Dementia
Genre: Fantastique , Expérimental
Année: 1955
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: John Parker
Casting:
Adrienne Barrett, Bruno VeSota, Ben Roseman, Richard Barron, Ed Hinkle, Lucille Rowland, Jebbie VeSota...
 

John Parker est un nom qui résonne longtemps après la vision de Dementia. En effet, il paraît impossible de l'associer à un quelconque autre objet filmique. Si le mystère entourant la conception de son oeuvre reste entier, il demeure néanmoins tout aussi intriguant que la plongée à double tranchant / schizophrénique à laquelle il nous convie lors de la projection. Bref, le projecteur et les fumées d'une salle de cinéma de Los Angeles l'ont tant bien que mal reçu pendant quelques deux semaines au beau milieu des 50's, pour le plaisir des mirettes d'une rangée d'inconnus, mais il a alors disparu presque à tout jamais, livré à lui-même et à sa propre folie. Des années après, l'éditeur Bach Films a eu la bonne idée de mettre la main dessus afin de le dévoiler à bon nombre de cinéphiles ayant eu vent de lui les décennies précédentes.

 

 

En mal de sommeil, notre héroïne (incarnée par Adrienne Barrett, parfaite inconnue géniale) s'en va alors errer dans une ville dont les premiers plans qui nous en sont proposés sont, du point de vue rétinien, d'un sublime rare, composant à eux seuls une sorte d' "apogée du carton-pâte". Pour être encore plus clair, on se croirait dans un rêve, prêt à apercevoir Pierrot tant la Lune qui veille sur le noir urbain est d'une beauté quasi-surréaliste. Sur son chemin que l'on pourrait donc qualifier d'"onirique", elle croisera de nombreuses "gueules" pour ce qui s'avérera être une nuit des plus "mouvementées". On rencontrera en effet Angelo Rossitto, le nain de Freaks de Tod Browning, ou encore Bruno VeSota (L'attaque des crabes géants, Un Baquet de sang, "L'équipée sauvage") - notre gros préféré- dans un rôle de riche bouffon. Ce dernier, s'empiffrant joliment dans une séquence délicieusement glauque, est aussi le producteur du film. Bref, de curieuses rencontres pour une drôle de dame non avide de peur. Que demander de mieux ?


Pour ce qui est du noir et blanc, s'il se rapproche des ténèbres, ce n'est que pour mieux évoquer Hitchcock lorsqu'au détour d'un plan, la caméra pénètre dans la chambre de notre protagoniste, ou encore annoncer "La Soif du mal" d'Orson Welles, qui travailla peu de temps après sur les même lieux de tournage (mais légalement) avec, il est certain, une esthétique s'en rapprochant fortement. Dementia, oui, semble posséder l'essence même du cinéma en noir et blanc. Une sorte de mélange du meilleur d'"avant" doublé d'une projection dans le meilleur à venir.

 

 

On pourrait disserter longtemps à propos de Dementia, mais cela serait inutile tant ses interprétations peuvent être multiples. Histoire de mettre tout le monde d'accord et de roder les fins esprits que vous êtes sur la même base, disons qu'en fin de compte, Dementia est un film vivant, une drôle de chose capable de se "muer", de se "métamorphoser", de se "changer" en une œuvre différente selon l'état, l'humeur, le caractère, les connaissances, voire les goûts du spectateur le visionnant. Il est de ces métrages que l'on peut aisément qualifier d'OFNI : fascinant, déroutant, innovant, surprenant, qu'importe, la question qui subsiste à la fin demeure la même: qu'est-il ? Un produit hallucinogène? L'oeuvre d'un fou? Un ultime navet ?
Qu'il garde son secret, son silence originel (clin d'oeil au silence des films expressionnistes allemands tels que "Nosferatu" ou le "Cabinet du Docteur Caligari" ?), comme si son errance et l'oubli auquel il fut condamné lui avaient à tout jamais ôté la parole, s'impose tel un ultime mystère nous prévenant que nos recherches à son propos seront vaines. D'une séquence quasi expressionniste dans un cimetière à des relations inter-personnages floues, d'un montage final dans un bar de jazz (dans lequel on peut apercevoir Shorty Rogers en leader) où les plans se succèdent à une vitesse assez folle pour l'époque , à des poursuites à l'ombre des réverbères, chaque élément est là pour témoigner d'une sorte de génie d'avant-garde, innocent, pur, où la mise en scène, brillante, aux côtés de la terrifiante B.O de George Antheil, ne sont qu'accessoires vis-à-vis de l'expérience qu'il génère.

 

 

John Parker aura beau en dérouter beaucoup, il compose ici un rêve / cauchemar d'une grande beauté unique en son genre.

 

The Hard

 

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