Avec ses compagnons de misères, Nailer vit d’expédient dans un bidonville jouxtant une plage constellée de pétroliers échoués. Payé pour chercher des pièces de cuivre dans les entrailles des navires, Nailer mène l’existence d’un esclave. Lorsqu’une énorme tempête balaie son village, la chance tourne pour l’adolescent. En explorant la dévastation, Nailer et une complice découvrent un clipper avec à son bord une unique survivante… Peut-être Nailer parviendra-t-il à gagner une récompense pécuniaire conséquente en accompagnant la jeune rescapée dans ses pérégrinations, mais pour cela il devra affronter la pire menace qu’il ait jamais connue : son propre père Richard Lopez…

 

Le futur imaginé par Bacigalupi fait froid dans le dos, autant par les détails qu’ils ne cessent de disséminer dans le roman que par son émergence proche dans notre réalité. Les gouvernements n’existent plus, ce sont les multinationales qui régissent le monde selon leurs agendas productivistes. Les manipulations génétiques ont été légalisées donnant naissance à des hommes-bêtes qui servent de garde du corps aux élites. L’environnement est parti à vau-l’eau et l’écrivain décrit des villes en ruines ou ensevelies sous de continuelles inondations.

 

Bacigalupi n’oublie pas les religions, ou plutôt leurs apparentes absences. Ainsi les récupérateurs dont fait partie le héros ne jurent-ils que par "le Dieu Ferrailleur" et le Destin. Dans ce même souci de cohérence, Bacigalupi dote chacune de ses couches sociales d’un vocabulaire qui lui est propre, ancrant un peu plus son récit dans une logique de lutte des classes. Et dans ce monde sans lois, ce combat est on ne peut plus sanglant...

 

Au sein de ce chaos qui renvoie au cyberpunk mâtiné de western, Bacigalupi construit une véritable course au trésor adressant plusieurs clins d’œil au classique de Stevenson tout en défonçant au passage la notion de famille. Mené à tambour battant le récit enchaîne les péripéties à un rythme vertigineux sans maintenir de temps mort. L’écriture énergique fait passer quelques petits écueils que l’on aurait plus difficilement pardonnés chez d’autres comme les parenthèses un peu trop envahissantes.

 

En l’état ce Ferrailleur… demeure un roman bien riche que ce soit dans son aspect divertissant tout comme dans ses différentes thématiques qui le sous-tendent. Quand d’autres écrivaillons s’épuisent dans d’interminables sagas, Bacigalupi fonce à l’essentiel sans jamais perdre l’attention du lecteur. Le récit semble taillé pour un jeune public même si l’auteur ne se voile jamais la face quant à l’ultra-violence de son univers et n’épargne aucune vision insoutenable à ses (anti)-héros au cours de leurs fuites.

 

Si vous en avez assez des mondes de SF en carton-pâte, des histoires de teens dégorgeantes de bons sentiments et des facilités narratives insupportables, mais que le souffle de l’aventure vous attire néanmoins, vous avez là le roman qu’il vous faut.

 

Gernier

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'auteur : http://windupstories.com/

- Site de l'éditeur : http://www.jailu.com/