur matériel afin de rendre compte de l'horreur dont ils sont devenus les témoins puis les acteurs, ce, dans un style documentaire et dans un souci de mieux rendre compte de la réalité...
Pas de doute, ce film là divisera. Et pourtant on peut le voir quasiment comme l'opposé, voire le négatif de "Land of the Dead" dans lequel le cinéaste n'était plus finalement qu'un simple chef d'orchestre (de talent toutefois) à qui l'on aurait demandé de réactualiser l'une de ses vieilles pelloches, en la remettant dans l'air du temps, au goût du jour. Ceci expliquait sans doute en partie le côté téléphoné de l'opus en question. Ici Romero va beaucoup plus loin. Plus qu'une critique politique ou sociale, il s'interroge sur le(s) support(s) médiatique(s) tout en remettant en question son art. Pari risqué qui pourra se heurter à l'incompréhension d'une partie du public qui n'y verra qu'un doom like de plus et même molasson, avec des acteurs qui jouent mal, et surfant sur un concept surexploité ces derniers temps, celui du film dans le film façon cinéma vérité. Rien de tout ça même si l'on sera tenté de le rapprocher d'autres oeuvres de ce début d'année comme "Cloverfield" ou le plus réussi "REC". A contrario des deux films cités, ici le propos s'inverse puisqu'il s'agira d'une bande enregistrée par un jeune cinéaste retrouvé mort au début du film, laquelle sera montée. Point de filmage Live et de plans épileptiques sur les pieds d'un cinéaste amateur. Ce à quoi l'on assistera sera aussi le miroir des propres doutes du metteur en scène doublé d'une réflexion sur la difficulté à exercer son art.
A cet égard pour revenir aux acteurs que pas mal s'empresseront de critiquer, rappelons que ce sont de jeunes acteurs en train de tourner un film d'horreur. Si les dialogues pourront sembler insipides et les acteurs mauvais (surtout évitez la VF qui accentue le malentendu !), ils ne seront finalement que le miroir de la pensée du réalisateur quant à l'état du film de genre, dans lequel l'étude de caractère est la plupart du temps reléguée au second plan, spoliant ainsi les mises à mort d'enjeu dramatique, et faisant se succéder les morceaux de bravoure pour un résultat dénué d'âme.

 

 

C'est même peut-être là qu'est le côté le plus appuyé pour ne pas dire lourd du film. Car pour ce qui est des supports médiatiques et la façon dont Romero aborde son sujet, s'il laisse entendre qu'il n'y a aucune vérité au royaume des médias perdus entre les mains des grands groupes, il semble aussi s'interroger sur les limites de la liberté d'expression et la multiplications des avis populaires que peut proposer internet avec comme supports vidéos, des plates-formes comme Youtube par exemple. Finalement vient se substituer à la vérité d'état, une multitude de vérités ou de points de vue qui offriront au final, quelque chose d'informe et de bouillabesque dans lequel il sera impossible de s'y retrouver si c'est bien cela que l'on cherche. Une autre forme d'entonnoir en somme qui contribuera peut-être d'avantage encore à du gavage qu'à de l'information au sens propre. A ce propos, l''un des plus grand plaisir que m'a laissé "Diary of the dead", c'est de se rapprocher de façon assez expérimentale, d'un de ses meilleurs films, à savoir "Martin" (qui pouvait également se voir comme une dissection du genre horrifique). Plus sans doute que les autres opus de sa série des mort-vivants allant de "La Nuit des morts vivants" au "Jour des morts vivants" en passant par "Zombie".
On pourra aussi dire que Romero signe à la fois un film très intelligent en même temps qu'empreint d'une jeunesse qu'on ne lui aurait guère soupçonnée. Evidemment, il sera difficile de ne pas remettre le film dans un contexte récent avec la guerre d'Irak ou bien le cyclone Katrina abondamment mis en scène par toutes les formes que ce soit. Mais attention ! Romero ne livre pas pour autant une oeuvre démonstrative à la portée limitée ("Les médias, ces salops, nous mentent" ou encore "Putain, nous sommes surmédiatisés !"). Des films actuels dotés d'un concept proche (ceux cités plus haut), "Diary of the dead" semble celui qui va le plus loin dans sa réflexion, posant des questions pertinentes sans pour autant vouloir donner des réponses, mais plutôt amener le spectateur à s'interroger tout comme le fait le réalisateur sur sa propre subjectivité. De fait, le film pourra décontenancer puisqu'il évite le côté purement dénonciateur et un brin téléphoné qui parasitait son film précédent.

 

 

Alors oui, "Diary of the dead" me semble à voir comme une oeuvre réflexive aux contours expérimentaux, mais pas seulement. Si le spectateur venu exclusivement pour le spectacle gore en sera pour ses frais, ce n'est pas pour autant que le spectacle est négligé, absent ou encore mangé par son propos. Les scènes d'action ne manquent pas et cohabitent avec l'humour dans un équilibre on ne peut plus habile et maître de son art. Les autocitations et autres allusions à ses propres films défilent un peu comme si Romero mettait en garde sur les dangers ou la futilité des possibilités qu'on peut avoir aujourd'hui à s'auto-filmer, à se mettre en scène soi-même. Que ce soit pour l'étaler aux yeux des autres ou bien encore pour se contempler soi-même en boucle. Beaucoup d'humour, et même de la décontraction habitent cette chronique contée à la première personne. Romero n'hésite même plus à se tourner en dérision et même se parodier, ses films antérieurs avec. Mais sans tomber pour autant dans le potache. On a là un cinéaste décomplexé qui n'hésite pas à parodier ses mises à mort jusqu'au cartoon. A cet égard, la scène de l'Amish (que je ne spoilerai pas) offre l'une de ses scènes de tuerie les plus jouissives de toute son introspection zombiesque, ce qui n'est pas rien. Ailleurs ce carton de zombies au camion sur les routes de nuit, scintille comme une étoile filante, tandis qu'un passage dans un hôpital fout les jetons comme pas un dans un climat claustrophobe brillamment distillé. De même la mise en scène de cette fausse momie combinée à la meute de zombies façon "Resident Evil" est une idée géniale.
Non seulement elle fonctionne comme un hommage sincère au cinéma de genre allant des 30 aux années 60, mais aussi comme un règlement de compte savoureux avec les Majors, puisque que ce sont deux projets dont il devait avoir la charge dans les années 90 et qui lui furent retirés ensuite. Décomplexée également la façon dont le cinéaste fait se servir aux protagonistes de tous les instruments à porter de mains pour décaniller du zombard, avec juste la pointe d'autodérision qu'il faut pour en même temps garder le cap de la trouille puis faire rire le temps d'un plan rapide. Pas de doute, "Diary of the dead", reste peut-être le film le plus maîtrisé de son réalisateur à ce jour. En aucun cas son meilleur car il y a bien 2 voir 3 moments de baisse rythmique, mais celui-ci se rattrape chaque fois, balançant dans la foulée, un assaut brutal, une scène choc du plus bel effet. De même que lesdites baisses de rythmes ne sont finalement là que pour laisser place à ce que le réalisateur a toujours fait, à savoir de l'étude de caractères. Ainsi on assiste plus souvent à des discussions posées et réfléchies entre les personnages, qu'à des dialogues à l'emporte-pièce entre gens pris de panique. Cela peut étonner mais c'est aussi ce qui fait de "Diary of the dead" un spectacle au dessus du lot.

 

 

Finalement, tout en créant une oeuvre à part et formellement audacieuse, George A. Romero continue aussi à creuser son sillon. Dans sa réflexion, il met à nouveau en garde contre des faits de société à l'issue apocalyptique. C'est à un grand pessimiste qui ne trouve pas de réponse auquel on a ici à faire. Il renverra tout le monde dos à dos, et les supports comme Internet, Youtube, les webcams, les téléphones portables permettront plus de satisfaire les amateurs d'images choc que de réellement informer, finissant même par ressembler aux journaux télévisés décriés comme étant manipulés.
A ceux qui ne verraient en Romero qu'un prisonnier de son passé, je rétorquerai pour cet opus ci qu'il n'en est rien. On assiste du reste à un film dans lequel on ne s'ennuie pas un instant (ou alors quelques secondes rares et clairsemées). "Diary of the dead" recèle beaucoup d'humour, d'excellentes scènes d'action en pagaille, un regard jeune et perçant sur une époque (rien qu'en cela, il vieillira bien sociologiquement), bref, il s'agit de l'une sinon la meilleure réussite du moment devant "REC". Il serait dommage de le dénigrer outre mesure en ne voyant là que l'oeuvre d'un cinéaste engagé, qui se parodierait odieusement, car à mon sens il y a beaucoup de recul et d'humilité dans sa façon de livrer une oeuvre fun tout en se posant des questions pour en étaler d'avantage ses doutes. Un mauvais Romero aurait répondu à toutes, et c'est loin d'être le cas ici. Quitte à me répéter, je pense qu'il s'agit de son film le plus personnel depuis le génial "Martin" même s'il n'égale pas sa beauté décalée, tourmentée et crépusculaire. Evidemment j'écris tout ceci à chaud puisque le film s'apprête à sortir, mais je reste d'avis qu'on lui fera à tort le même procès que pour son "Land of the Dead" ou bien même le procès contraire, puis, qu'il sera tranquillement mais sûrement revu à la hausse d'ici à quelques années. D'autres regretteront paradoxalement qu'il n'ait pas suivis la voie qu'offrait la fin de ce même "Land of the Dead"...

 

 

Note : 7,5/10

 

Mallox
 
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