Maniac Cop : la trilogie |
Écrit par The Omega Man |
Maniac Cop
La paternité du fameux Maniac Cop revient à deux cadors du cinéma indépendant de la côte Est des États-Unis, les producteurs, réalisateurs et scénaristes Larry Cohen (mort il y a peu, il laisse une filmographie qui fait rêver, avec des titres comme "Le Monstre est vivant" et ses suites, "Épouvante sur New York", "Le Parrain de Harlem"...) et William Lustig (Vigilante, "Maniac"). Mais d’après les informations recueillies lors d’interviews, Lustig resterait la véritable cheville ouvrière du projet. La genèse du film varie légèrement suivant la version des deux hommes. Selon Lustig, il aurait invité au restaurant Cohen qui venait d’être viré du tournage de "Pacte avec un tueur" alias "Best Seller", et, l'alcool aidant, Cohen aurait demandé pourquoi il n'a jamais donné de suite à son film "Maniac". Lustig lui aurait répondu que la fin ne lui permettait pas une quelconque suite. C'est alors que les deux hommes auraient trouvé le titre Maniac Cop, bien qu’à ce stade aucun embryon de scénario n'était encore écrit. Les deux hommes auraient donc flairé le bon coup, ne restait plus qu’à concocter un scénario tangible à partir du titre et à lever les fonds nécessaires. C'est encore dans un restaurant que Lustig aurait réussi à en réunir une partie pour monter son film ; en effet, en dînant avec James Glickenhaus (réalisateur de The Exterminator mais aussi spéculateur boursier à ses heures), il aurait appris que ce dernier venait de faire une belle opération boursière, avec quelques millions de dollars à la clé. Lustig ne se démonta pas et demanda carrément un million à Glickenhaus, qui accepta, afin de pouvoir lancer son projet !
Pour Larry Cohen (dont la relation avec Lustig semble plus distante), c’est autour d’une tasse de café, lors d’un festival, qu’il aurait proposé le titre du film à Lustig. Ce n’est que plus tard que ce dernier, ayant réussi à trouver une grande partie des fonds, serait venu le trouver pour imaginer dès lors un scénario. Toutefois, pour Cohen, Maniac Cop a toujours été considéré comme une simple commande qu’il n’a jamais hésité à démolir poliment.
C'est Spiro Razatto, jeune cascadeur débutant qui est chargé des scènes d'action ; un débutant qui deviendra plus tard l’un des cadors du film d'action, avec notamment des titres tels que "Fast and Furious 7", "Captain America Civil War" et "Kong : Skull Island". En attendant, il sert également de doublure à Bruce Campbell pour la scène finale qui demeure une référence du genre. Notre cascadeur sera par ailleurs de la partie sur les trois épisodes ! La légende raconte qu'il fut engagé par Lustig après que ce dernier ait visionné une vidéo démo tournée à l’arrache par Razatto sur le toit de son propre immeuble.
Le projet commence en tout cas à prendre forme mais il reste encore à trouver le fameux Maniac Cop alias Matt Cordell ! Après de nombreuses recherches, Lustig semble résigné, mais c'est à ce moment que le hasard l’amène à visionner une petite série B, The Night Stalker, dans laquelle il repère un certain Robert Z'dar. De son vrai nom Robert J. Zdarsky (1950-2015), ce dernier doit son physique atypique à une maladie génétique, le Chérubisme, qui a pour particularité de déformer uniquement les mâchoires ; c’est cette caractéristique qui lui ouvre alors les portes de Hollywood. Robert Z'dar débute par de petits rôles comme gardien de prison dans Hellhole, au côté de Dyanne Thorne et Ray Sharkey, mais c'est surtout son interprétation d'un serial killer amateur de prostituée dans The Night Stalker qui sert de tremplin à sa carrière. Quoi qu’il en soit, sa prestance impressionne le réalisateur William Lustig ; quant à la suite, elle fait partie de la légende du cinéma. Même s’il n'apparaît pas souvent à visage découvert (hormis dans les flash-backs) à cause d'un maquillage déficient, la silhouette caractéristique de l'acteur fait merveille. La suite de sa carrière sera un sacerdoce dédié à la série B, voire Z, avec près d'une centaine de titres comme "Samurai Cop", "Guns of El Chupacabra II: The Unseen", "American Chinatown", "Evil Altar", etc.
Avec un petit million de dollars, pas moyen de faire des miracles ! Cependant, Lustig sait plus que quiconque qu'une bonne scène d'action et quelques effets bien répartis peuvent rassasier le chaland. Il cale donc astucieusement la fameuse cascade du film en fin de métrage et shoote quelques exactions bien senties du fameux "Maniac Cop" : victime étouffée dans du béton, attaque du commissariat, défenestration et quelques autres réjouissances, le tout étant rythmé par la musique du compositeur Jay Chataway, déjà auteur de la partition de "Maniac" mais aussi de "Portés disparus" et" Invasion USA". Maniac Cop 2
Si le premier épisode est sorti de manière confidentielle en salles aux États-Unis, il s'est aussi taillé au fil du temps une vraie réputation, surtout grâce à la vidéo où il a trouvé son public. À l'exportation, Maniac Cop vient de réaliser de très bons scores en salles, notamment en Allemagne et au Japon. La demande semble alors pressante et une suite paraît inévitable. William Lustig a parfaitement conscience que celle-ci se ferait de toute manière avec ou sans lui ; il décide donc de rempiler avec, cette fois, un budget plus conséquent. Lustig fait de nouveau appel à Cohen comme scénariste et, pour pimenter un peu le script, les deux hommes optent pour un changement radical de casting. Le duo Campbell/Hutton sera remplacé par Claudia Christian (stripteaseuse dans The Hidden) et Robert Davi. Ce dernier, gueule bien connue du public, vient de camper le méchant de service dans le James Bond "Permis de Tuer". Lustig profite de ces mutations aussi pour caser Leo Rossi, l’un de ses acteurs fétiches. Un acteur dont le premier rôle marquant fut l’ambulancier libidineux dans "Halloween II (1981)". Durant les années 80, il apparaît dans plusieurs séries policières (Hooker, Hunter, Mike Hammer, ...) et a même déjà fait une apparition dans Maniac Cop, sans être toutefois crédité. Après ce second opus, il tournera dans deux autres films de Lustig, "Hit List" et "Relentless". "Relentless" narre une autre histoire de tueur traumatisé par la police et sera rebaptisé chez nous "Psychokiller", avant de donner lieu à plusieurs suites, toujours avec Rossi. En parallèle, il continue ses apparitions dans diverses séries télévisées, alternant rôles de mafiosi et de détectives !
Cette fois, plus de problème pour réunir un budget digne de ce nom ! Après le succès du premier opus, les investisseurs se bousculent et la production réunit près de 4 millions de dollars, ce qui permet alors au casse-cou Spiro Razzato de livrer une série de cascades spectaculaires (poursuites en voitures, torches humaines...). Complètement en roue libre, le cascadeur accumule les séquences particulièrement impressionnantes : une voiture de police poursuit un taxi roulant sur ses jantes en expulsant une pluie d'étincelles, Claudia Christian menottée au volant d'une voiture livrée à elle-même et obligée de fait de s’éjecter à l'extérieur, pendant que le véhicule fonce dans la circulation venant en sens inverse. Cette dernière cascade est d’ailleurs réalisée en grande partie sans doublure, tant et si bien que l'actrice ne garde pas un très bon souvenir du tournage (luxation d’une épaule), malgré qu’elle apprécie la scène. Mais le morceau de bravoure de Maniac Cop demeure le final dans la prison, où un cascadeur est complètement englouti par les flammes avant d'en entraîner un second avec lui, puis de faire une chute de sept étages pour s'écraser dans un bus.
Si le budget du film est plus conséquent, le maquillage du personnage-titre est cependant loin de faire l'unanimité et, comme précédemment, le réalisateur laisse le visage de son anti-héros dans la pénombre tout en privilégiant cette fois-ci les gros plans !
Dans la liste des franchises ou les seconds opus ne déméritent pas, ce Maniac Cop 2 arrive largement en tête aux côtés de titres comme "Aliens", "Mad Max", "Indiana Jones et le temple maudit" ou "The Dark Knight" et offre un spectacle efficace, brutal et totalement imprévisible. Maniac Cop 3
Les droits de la saga changent de poches (Overseas Filmgroup) et les nouveaux producteurs contactent le duo Lustig/Cohen. Pour ce troisième opus, ces derniers décident de s'inspirer de "The Bride of Frankenstein". Larry Cohen travaille, met le projet en chantier et, assez vite, une ébauche de scénario permet de commencer le tournage. Cependant, certaines idées du script heurtent la sensibilité des investisseurs étrangers. Ainsi, le héros supposé est un black, ce qui ne plaît pas aux producteurs japonais... exit donc le flic de couleur ! Et puis qu'importe, il suffit de faire appel à Robert Davi, survivant du précédent opus ! Seulement voilà, personne ne lui a dit que la vedette ne serait pas lui mais bien le "Maniac Cop" et, par conséquent, Robert Z'dar.
A vrai dire, au regard du résultat, il est surprenant que Maniac Cop 3 ne soit pas plus indigent, a fortiori quand on voit le résultat sur certaines productions ayant connu les même déboires (Halloween 5). Certes, on peut regretter que la victime principale de ce montage transversal soit le "Maniac Cop" lui-même, mais c’est peut-être aussi ce qui rend ses apparitions plus délectables. Quant au personnage de "Maniac Kate", il est des plus réjouissants et le traitement dont il fait l’objet n'est pas sans rappeler celui de notre anti-héros (lâché par sa hiérarchie et les autorités de la ville) ; bref, on s'intéresse de près à son cas ! On sent du reste poindre quelques scories du scénario original, notamment lors d’une scène ou le "Maniac Cop" emporte le corps de la pauvre Kate ; il en va de même avec toutes les séquences ayant rapport au vaudou ! Il est dès lors dommage que certains points ne soient pas approfondis, notamment les motivations, trop obscures, du prêtre vaudou qui ressuscite le fameux "Maniac Cop", ou encore le comportement des fameux "journalistes" qui ne veulent pas montrer toutes les vidéos innocentant Kate.
Le cascadeur Spiro Razatto nous livre la scène d'action qui réussit à enterrer celle déjà dantesque de l'épisode précédent (voir plus haut) et cette fois c'est un Maniac Cop en feu qui conduit une voiture ! Une incroyable séquence, réalisée à l'ancienne, c'est à dire sans effets digitaux et avec des cascadeurs en feu, prenant des risques. On peut le dire comme c’est, aujourd'hui encore le travail de Razatto sur la série défie le bon sens.
Maniac Cop 3 est donc un dernier opus mi-figue mi-raisin, un agréable mais poussif divertissement évoluant bien en deçà des possibilités de la franchise qui s'arrêtera là.
En rapport : The Omega Man, le 3 juin 2019 |