Dans le premier opus, nous avions laissé les membres du commando du capitaine Rana - à la recherche du Roi-Diseur afin de contrer les effets d'une redoutable arme ancienne : l'Astra - en fâcheuse posture et cerné de toutes parts tandis que le dénommé Manesh s'apprêtait à subir une décollation après la révélation de son statut de "traître"...L'auteur nous entraîne donc dans une très longue séquence de fuite et de combats sanglants qui occupe un bon tiers du roman. Le moins que l'on puisse dire et que cela est mené tambours battants et que l'on ne s'ennuie pas une seconde. Les exploits guerriers se multiplient avec constance, en particulier ceux de l'archer qui se taille une large part du lion. Le narrateur n'est pas en reste, dévoilant une puissante magie grâce à laquelle notre groupe de rescapés est accueilli par Ogh-qui-soupire, un chaman vivant au milieu du peuple Teules, cette étrange tribu qui ne fait qu'un avec la forêt. Durant ce repos - mérités - "la Courtisane" Shakti lèvera le voile sur le mystère de ses origines et de sa présence dans cette expédition de la dernière chance.Le monde que déploie l'auteur dans un vocabulaire imagé - à ce titre la sonorité et la poétique de la moindre phrase est juste à couper le souffle - continue de s'avérer aussi passionnant que cohérent, les différents effets de la magie étant liés à une symbolique profonde et au Verbe. Il y a un sens du sacré et presque de l'ésotérisme qui tranche avec la manière d'utiliser l'élément merveilleux, souvent grotesque chez d'autres auteurs. Stefan Platteau ajoute également une nouvelle pierre à l'ethnologie imaginaire de la Fantasy avec le mode de vie détaillée du peuple Teule dont les femmes sont capables de secréter de la toile d'araignée. Cette étrange tribu m'a fasciné, détrônant les personnages principaux à plusieurs reprises dans ma lecture.Malgré toutes les qualités de ce récit et sa réelle volonté de proposer une Fantasy qui rompent avec les codes rigides que nous lui connaissons trop souvent, je n'ai pas été aussi enthousiaste que pour le premier opus. Peut-être l'effet de fraîcheur du style littéraire n'opère-t-il plus, m'étant déjà familiarisé sur deux autres romans avec les fulgurances de l'auteur, ce qui m'a rendu un poil plus tatillon. Ce n'est pas pour autant que ce deuxième volet est désagréable - très loin de là, il se situerait plutôt dans le très haut panier -, mais j'ai quelques points de friction qui m'ont parfois éloigné de cet univers envoûtant.Sans être mauvais, le récit de la Courtisane comporte quelques moments que je n'hésiterais pas à qualifier d'embarrassants, des recours à des stéréotypes indignes de l'auteur. Si le conte de Croque-Carcasse contient de bons passages, la narratrice demeure par trop en retrait. Certaines de ses réactions m'ont paru artificielles, comme si l'écrivain transparaissait derrière le masque de son personnage pour remettre son histoire sur les rails. Car en dehors de la relation complexe qui lie Shakti à un énorme ursidé à la nature quasi divine qui fait ici office de croque-mitaine, le protagoniste masculin qui déclenche la catastrophe n'est qu'une maigre ébauche qui ne parvient jamais à s'extraire de sa stricte fonction d'élément perturbateur. C'est presque l'équivalent de ce personnage agaçant de surfeur californien qu'on aime haïr dans les films d'horreur - et moult séquences aussi anxiogènes que poétiques rapprochent souvent la Fantasy de Platteau de ce noble genre - qui prend systématiquement la plus mauvaise décision au plus mauvais moment. Alors bien sûr, pour qu'il y ait récit il faut qu'il y ait transgression - l'analogie avec l'horreur trouve tout son sens -, mais j'eusse apprécié que celle-ci fût de la main de Shakti elle-même et non de ce pâle fanfaron.J'avais parlé plus avant de la manière dont l'auteur use de la magie avec subtilité, conscient de sa dangerosité, mais ce second tome échappe à la rigueur qui était de mise autrefois. Alors qu'elle ne se déparait pas d'une dimension dangereuse dans les opus précédents, on joue les grandes orgues lors du duel de thaumaturges qui clôt la course-poursuite d'ouverture. Tout cela est entraînant, flamboyant et emballé dans un rythme épique, mais tranche avec la retenue passée. On assiste soudain à une débauche d'effets spéciaux. En général, les récits de Fantasy qui se coltine avec trop une magie trop clinquante me font fuir. C'est un ressort narratif qui mériterait d'être utilisé aussi parcimonieusement que la nitroglycérine, car capable de provoquer une implosion des lois internes de la fiction, le fameux : "Ta gueule, c'est magique !". Une situation paradoxale auquel tous les auteurs qui se mesurent à la Fantasy sont confrontés à un moment ou à un autre.Ajoutons que l'adjonction d'une intrique tertiaire à base de traîtrise et d'empoisonnement - qui bat un peu en brèche une sympathique thématique ouverte précédemment - qui, si elle sert de moteur au récit de la Courtisane, me paraît un peu forcée dans un tel foisonnement textuel.En conclusion un second opus qui, s'il n'est pas mauvais, comporte à mon sens quelques petites scories çà et là. Ces quelques observations ne doivent cependant pas vous passer pas l'envie de découvrir cet auteur atypique qui vaut le déplacement, car je pinaille beaucoup. J'attendrais donc le troisième et dernier volume de cette trilogie en me demandant comment Stefan Platteau va réussir à rattacher tous les fils qu'il a lancés. Gernier
Dans le premier opus, nous avions laissé les membres du commando du capitaine Rana - à la recherche du Roi-Diseur afin de contrer les effets d'une redoutable arme ancienne : l'Astra - en fâcheuse posture et cerné de toutes parts tandis que le dénommé Manesh s'apprêtait à subir une décollation après la révélation de son statut de "traître"...L'auteur nous entraîne donc dans une très longue séquence de fuite et de combats sanglants qui occupe un bon tiers du roman. Le moins que l'on puisse dire et que cela est mené tambours battants et que l'on ne s'ennuie pas une seconde. Les exploits guerriers se multiplient avec constance, en particulier ceux de l'archer qui se taille une large part du lion. Le narrateur n'est pas en reste, dévoilant une puissante magie grâce à laquelle notre groupe de rescapés est accueilli par Ogh-qui-soupire, un chaman vivant au milieu du peuple Teules, cette étrange tribu qui ne fait qu'un avec la forêt. Durant ce repos - mérités - "la Courtisane" Shakti lèvera le voile sur le mystère de ses origines et de sa présence dans cette expédition de la dernière chance.Le monde que déploie l'auteur dans un vocabulaire imagé - à ce titre la sonorité et la poétique de la moindre phrase est juste à couper le souffle - continue de s'avérer aussi passionnant que cohérent, les différents effets de la magie étant liés à une symbolique profonde et au Verbe. Il y a un sens du sacré et presque de l'ésotérisme qui tranche avec la manière d'utiliser l'élément merveilleux, souvent grotesque chez d'autres auteurs. Stefan Platteau ajoute également une nouvelle pierre à l'ethnologie imaginaire de la Fantasy avec le mode de vie détaillée du peuple Teule dont les femmes sont capables de secréter de la toile d'araignée. Cette étrange tribu m'a fasciné, détrônant les personnages principaux à plusieurs reprises dans ma lecture.Malgré toutes les qualités de ce récit et sa réelle volonté de proposer une Fantasy qui rompent avec les codes rigides que nous lui connaissons trop souvent, je n'ai pas été aussi enthousiaste que pour le premier opus. Peut-être l'effet de fraîcheur du style littéraire n'opère-t-il plus, m'étant déjà familiarisé sur deux autres romans avec les fulgurances de l'auteur, ce qui m'a rendu un poil plus tatillon. Ce n'est pas pour autant que ce deuxième volet est désagréable - très loin de là, il se situerait plutôt dans le très haut panier -, mais j'ai quelques points de friction qui m'ont parfois éloigné de cet univers envoûtant.Sans être mauvais, le récit de la Courtisane comporte quelques moments que je n'hésiterais pas à qualifier d'embarrassants, des recours à des stéréotypes indignes de l'auteur. Si le conte de Croque-Carcasse contient de bons passages, la narratrice demeure par trop en retrait. Certaines de ses réactions m'ont paru artificielles, comme si l'écrivain transparaissait derrière le masque de son personnage pour remettre son histoire sur les rails. Car en dehors de la relation complexe qui lie Shakti à un énorme ursidé à la nature quasi divine qui fait ici office de croque-mitaine, le protagoniste masculin qui déclenche la catastrophe n'est qu'une maigre ébauche qui ne parvient jamais à s'extraire de sa stricte fonction d'élément perturbateur. C'est presque l'équivalent de ce personnage agaçant de surfeur californien qu'on aime haïr dans les films d'horreur - et moult séquences aussi anxiogènes que poétiques rapprochent souvent la Fantasy de Platteau de ce noble genre - qui prend systématiquement la plus mauvaise décision au plus mauvais moment. Alors bien sûr, pour qu'il y ait récit il faut qu'il y ait transgression - l'analogie avec l'horreur trouve tout son sens -, mais j'eusse apprécié que celle-ci fût de la main de Shakti elle-même et non de ce pâle fanfaron.J'avais parlé plus avant de la manière dont l'auteur use de la magie avec subtilité, conscient de sa dangerosité, mais ce second tome échappe à la rigueur qui était de mise autrefois. Alors qu'elle ne se déparait pas d'une dimension dangereuse dans les opus précédents, on joue les grandes orgues lors du duel de thaumaturges qui clôt la course-poursuite d'ouverture. Tout cela est entraînant, flamboyant et emballé dans un rythme épique, mais tranche avec la retenue passée. On assiste soudain à une débauche d'effets spéciaux. En général, les récits de Fantasy qui se coltine avec trop une magie trop clinquante me font fuir. C'est un ressort narratif qui mériterait d'être utilisé aussi parcimonieusement que la nitroglycérine, car capable de provoquer une implosion des lois internes de la fiction, le fameux : "Ta gueule, c'est magique !". Une situation paradoxale auquel tous les auteurs qui se mesurent à la Fantasy sont confrontés à un moment ou à un autre.Ajoutons que l'adjonction d'une intrique tertiaire à base de traîtrise et d'empoisonnement - qui bat un peu en brèche une sympathique thématique ouverte précédemment - qui, si elle sert de moteur au récit de la Courtisane, me paraît un peu forcée dans un tel foisonnement textuel.En conclusion un second opus qui, s'il n'est pas mauvais, comporte à mon sens quelques petites scories çà et là. Ces quelques observations ne doivent cependant pas vous passer pas l'envie de découvrir cet auteur atypique qui vaut le déplacement, car je pinaille beaucoup. J'attendrais donc le troisième et dernier volume de cette trilogie en me demandant comment Stefan Platteau va réussir à rattacher tous les fils qu'il a lancés.
Gernier
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