Justice Sauvage : La trilogie
Écrit par The Omega Man   

 

Retour sur une Trilogie Sauvage...

 

 

Justice sauvage / Walking Tall

Origine : USA
Année : 1973
Genre : Action, Biopic

Réalisation : Phil Karlson
Scénario : Mort Briskin, Stephen Downing et John Michael Hayes (non crédité)
Image : Jack A. Marta
Montage : Harry Gerstad
Musique : Walter Scharf
Accroche : Paf dans la gueule !

Distribution :
Joe Don Baker (Buford Pusser), Elizabeth Hartman (Pauline), Bruce Glover (Grady Coker), Felton Perry (Obra Eaker), Kenneth Tobey (Augie McCullah), Logan Ramsey (John Witter), Gene Evans (Sheriff Thurman), Dawn Lyn (Dwana Pusser), Leif Garrett (Mike Pusser), Noah Beery Jr (Grandpa Carl Pusser), Lurene Tuttle (Grandma Helen Pusser), Rosemary Murphy (Callie Hacker), Brenda Benet (Luan Paxton)...

Résumé :
Buford Pusser, ancien marine, revient dans sa ville natale du Tennessee. Il s'aperçoit bien vite que tout a changé depuis qu'un gang a installé un bar et une salle de jeu, qui lui permettent de diriger un réseau de prostitution et le trafic de l'alcool. Après une pénible expérience aux mains des criminels, Buford se présente au poste de shérif et est élu. Il entreprend alors de nettoyer la région. Armé d'un simple bâton, il poursuit inlassablement son œuvre d'épuration, frappant trafiquants et malfrats jusqu'à ce qu'ils finissent par quitter la ville...

 

 

L'Amérique étant une nation assez jeune, elle s'est vite façonnée des héros et des figures emblématiques qui, pour certaines, n'avaient rien de vraiment héroïques. Ainsi, hors-la-loi (Al Capone), assassins (Charles Manson), génocidaires (le général Custer) ont côtoyé militaires (Patton, Lee, Nimitz), explorateurs et aventuriers (Kit Carson), Al Capone étant aussi célèbre (voire plus) qu'Elliot Ness. Il était presque inévitable que l'histoire du shérif Buford Pusser entre dans le panthéon des héros cent pour cent américains.
Ce représentant de l'ordre s'est retrouvé face à un incroyable amalgame de corruption et de violence. Le film fut supervisé par le shérif lui-même et rapporta près d'une vingtaine de millions de dollars pour un investissement inférieur à un million. Deux suites verront le jour (1975 et 1977), un téléfilm (1978) avec Brian Dennehy et une série télé éphémère (1981). Un remake sera réalisé en 2004, intitulé Tolérance Zéro (Walking Tall), avec Dwayne "The Rock" Johnson. Malgré le succès mitigé du film, deux suites DTV suivront : Tolérance Zéro 2 (Walking Tall : The Payback) et Tolérance Zéro 3 : Justicier Solitaire (Walking Tall : Lone Justice) en 2007.

 

 

L'un des points fort du film vient de sa vedette principale, Joe Don Baker, qui livre une interprétation mémorable. Le monolithique Baker utilise au mieux son jeu d'acteur limité, pour incarner un personnage bourru et grincheux mais hautement sympathique, qui par moments peut se montrer ingénieux et perspicace. Il utilise sa fameuse batte (en fait, un morceau de bois mal dégrossi) car sa femme lui interdisait d'user d'une arme à feu (elle changera d'avis suite aux diverses mésaventures de son mari).
Rien d'ailleurs ne prédestinait cet ancien militaire devenu catcheur à se lancer dans la police. C'est un incroyable concours de circonstances qui va l'entraîner dans une inextricable spirale de violence. Car, de retour chez lui, le brave homme cherchait seulement la tranquillité pour lui et sa famille. Mais le voilà tailladé à mort au cours d'une banale rixe dans un bar. L'histoire aurait pu en rester là si la loi, représentée par un shérif et un juge totalement corrompus avait été respectée. Désillusionné, Buford décide de se venger, ce qui l'entraînera en prison et devant le tribunal. Mais après un incroyable réquisitoire où il expose ses cicatrices, il ressort libre et décide de se porter candidat contre le shérif actuel. Ce dernier voue alors une véritable haine envers son adversaire au point de vouloir le tuer !

 

 

Situé au croisement entre un "Vigilante" et un "Redneck", le film est typique des années septante. C'est ce que l'on appelait communément un hixploitation, un terme peu flatteur désignant un genre de films se passant à la campagne (de préférence dans le Sud) et mettant en scène des péquenauds, des policiers véreux, des trafiquants d'alcool ou des montagnards. Avec son héros fonceur, têtu et un peu lourdaud, le film se classe aisément dans le genre, le héros n'est pas un citadin mais un vrai gars de la campagne, qui aime avant tout sa famille, va à l'église et ne désire qu'une chose : vivre tranquille. Ces stéréotypes lénifiants n'empêchent pas Justice Sauvage d'être alarmiste (la corruption semble avoir envahi toutes les strates de la société) et complètement masochiste. Le héros en prend plein la tronche : lacéré, tabassé et criblé de balles, rien ne lui sera épargné (il perdra même son épouse) et pourtant, à chaque coup porté par ses ennemis, il ripostera de manière proportionnelle, voire carrément expéditive (la vieille maquerelle abattue d'une balle en pleine tête).
La violence n'est jamais sublimée, au contraire les bastons font mal (on brise les os) et sont toujours féroces et barbares. Malgré cette opiniâtreté à rendre coups pour coups, le héros se retrouvera à l'hôpital plusieurs fois. Et lors du final, tandis que sa femme vient d'être abattue et que de nouveau il se trouve sur un lit, son fils sera le seul à agir. En pleurs et armé d'un fusil, il viendra veiller son père (une des meilleures scènes du film !), passant outre les discours des soi-disant bien pensants qui demandent justice mais n'agissent pas. Le message est clair : si vous voulez que cela change... bougez-vous le cul !
Mais c'est là où le film est vraiment malin, car au lieu d'éluder les conséquences de ses actes, elles les exposent clairement.
Outre son acteur, le film doit une partie de son efficacité à son réalisateur Phil Karlson, l'un des spécialistes du film noir dans les années 40-50. Il réalisera aussi "Matt Helm, agent très spécial" et "Matt Helm règle son compte". Phil Karlson et Joe Don Baker se retrouveront sur le dernier film du réalisateur, La trahison se paie cash.

 

 

Acteur très populaire dans les années septante, Joe Don Baker débute par un petit rôle dans "Luke la main froide" (1967) de Stuart Rosenberg. Quelques années plus tard, Joe se fait remarquer en tueur manchot dans "Un colt pour les sept mercenaires" (1969) de Paul Wendkos, mais c'est évidemment sa prestation dans Justice Sauvage qui va le rendre célèbre. Il poursuivra une belle carrière dans la série B (Mitchell, The Pack, L'Aventurière de Hong Kong, Dallas Hostage...).
Même s'il ne joue plus la tête d'affiche, il apparaît dans quelques grosses productions (Congo, Les Nerfs à vif...), notamment dans plusieurs James Bond. Il interprète le méchant dans "Tuer n'est pas jouer" au côté de Timothy Dalton et un agent de la CIA dans "Goldeneye" et "Demain ne meurt jamais" avec Pierce Brosman.
La série a toujours pu compter sur de solides seconds rôles comme Gene Evans (Shock Corridor, Baïonnette au canon), Felton Perry (coéquipier de Clint Eastwood / Harry Callahan dans Magnum Force), Red West (cascadeur apparu dans de nombreux épisodes des "Mystères de l'Ouest" ) ou Bruce Glover, qui sera l'une des constantes de la série à l'instar de Lurene Tuttle (la grand mère), Leif Garrett (le fils) et Dawn Lyn (la fille). L'acteur est connu pour son rôle de tueur homosexuel dans le James Bond "Les Diamants sont éternels".

 

 

 

 

Justice sauvage 2 : La Revanche / Part 2 : Walking Tall

Origine : USA
Année : 1975
Genre : Action

Réalisation : Earl Bellamy
Scénario : Howard B. Kreitsek
Musique : Walter Scharf
Image : Keith C. Smith
Montage: Art Seid
Accroche : Re-paf dans la gueule !

Distribution :
Bo Svenson (Buford Pusser), Luke Askew (Pinky Dobson), John Davis Chandler (Ray Henry), Robert DoQui (Obra Eaker), Leif Garrett (Mike Pusser), Bruce Glover (Grady Coker), Dawn Lyn (Dwana Pusser), Richard Jaeckel (Stud Pardee), Noah Beery Jr. (Carl Pusser), Lurene Tuttle (Grandma Pusser), Angel Tompkins...

Résumé :
Suite à l'assassinat de sa femme par la mafia, Buford Pusser, plus enragé que jamais, est décidé à poursuivre les assassins et leur faire payer coûte que coûte. Désormais veuf, Pusser va devoir non seulement protéger sa vie et celle des habitants de sa commune, mais aussi celle de ses enfants.

 

 

En 1973, lors de sa sortie en salles, Walking Tall se positionne en quatorzième position au box-office US avec 23 millions de dollars de bénéfices (uniquement pour les Etats-Unis), ce qui représente pour une modeste série B dont le budget était estimé à 500.000 $ un excellent résultat. Une suite est donc envisagée. A l'origine, le vrai shérif Pusser devait interpréter son propre rôle, mais c'était sans compter sur sa mort brutale dans un accident de voiture. C'est donc le massif Bo Svenson qui prendra la relève, choix excellent s'il en est car, si l'acteur n'arrive pas à retrouver l'interprétation brute de son prédécesseur, il livre un personnage moins manichéen qu'il y paraît (tout en restant dans le registre du justicier brutal). Bo Svenson, c'est un peu l'incarnation de la série B à l'état brut, faisant allégrement des aller-retour entre séries télé (Magnum, Hunter, L'Homme qui tombe à pic...) et séries B italiennes (Une poignée de salopards, Thunder 1 & 2...) ou US (Deep Space, Private Obsession... ), tout en faisant de temps en temps un peu de figuration ici et là (Delta Force, Speed 2, Le Maître de guerre...).

 

 

Le film débute là où finissait le premier ; on retrouve notre héros à l'hôpital, bien abîmé mais décidé à venger la mort de son épouse. Seulement la chose est loin d'être de tout repos, car de nouveau le shérif se retrouve dans le collimateur de la mafia locale, la fameuse Dixie Mafia qui opère dans le sud des Etats-Unis, incarnée par l'acteur Logan Ramsay. La main d’œuvre locale ayant échoué à éliminer l'encombrant shérif, une bande de tueurs assez folklorique est engagée pour faire le boulot. La fine équipe est composée d'un pilote de course psychopathe qui camoufle ses meurtres en accidents (Richard Jaeckel, acteur fétiche de Robert Aldrich), d'une mante religieuse (la magnifique Angel Tompkins, vue dans "The Bees", Prime Cut/Carnage) et d'un excité de la gâchette (John Davis Chandler, le chasseur de prime dans "Josey Wales hors-la-loi"). Notre shérif échappe de nouveau à divers attentats (soit par chance, soit grâce à son intuition) ; malheureusement l'un de ses adjoints y perdra la vie (en percutant un camion avec sa voiture).

 

 

Réalisé par un vétéran de la télévision (Earl Bellamy, 1917-2003), à qui l'on doit un peu plus de 1 600 épisodes de séries aussi diverses que variées de Rintintin (1954) à V (1985). Habitué aux tournages rapides et économiques, il semblait être la personne idéale pour emballer cette petite série B. Malheureusement, si l'efficacité est au rendez-vous, rien ne distingue ce petit film d'action des autres. Pour sa défense, précisons qu'il est difficile de maintenir l'intérêt lorsque le film n'a pas de commencement (puisqu'il reprend là où s'était arrêté le premier) ni de fin (un fondu enchaîné nous apprend la mort du vrai shérif avec constat d'accident à l'appui).
Un troisième épisode était-il alors envisagé ? On en doute, mais la rapacité des producteurs a pris le dessus (même si le film avait rapporté deux fois moins que le premier opus). Il restait sûrement encore quelques billet a récolter, et puis la famille Pusser se portait garant de la chose puisqu'elle gardait son rôle de conseiller technique !

 

 

 

 

Justice Sauvage 3 : Le Héros / Final Chapter : Walking Tall

Origine : USA
Année : 1977
Genre : Action

Réalisation : Jack Starrett
Scénario : Howard B. Kreitsek & Samuel A. Peeples
Musique : Walter Scharf
Image : Robert B. Hauser
Montage : Houseley Stevenson, Jr
Accroche : Une dernière pour la route

Distribution :
Bo Svenson (Buford Pusser), Bruce Glover (adjoin Grady), Forrest Tucker (Grandpa Carl Pusser), Lurene Tuttle (Grandma Helen Pusser), Leif Garrett (Mike Pusser), Dawn Lyn (Dwana Pusser), Simpson Hemphill (Brownard), Sandy McPeaLloyd (Tatum), Logan Ramsey (John Witter), Margaret Blye (Luan Paxton)...

Résumé :
Pusser a nettoyé la ville à sa manière. Ses électeurs sont un peu effrayés par ses méthodes efficaces mais peu orthodoxes, et il n'est pas réélu. Le syndicat du jeu, qu'il avait contraint à quitter le pays, décide que le moment est venu pour reprendre la place perdue. Les citoyens prennent peur. Il ne reste qu'une solution : Pusser, simple citoyen, fera le ménage lui-même.

 

 

On retrouve une dernière fois notre brave shérif Pusser qui a bien du mal à faire son deuil, comme le montre le flashback qui ouvre le film et reprend la scène de poursuite du premier épisode, dans lequel sa femme trouve la mort (l'acteur Bo Svenson remplaçant Joe Don Baker). Pourtant, le veuf est fort sollicité par la gent féminine, entre sa secrétaire (Libby Boon) qui aimerait le réconforter, et une certaine Luan (un personnage apparu dans l'opus un et interprété à l'époque par Brenda Benet) qui souhaiterait renouer, ou plus si affinité. Cette dernière est incarnée cette fois par Margaret Blye, apparue dans diverses productions assez viriles comme "Hombre", "L’Or se barre", "L’Or des pistoleros" ou "Le Bagarreur", où ses cheveux blonds et son regard triste faisaient fureur. Pour ce film, elle accepta de se teindre en brune !

 

 

Comme toujours le destin forcera la main du shérif, et lorsque la pauvre Luan sera retrouvée morte, le sang de Pusser ne fera qu'un tour ; armé de son gourdin, il ira rosser les malotrus responsables de cette horreur. Paradoxalement, ce sera la dernière action de Pusser en tant que shérif (et la dernière grosse scène d'action de la série). En effet, suite à une campagne de dénigrement montée par l'avocat d'une de ses victimes (un trafiquant d'alcool violent interprété par Clay Tanner, gueule connue vue notamment dans La Course contre l'enfer), la population commence à avoir des doutes sur ses méthodes expéditives et le sanctionnent aux élections, en choisissant un autre shérif.

 

 

Réalisé par Jack Starrett (La Course contre l'enfer), la série commence sérieusement à s'essouffler (à part la scène du bar, il y a peu d'action !). Et contrairement aux deux épisodes précédents, le shérif n'a pas de véritable adversaire face à lui, excepté les tauliers (parmi lesquels on reconnaît l'affreux H.B. Haggerty) du bar dans lequel Luan travaille comme hôtesse. Mais ces derniers disparaissent aux deux tiers du film.
Heureusement, le réalisateur a assez d'expérience pour tenir la distance pendant les quatre-vingt-dix minutes réglementaires. Seulement cette fois, la fin ne laisse pas d'alternative puisque le shérif fictif rejoint le vrai personnage dans son destin tragique. La fin du métrage est d'ailleurs assez déroutante, puisque le shérif (fictif) revoit sur écran son histoire alors que nous sommes en train visionner un film sur le même personnage (!!!).
Pour l'anecdote, Bo Svenson retrouvera une dernière fois son personnage de shérif en 1981, dans une éphémère série télé de sept épisodes.

 



The Omega Man (le 28 octobre 2015)