Liz et Helen
Titre original: A doppia faccia
Genre: Giallo
Année: 1969
Pays d'origine: Italie / Allemagne
Réalisateur: Riccardo Freda (sous le pseudo de Robert Hampton)
Casting:
Klaus Kinski, Christiane Krüger, Annabella Incontrera, Sydney Chaplin, Margaret Lee, Günther Stoll, Barbara Nelli, Luciano Spadoni...
Aka: Das Gesicht im Dunkeln / Double Face / Puzzle of Horrors
 

Lors de vacances en Suisse dans une station de sports d'hiver, John Alexander (Klaus Kinski) rencontre Helen Brown (Margaret Lee) et en tombe follement amoureux. Ils se marient puis retournent à Londres. Helen est la fille d'un riche industriel (Sydney Chaplin), du moins en apparence. En vérité, lorsque sa mère est décédée, la mère d'Helen lui a laissé en héritage 90 pourcent des parts de l'entreprise. Et si le père est effectivement le président de la compagnie, c'est Helen qui est détentrice de la fortune familiale. Un détail qu'ignorait John au départ, tout comme les rapports troubles que sa femme semble avoir avec Liz (Annabella Incontrera), une artiste. Une complicité envahissante à un point tel que John est très vite délaissé, voire méprisé par son épouse. Malgré cela, Helen avoue à John avoir rédigé un testament en sa faveur.

Quelque temps plus tard, Helen décide de prendre un peu de recul, et part en voyage, seule, à bord de sa Jaguar type E. Mais le bolide a été saboté, et Helen périt dans les flammes. Même si son visage complètement brûlé empêche toute identification, on retrouve sur les lieux de l'accident un passeport à son nom. John est effondré. Il essaie d'oublier la mort de sa femme en voyageant. Lors de son retour à Londres, il apprend que Scotland Yard et la police de Liverpool mènent une enquête à son sujet. Dans la soirée, il constate aussi qu'une jeune femme, Christine (Christiane Krüger), s'est introduite chez lui. Manifestement délurée, la fille lui fait ouvertement du rentre-dedans. Mais Alexander n'en a cure. Il tente de la ramener chez elle, mais Christiane le conduit en réalité dans une fête hippie. Pour mieux l'attirer dans les lieux, elle lui a subtilisé ses clés de voiture. En fait, la jeune femme a voulu l'amener à voir un loop tourné quelques jours auparavant, dans lequel Christine fait l'amour à une mystérieuse femme masquée surnommée "la Comtesse". Dans un premier temps indifférent à ce qui passe sur l'écran, John reconnaît une bague en forme de serpent identique à celle que portait Helen. Plus incroyable encore, la "Comtesse" porte sur la nuque la même cicatrice que sa défunte femme. Se pourrait-il qu'Helen ne soit pas morte ?

 


Pour beaucoup de cinéphiles, Riccardo Freda demeure l'un des cinéastes italiens à avoir donné au cinéma gothique italien ses lettres de noblesse, après Mario Bava. En effet "Les Vampires", d'abord, puis le fabuleux dyptique "L'effroyable secret du Docteur Hichcock" / "Le spectre du Docteur Hichcock" témoignent d'un véritable savoir faire du réalisateur dans le domaine horrifique. Riccardo Freda, durant sa longue carrière, s'est essayé à bien d'autres genres (peplums, films d'aventures) avant de bifurquer vers le giallo en 1969, l'année de "L'Oiseau au plumage de cristal". Ce premier giallo, "Liz et Helen", est une co-production avec l'Allemagne, et la firme Rialto qui poursuit inlassablement l'adaptation des œuvres du romancier Edgar Wallace depuis une dizaine d'années.

En cette fin de décennie, la Rialto est sur le déclin, et ses affaires de moins en moins florissantes, d'où l'obligation de trouver des partenaires pour financer ses films. "Liz et Helen", adapté du roman "The Face in the Night", connaît de ce fait une distribution hétéroclite, englobant un fils à papa, Sydney Chaplin, et une fille à papa, Christiane Krüger. Ces deux là n'auront jamais eu une filmographie digne de leur parent, Charlie Chaplin pour l'un, Hardy Krüger pour l'autre. Si la belle teutonne sortait d'un krimi ("The Man with the Glass Eye") et allait enchaîner sur le "De Sade" de Cy Endfield, le reste de sa carrière sera bien moins reluisant. Quant à Sydney Chaplin, décédé le 3 mars dernier dans l'indifférence générale, il aura achevé son métier d'acteur en 1977 dans le "Satan's Cheerleaders" de Greydon Clark. Pas sûr que Charlot l'ait félicité en le retrouvant dans l'autre monde. Si Günther Stoll et Kinski (cette fois dans un premier rôle, et de "gentil" qui plus est) sont des piliers du krimi, on peut aussi noter la présence de deux ravissantes actrices qui se feront remarquer dans le giallo : Annabella Incontrera ("Les rendez-vous de Satan", "La peur au ventre", "Crimes of the Black Cat"), et Margaret Lee ("Les insatisfaites poupées érotiques du Docteur Hitchcock").

 

 

Malheureusement, on a déjà vu qu'un bon casting ne fait pas forcément un bon film. Et Riccardo Freda, à l'aise dans le gothique, l'est beaucoup moins dans le giallo, et cela se confirmera par la suite avec "The Iguana with the Tong of Fire", puis le pathétique "Murder Obsession", annonçant le chant du cygne du réalisateur.

Passons sur la structure du film, débutant en fait sur la fin de l'histoire. Procédé certes original mais pas forcément habile, puisque l'on devine de ce fait que Klaus Kinski n'est pas le "bad guy" de l'histoire. Oui, pas très adroit, car ensuite le metteur en scène va tenter (en vain) de semer le doute dans la tête du spectateur : John Alexander est-il victime d'une machination, ou est-ce un habile manipulateur ? Mais pas une seconde on envisage cette deuxième hypothèse, non seulement à cause du teaser, donc, mais aussi faute d'un scénario suffisamment malin, où l'on retrouve pourtant la présence de Lucio Fulci, auteur la même année du quant à lui réussi "La Machination", et dans lequel, curieusement, on avait aussi un héros (Jean Sorel) qui pensait que sa femme prétendument morte (Marisa Mell) était en fait en vie. Tout cela nous ramène évidemment au "Vertigo" d'Alfred Hitchcock, où Kim Novak, dans un double rôle, donnait du fil à retordre à James Stewart.

Si "Liz et Helen" n'entretient toutefois qu'un léger rapport avec son illustre aîné, il ne figure pas non plus de rentrer au panthéon des classiques du thriller. Tout est cousu de fil blanc dans cette histoire, dont on devine aisément les mécanismes, mais qui, pour parvenir à un rebondissement spectaculaire, ne parvient pas à éviter le grotesque. Freda nous sert sur un plateau un plan machiavélique hautement fantaisiste et pas crédible une seconde. Et il a tellement de mal à faire tomber les coupables (la faute à ce scénario aussi ennuyeux que rocambolesque) qu'il en est réduit à un artifice grossier pour conclure son histoire. Pour un peu, on se croirait dans du théâtre de boulevard si ce n'était pas si pathétique.

Et puis, la manière dont Riccardo Freda insiste sur certains détails (la bague, le briquet, la cicatrice) n'est qu'une tentative désespérée de masquer l'indigence du scénario.

 

 

Alors, oui, de temps à autres, on reconnaît la patte de l'auteur pour composer une ambiance gothique (Kinski dans sa demeure, tenant un candélabre, et montant avec anxiété les marches d'un escalier). Mais ces moments sont rares, et ce n'est pas le thème musical de Nora Orlandi qui va sauver l'entreprise. Entêtant au départ, presque envoutant, celui-ci finit par agacer tant il est surexploité durant le film. Remixé à toutes les sauces, le thème sature, à la longue, les oreilles du spectateur qui frise l'overdose. Signalons quand même un passage de rock psychédélique particulièrement emballant lors de la party chez les hippies. Cela ne remet pas en cause le talent de Nora Orlandi, qui s'était déjà fait remarquer dans "L'adorable corps de Deborah", et que l'on pourra aussi écouter dans "L'étrange vice de Mme Wardh" (reprenant d'ailleurs l'un des thèmes de "Liz et Helen" : "Voices").

Enfin, pour l'anecdote, "Liz et Helen", sorti une première fois en France en 1973, connut un peu plus tard une exploitation dans les salles spécialisées dans le porno. En fait, il s'agissait d'inserts érotiques, dans lesquelles on retrouvait l'actrice Alice Arno.

Pour le reste, le véritable tour de force de Freda aura été de réaliser un giallo où les deux seules morts font suite à un accident de voiture. Pour le reste... rien, pas de sang, pas de couteau, ni de lame de rasoir. Juste une pointe d'érotisme (merci à Christiane Krüger et Barbara Nelli). Et la sensation que Klaus Kinski, quand il n'est ni fou ni méchant, n'est plus vraiment lui-même.

 

 

Note : 4/10

 

Flint
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