House with the Yellow Carpet, The
Titre original: La Casa del Tappeto Giallo
Genre: Giallo , Murder party
Année: 1983
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Carlo Lizzani
Casting:
Erland Josephson, Beatrice Romand, Vittorio Mezzogiorno, Milena Vukotic...
 

C'est une drôle d'histoire et surtout un drôle de film que voici. Semble t-il adapté d'un jeu de rôle ou plus précisément d'un "Murder Party" conçu par Aldo Selleri ("Théâtre at Home"), il s'agit d'un film en quasi huis clos avec pour unique décor, un petit appartement et une trame mystérieuse autour d'un tapis jaune. Finalement ce n'est pas tant l'histoire qu'on retiendra mais son traitement claustrophobe et décalé, humoristique et intrigant pour accoucher d'un film à la croisée entre "Seule dans la nuit", "Le Locataire" et d'un vaudeville quelconque.
Antonio et Franca (Vittorio Mezzogiorno et Béatrice Romand), un jeune couple, cherche à vendre un immense tapis jaune qui dépareille dans leur appartement et tandis que le mari est sorti régler ses P.V, voici un acheteur potentiel qui déboule avant de se lancer dans un verbiage pas possible sur les possibilités dudit tapis, lequel aurait servi à un meurtre et pourrait bien resservir pour la même chose dans peu de temps. Celui-ci se fait de plus en plus menaçant et finira par agresser la jeune qui le tuera dans un accès de panique, mais pas vraiment. La femme de la victime viendra ensuite chercher son mari singulièrement disparu, puis Antonio rentrera à la maison...
Il ne faudra pas s'attendre là à un Giallo fastueux ou luxuriant propre aux années soixante dix. Graphiquement "The House with the Yellow Carpet" est même d'une pauvreté extrême et seule la très bonne partition de Stelvio Cipriani avec ses accents rétros, entretiendra un rapport avec un genre dans lequel nous sommes plutôt habitués à voyager. Point de Prague, de Budapest ou de Venise ici dépeinte, et comme dit plus haut, tout se jouera dans un appartement si l'on veut bien ignorer l'une des dernières scènes anecdotique du film dans un café. C'est bien un Giallo auquel nous assistons, ce, à base de machination, de twists en tous genres et surtout un jeu de rôle, ce qui paraît logique vu sa provenance. On sera tenté de le rapprocher par moment d'une pièce de théâtre filmée, un petit peu comme l'avait fait Lucio Fulci avec son "Emmurée vivante", ou même ce que fera bien plus tard William Friedkin avec "Bug", mais sans aucune fulgurance esthétique. Au niveau du scénario, on se surprendra à se demander où toute cette mascarade nous amène, puisque finalement hormis la présence mystérieuse et qui le restera, de ce tapis qui donne au film par moments, une petite touche fantastique plaisante, sans qu'on ne sache trop pourquoi, on aura incessamment puis globalement le sentiment de tourner en rond.

 

 

C'est un projet absolument anti-cinématographique que livre le vétéran Carlo Lizzani ("Le procès de Vérone", "La Vengeance du Sicilien") dont la carrière commença à la fin des années 40 pour se poursuivre encore aujourd'hui. Celui-ci nous balance en 1982 une espèce d'ovni culotté où chacun des protagonistes semble en roue libre, dans une intrigue qui fait tellement fit de la vraisemblance qu'elle en devient totalement malpolie, irrévérencieuse, narquoise, et globalement totalement absurde. Il semble même se moquer de tous les critères traditionnels, et encore peut-être d'avantage du genre dans lequel il s'inscrit, si bien qu'on pourra même parler d'anti-giallo et l'on sera tenté de le comparer à l'adaptation américaine du jeu de société "Cluedo" sauf qu'ici seront mis en scène seulement quatre personnages, et plus qu'un jeu de rôle, ce sera un jeu de dupes auquel on assistera. Difficile de se faire un jugement ferme ou définitif à l'issue du film. Si l'on est venu chercher du meurtre, on en sera pour ses frais, car de meurtres peu ou point, même si une ultime pirouette laissera envisager que, ce ne sera à nouveau qu'un jeu. Et si finalement Carlo Lizzani n'adaptait un jeu de rôle que pour se jouer de nous, nous faire tourner en rond dans un spectacle purement cérébral et ludique ? Il semble bien qu'il y ait de ça, comme si l'on nous demandait d'y participer sans rien prendre ici au sérieux. Comme s'il nous assénait fausse piste sur fausse piste nous laissant comme des chiens courant après leur queue.
Ce qui fonctionne merveilleusement dans "La Casa del Tappeto Giallo", ce sont les comédiens. Il faut bien dire que sans eux et le plaisir qu'ils semblent prendre à se prêter au jeu, tout cela serait sans doute d'un ennui sévère, d'une emphase terrible, irritante au possible et somme toute, sans appel. Si Vittorio Mezzogiorno livre une prestation en retrait correcte, Beatrice Romand dans le rôle principal, est tout à fait remarquable. Drôle d'actrice que l'on a pu voir dans pas mal de film d'Eric Rohmer mais aussi dans "Josiane et les hommes" d'Alain Deruelle. Elle est ici totalement convaincante et comme le film s'articule autour d'elle, cela contribue hautement au fait que nous finissions par nous prêter au jeu. Ailleurs Milena Vukotic, actrice que l'on connaît bien ("Black Journal", "Young Dracula" mais aussi tout un pan du duo Luis Bunuel/Jean-Claude Carrière des années 70) est elle aussi intrigante et remarquable.

 

 

On le voit bien, Lizzani a tenu à prendre des acteurs de talents, des acteurs capables de livrer des prestations subtiles et décalées, des acteurs capables de livrer des prestations à la fois grotesques et flippantes. A ce titre, s'il y en un qui remporte la palme haut la main, il s'agit de Erland Josephson, acteur d'origine suédoise vu très souvent dans l'oeuvre de Ingmar Bergman (de "L'heure du loup" à "Fanny et Alexandre"). Il livre une composition stupéfiante qui finit même par tourner la tête. En effet, celui-ci parvient créer un personnage tour à tour, banal, bouffon, inquiétant, menaçant, et réussit même à insuffler quelque chose de très rare, jouer entre deux, parvenant à faire en sorte que le spectateur se pose les questions suivantes : cet acteur est-il mauvais ou bien est-il mauvais volontairement ce qui ne fait qu'accroître le côté absurde et décalé du film ? Je penche sans aucun doute pour la seconde solution et ce dernier donne au film son passage le plus halluciné, dans une scène de plus d'une demi-heure, qu'il parvient à rendre complètement démentielle, à la limite du surréalisme. Pas de doute, c'est à un acteur remarquable auquel nous avons à faire, un acteur génial de cinéma comme de théâtre puisque c'est de ça qu'il s'agit ici.
Là-dessus le réalisateur se sort avec les honneurs de son unique décor et parvient à dépasser la simple invitation au jeu en parvenant à distiller un climat oppressant. Il faut dire qu'à rester enfermé de la sorte, le spectateur étouffe assez vite. Il faut être honnête, le spectacle peut lasser, et à titre personnel si j'ai réussi à jouer le jeu sans grand mal, d'autres pourront trouver le spectacle terne et ennuyeux, répétitif comme pas permis, statique au possible et donc complètement rédhibitoire. On ne pourra pas leur en vouloir, même si tout ceci fait parti des intentions initiales et que l'essai me semble transformé tout en restant dubitatif. Je dois admettre, que deux jours après la vision du film, je ne sais trop plus quoi penser globalement d'un tel spectacle. Si l'on est en droit de demander plus à un film, de se montrer exigeant vis-à-vis de sa générosité intrinsèque, ce dernier offre autre chose que ce qu'on était venu chercher. Il prendra à contre-pied, déstabilisera, et laissera au choix, perplexe, assoupi, ou admiratif. A chacun de voir.

 

 

Mallox
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