Prophet, the Gold and the Transylvanians, The
Titre original: Profetul, aurul si Ardelenii
Genre: Euro-Western (hors spagh) , Comédie
Année: 1978
Pays d'origine: Roumanie
Réalisateur: Dan Pita
Casting:
Ilarion Ciobanu, Ovidiu Iuliu Moldovan, Mircea Diaconu, Victor Rebengiuc, Bács Ferenc, Olga Tudorache...
Aka: Gesucht wird Johnny
 

Territoire de l'Utah, dans le dernier quart du 19e siècle - Alors qu'il joue aux cartes dans un saloon, Johnny Brad est grossièrement provoqué par un pistolero barbu, apparemment venu de loin dans le seul but de l'entraîner dans un duel à mort. Brad tue facilement son adversaire puis prend la fuite. Bien lui en prend car peu de temps après arrivent le jeune shérif de Cedar city et ses adjoints, qui décident de mettre la tête de Johnny Brad à prix pour meurtre. Seul, parmi les témoins de l'altercation, un ancien officier confédéré tente de prendre sa défense en dépit des menaces du shérif. La ville est en fait tenue par une secte de mormons, avec à leur tête Ezekiel Waltrobe, dit le prophète, qui a fait nommer son fils ainé shérif et son beau-frère juge de paix, et extorque tous les mineurs d'or des environs.
Plus tard, dans un train les emmenant vers l'Utah, deux pittoresques émigrants transylvains ne parlant pas un mot d'anglais sympathisent avec un élégant yankee. Ce sont deux frères dont l'aîné, ex glorieux engagé volontaire dans l'armée roumaine en guerre contre les Turcs, s'est retrouvé à son retour sur le territoire austro-hongrois en butte aux vexations des autorités locales, pour avoir servi dans une armée étrangère. Les deux Transylvains ont donc décidé de rejoindre leur troisième frère émigré depuis dix ans en Amérique, qui leur a écrit avoir fait fortune comme chercheur d'or. Ce qu'ils ignorent, c'est que leur frère Ion, devenu Johnny, est désormais un outlaw et que leur compagnon de voyage est un redoutable tueur à gages engagé par le "prophète" pour abattre leur frangin, le seul homme dans la région à oser s'opposer à sa tyrannie.

 

 

Bon, autant le dire tout de suite, le principal intérêt de Profetul, aurul si Ardelenii est son origine "exotique". Nous avons là en effet un des trois représentants du "western mamaliga" et même le représentant originel puisque les deux autres films se réclamant de ce "courant" sont en fait les suites du présent métrage.
Mais qu'est que le "western mamaliga" ? Me demandez-vous (ou pas, mais de toute manière je vais répondre à cette question). Micro-genre au sein d'un mini-genre (le "red western") qui n'est lui-même qu'une branche du "Ostern" (voir annexe pour plus d'explications), le "western mamaliga" est un western (l'action étant sensée se dérouler aux États-Unis au 19e siècle) produit et réalisé exclusivement en République socialiste de Roumanie. Dans les faits, cela se résume à la trilogie des Transylvains :
Profetul, aurul si Ardelenii et ses deux suites "Artista, Dolarii si Ardelenii" et "Pruncul, Petrolul si Ardelenii" (Ardelenii signifiant transylvains et pruncul chiard, je vous laisse traduire le reste), qui ne furent d'ailleurs que des tentatives opportunistes (et réussies du strict point de vue financier) afin d'exploiter la foudroyante popularité du présent film dans son pays d'origine (plus de 6 millions de spectateurs en salles, en comptant les ressorties).

 

 

Profetul, aurul si Ardelenii (et l'ensemble des "western mamaliga") se distingue des autres "red westerns" en n'étant ni une franche parodie comme les deux plus illustres représentants du genre (le génialissime et tchécoslovaque Jo Limonade et le très réussi et soviétique L'homme du boulevard des Capucines), ni un film totalement sérieux comme les "Ost sauerkraut westerns" pro-indiens de la DEFA. Car le "western mamaliga" se veut réaliste (enfin, il essaye) dans sa représentation de l'ouest américain tout en étant une comédie (enfin, il essaye). Bon, dans les deux cas, c'est loin d'être complètement réussi.
L'autre originalité du "western mamaliga", c'est que les personnages "yankees" parlent en anglais, et seuls les trois héros s'expriment en roumain (quand ils se parlent entre eux), ce qui renforce l'aspect réaliste de l'ensemble. Pour être honnête, un autre euro-western utilisait le même procédé : le redoutable et français "Les pétroleuses", sauf qu'ici c'est plus des deux tiers des dialogues qui sont en anglais (pas toujours intelligibles), sous-titrés roumains. C'est d'ailleurs ce genre de comparaison qui me fait dire que, malgré ses défauts, Profetul, aurul si Ardelenii est loin d'être un ratage.

 

 

Côté reconstitution du far-west, on n'y croit jamais vraiment, et l'esthétique du film est vraiment fauchée. A la décharge de l'équipe technique, il faut dire que le budget fut très serré car ce métrage devait au départ être une coproduction avec la DEFA, mais à la lecture du scénario le studio est-allemand se défaussa. Un budget d'autant plus serré que le réalisateur Dan Pita se révéla incapable de respecter les délais obligeant la production à faire des économies sur les décors et la figuration.
Côté comédie, avouons que le scénario de Titus Popovici contient, malgré quelques incohérences, des éléments potentiellement très drôles (la description de la famille polygame du prophète, la séquence où ce dernier célèbre son propre mariage, la partie de poker, les quiproquos linguistiques) hélas en partie gâchés par la mollesse, pour ne pas dire la maladresse ou la désinvolture, de la réalisation. Un constat qui vaut encore plus pour le côté action / aventure.
Il faut reconnaître que Dan Pita est un réalisateur pour festivals internationaux (il obtiendra un lion d'argent à Berlin), vague émule de Lucian Pintilie (bref, le genre intellectuel à posture d'opposant mais payé par l'État), réputé pour ses films néoréalistes minimalistes. C'est dire si, bien qu'il doit avoir beaucoup de qualités par ailleurs, il s'agit ici d'une erreur de casting (imaginez Bresson ou Angelopoulos réalisant un Trinita).

 

 

Un mot sur l'interprétation qui, à l'image de l'ensemble du film, m'a laissé sur une impression mitigée. Les deux acteurs principaux, Ilarion Ciobanu et Mircea Diaconu, sont assez caricaturaux dans leur jeu mais il est vrai que leurs personnages s'y prêtent. Le premier, qui joue le frère ainé, véritable ours des Carpates, fut une vedette du rugby roumain (un sport strictement universitaire là-bas) avant de devenir une des stars du cinéma autochtone malgré une palette de jeu assez limitée (il était en quelque sorte un sous Amza Pellea). Le second, dans le rôle du frère puiné, un benêt sympathique, sera en 2012 un éphémère ministre de la culture avant de se faire virer pour népotisme. Il avait placé son épouse à la direction d'un théâtre public, chose qui, bien sûr, ne risque pas d'arriver en France (cette phrase a plusieurs interprétations possibles). Terminons par un clin d'oeil du scénariste Titus Popovici à un ami : le troisième frère Brad (c'est-à-dire le deuxième par la naissance) s'appelle Ion ("Johnny") comme son collègue romancier Ion Brad (par ailleurs membre du comité central du PCR à l'époque).

 

 

Sigtuna


En rapport avec le film :

# Le terme "red western", créé a posteriori, désigne l'ensemble des westerns réalisés dans les pays du bloc communiste. Cette terminologie regroupe des éléments trop épars et diversifiés pour constituer un genre spécifique. On peut néanmoins séparer les "red westerns" en trois groupes d'inégale importance :

- D'abord les red-westerns parodiques, d'origines diverses, qui se distinguent (légèrement) de la plupart des autres parodies de westerns par la présence en filigrane d'une critique du capitalisme à l'américaine.


- Ensuite les westerns pro-indiens de la DEFA, numériquement les plus nombreux (une douzaine), avec Gojko Mitic, le Pierre Brice serbe, en vedette. Ersatz de la série des Winnetou et tournés comme cette dernière en Yougoslavie (mais parfois aussi aussi en Tchécoslovaquie et en Roumanie), ils ne se distinguent des Sauerkraut westerns de la RFA que par l'absence d'acteurs et de capitaux "occidentaux" (et parfois aussi par une plus grande volonté de réalisme souvent au dépend du coté spectaculaire) et n'aurait sans doute pas existé si les oeuvres et adaptations de Karl May n'étaient pas à l'époque interdites en RDA.


- Et enfin, donc, la trilogie des westerns "mamaliga".

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