Maison qui tue, La
Titre original: The House that dripped blood
Genre: Epouvante , Maisons hantées
Année: 1971
Pays d'origine: Angleterre
Réalisateur: Peter Duffell
Casting:
Denholm Elliott, Peter Cushing, Christopher Lee, Jon Pertwee...
 

Réalisé entre "Torture garden" (1967) et "Asylum" (1972), "La Maison qui tue" (bravo le titre français) est le second des trois films à sketchs produits par la Amicus à la fin des années 60 et au début des années 70 à être scénarisé par Robert Bloch, certes auteur de "Psychose" mais également fidèle collaborateur de Milton Subotsky et de Max J. Rosenberg, les patrons de la Amicus. Une firme qui comme on sait fera son beurre sur le dos de la Hammer, lui empreintant volontiers ses vedettes et son style visuel. A ceci près que souvent, les films Amicus se veulent bien souvent plus distanciateurs que ceux de la Hammer, plus prompts aux clins d'oeil voire à l'humour noir. Sans oublier que bien souvent, ils se déroulent dans un contexte contemporain que les réalisateurs s'évertuent par tous les moyens à transformer en antres gothiques ou victoriens.
"La Maison qui tue" n'échappe pas à la règle, et tout en se déroulant à l'époque de sa réalisation, le film se trouve un alibi en or pour se réclamer de la tradition de l'épouvante à la britannique lancée par la Hammer. Il s'agit donc d'une maison isolée dans la campagne anglaise, théâtre de la récente disparition d'un acteur à succès à propos de laquelle un flic de Scotland Yard doit enquêter. Se rendant d'abord chez ses collègues locaux puis chez l'agent immobilier (un certain A.J. Stoker : quand je vous disais que la Amicus aimait les clins d'oeil) ayant loué la maison au comédien, notre sévère policier se verra raconter l'historique de la maison, qui est édifiant. Voilà pour l'emballage des quatre sketchs qui vont composer le film, emballage qui inclura aussi le final du film, très facilement prévisible puisqu'en liaison avec le quatrième sketch, qui nous dévoile ce qui est arrivé à l'acteur disparu. Mais procédons dans l'ordre :

 

 

Le premier sketch se nomme "Method for murder" et nous narre la triste aventure vécue par un écrivain spécialiste de l'épouvante, venu avec sa femme dans notre vieille bicoque isolée pour y trouver l'inspiration. Son imagination y sera féconde, peut-être même trop, puisqu'il se met à voir Dominic, le psychopathe de son roman, qui semble déambuler dans la maison et autour, avec des intentions peu amicales.
Beaucoup d'application dans ce récit qui exploite avec bonheur l'esthétique de cette maison, avec ses tapisseries vertes très sombres, ses zones d'ombre et son vieux mobilier massif. Dominic s'y cache, et son visage très pâle, allié à sa dentition pourrie dévoilée par un rire sardonique à usage répété, s'y révèle assez effrayant. Peter Duffell met en scène le tout avec talent, et joue également sur la carte de la psychologie mélangée à l'horreur : l'écrivain est-il fou ? est-ce que Dominic existe réellement ? le psychiatre sert-il à quelque chose ? la femme est-elle en danger ? On se le demande, et ce ne sont pas les nombreux rebondissements présents jusqu'à l'ultime plan qui viendront nous donner des certitudes. Voici un sketch qui ne lésine ni sur les coups scénaristiques tordus, ni sur les poncifs du genre, employés avec inspiration. Très agréable.

 

 

Voilà que se profile le second sketch, "Waxworks", et avec lui Peter Cushing, qui incarne un retraité venu dans la maison pour profiter de son temps libre en se remémorant avec mélancolie la mémoire de son amour de jeunesse, morte il y a de ça bien longtemps. En faisant un tour en ville, il visitera un musée de cire où il tombera nez à nez avec une statue de femme lui rappelant sa défunte, et sous l'influence de laquelle il va céder, d'autant plus que le sculpteur en personne lui fait part de l'origine macabre de la statue, inspirée par une femme, morte également (décidément, il ne fait pas bon être femme, en Angleterre). Là-dessus débarque un ami de Cushing, lui aussi ancien prétendant malheureux et qui lui aussi tombe sous la fascination de la statue. On se dit que tant d'esprits torturés en visite dans un musée de cire consacré à l'horreur ne peuvent que mal finir, et en effet, la fin sera tragique.
L'épisode, lui, sera relativement plaisant et marchera sur les plates bandes de films tels que "Mystery of the wax museum" (Michael Curtiz, 1933), "House of wax" (André De Toth, 1953) ou encore "Bucket of Blood" (Roger Corman, 1959). Si la fameuse maison qui tue n'y intervient guère, on se plaît en tout cas à entrer dans le musée de cire, avec ses éclairages saturés verts et rouges et ses représentations de monstres classiques (dont un Dracula version Christopher Lee... pouf pouf, voici un autre clin d'oeil).

 

 

Place maintenant à "Sweets to the sweet" et à Christopher Lee, justement, un père qui emménage dans la maison avec sa petite fille, qu'il refuse d'envoyer à l'école et pour laquelle il embauche une préceptrice.
Un rôle classique pour l'acteur : il y apparaît méchant et intransigeant, ce qui va bien sûr scandaliser la préceptrice, qui va chercher à en savoir plus sur le passé de cette famille sans femme. Petit à petit, le méchant se révélera ne pas être celui qu'on croit, et la sorcellerie pointera le bout de son vilain nez crochu. Le scénario est facilement devinable (dès le premier indice, en fait), mais il a le mérite d'anticiper sur la vague des enfants méchants qui débarquera quelques années plus tard avec "L'Exorciste" ou "La Malédiction". A noter tout de même qu'il n'y aura pas vraiment de manichéisme, ici, et au final, personne ne sera ni pleinement responsable ni pleinement innocent.

 

Dernier sketch, celui relatif à la disparition de l'acteur mentionné au début. Et bien c'est donc un acteur spécialisé dans le cinéma d'épouvante qui investit la maison durant la durée du tournage d'un film d'épouvante gothique à petit budget. Pestant justement contre ce manque de moyens, notre acteur (incarné par Jon "Doctor Who" Pertwee, après que Vincent Price ait refusé le rôle) se prend d'acheter lui-même l'élément essentiel de son costume de vampire : une cape. Il va en trouver une belle à peu cher dans une boutique d'occultisme. Mais comme il s'en rendra compte, l'inconvénient sera que le port de cette cape va le transformer en véritable vampire !
Nous avons là l'esprit Amicus à son paroxysme : beaucoup de recul par rapport au genre, beaucoup d'humour, mais pas de méchanceté ou de cynisme à outrance. La scène la plus symbolique sera en réalité un dialogue, dans lequel l'acteur s'emporte et se réfère aux films Dracula d'antant, ceux de Bela Lugosi, opposés aux films modernes, sous-entendu à Christopher Lee. Mais on ne saurait donner trop d'importance à cette petite pique, puisque le personnage en lui-même est un capricieux ridicule, et que de toute façon cela reviendrait pour la Amicus à cracher dans la soupe (n'oublions pas que Lee est au générique, et qu'il lui est déjà fait hommage dans le second sketch).
N'empêche que nous avons là une bonne parodie dans la mouvance du "Bal des Vampires" de Polanski (en beaucoup moins bien, tout de même), avec ces vampires qui grimacent excessivement et cette jeune héroïne (Ingrid Pitt, la vampirette officielle des années 70, d'ailleurs elle fut en cette même année 71 la "Comtesse Dracula" de Peter Sasdy) qui n'est pas aussi douce qu'il n'y paraît. Bloch et Duffell se moquent gentiment du cinéma gothique, conscients de ses limites et de ses excès, et ils peuvent bien se le permettre, eux qui ont régulièrement étalé tout au long du film une connaissance parfaite du genre.

 

 

"La Maison qui tue" est assurément un bon film, bien calé entre le sérieux et la farce (à ce titre, on peut le comparer à "L'Empire de la terreur" de Roger Corman, aux objectifs similaires). Les sketchs sont de qualités sensiblement égales, et même si finalement la maison n'est qu'un prétexte peu utilisé, on pardonne facilement devant un si beau casting et devant l'humilité affichée par une équipe artistique si bien intentionnée et si respectueuse du mouvement dans lequel elle s'inscrit.



Note : 7/10

 

Walter Paisley
 
A propos du film :
 
# "La Maison qui tue" est probablement l'un des seuls films d'horreur pour lequel les producteurs demandèrent à la censure d'élever l'interdiction, de peur de faire passer leur oeuvre pour un film trop grand public.
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