Messiah of Evil
Genre: Zombie , Horreur , Fantastique
Année: 1971
Pays d'origine: Etats-Unis
Réalisateur: Willard Huyck & Gloria Katz
Casting:
Marianna Hill, Michael Greer, Anitra Ford, Joy Bang, Elisha Cook Jr, Royal Dano...
Aka: Dead People
 

Une jeune Californienne prénommée Arletty décide de se rendre dans la petite ville côtière de Point Dune, après avoir reçu une lettre inquiétante de son père qu'elle n'a pas vu depuis longtemps. Ce dernier, artiste peintre, s'est en effet retiré dans cette petite bourgade isolée au bord de l'Océan Pacifique, et paraît très tourmenté, à la lecture de ce courrier. Après s'être arrêtée dans une station-service perdue au milieu de la nature, et assisté à une scène étrange où le gérant de la station vidait le chargeur de son revolver sur une cible invisible, Arletty arrive enfin au domicile de son père. La maison est déserte, elle s'y installe, avant de partir à la recherche de son père, le lendemain.

 

 

Elle va finir par rencontrer des personnages pour le moins curieux, comme la directrice aveugle d'une galerie d'arts, Charlie, un vieil alcoolique racontant des histoires étonnantes, et enfin un certain Thom, sorte de dandy tiré à quatre épingles dans son costume blanc. Thom a débarqué à Point Dune, en compagnie de ses maîtresses Laura et Toni, afin de découvrir les secrets de cette petite ville. Le jeune homme prétend être un collectionneur de vieilles légendes. Sans le moindre complexe, il investit avec son "harem" la demeure de Joseph Long, le père d'Arletty. Celle-ci finit par accepter leur intrusion. Personne ne semble savoir en ville ce qu'est devenu le peintre. Toutefois, Arletty découvre le journal de son père. Ce qu'il y raconte est effrayant...
"Messiah of Evil" fait partie de ces films dont la poésie macabre conserve une beauté autant fascinante que terrifiante au fil du temps. C'est une oeuvre intemporelle, filmée au début des seventies, mais qui pourrait très bien se dérouler bien avant, ou bien après, sans que cela ne change quoi que ce soit à son atmosphère si particulière. Atmosphère ! Voilà le mot qui résume "Messiah of Evil", car on tient là un véritable film d'atmosphère, et par la plus incroyable des coïncidences, son personnage principal s'appelle Arletty ! Mais point d' "Hôtel du Nord" ici, seulement une étrange maison située dans une non moins inquiétante bourgade perdue au milieu de nulle part. La demeure de Joseph Long est un lieu "hors du temps", dont les murs sont recouverts de fresques à la fois belles et inquiétantes. Des tableaux semblant cacher un message, le peintre a-t-il voulu témoigner par ce biais d'un mal qui rongerait Point Dune ?

 

 

Avec ses étranges habitants au regard vide qui se rassemblent à la nuit tombée au bord de la plage, allument des feux, observant la lune et semblant attendre la venue de quelqu'un depuis l'océan, Point Dune n'est effectivement pas une ville comme les autres. Il y a aussi cet albinos géant transportant des "zombies" dans son camion, et puis les confessions de Joseph, évoquant sa transformation physique et mentale, se traduisant par des larmes de sang, une baisse de la température, et une attirance accrue pour la chair.
Avec des phrases comme "le village cachait une peur sombre" ou encore "un monde qui suit les anciens dieux", "Messiah of Evil" rappelle évidemment les écrits de Howard Phillips Lovecraft, mais également certains romans de William Hope Hodgson. D'ailleurs, d'une certaine manière, la demeure de Long apparaît comme "La maison au bord du monde", ultime refuge face à la menace indicible semblant avoir contaminé tous les habitants de Point Dune.

 

 

Le thème développé dans "Messiah of Evil", et son atmosphère donc, évoquent aussi des films comme "Carnival of Souls" (Herk Harvey, 1962), "Let's Scare Jessica to Death" (John D. Hancock, 1971) et "Dead & Buried" (Gary Sherman, 1981). Toutes ces oeuvres ont su intégrer avec grâce et subtilité un mélange d'ambiances faites de poésie, d'onirisme, de mystère et d'horreur. Le dénominateur commun de ces films est le personnage central confronté à l'inexplicable dans une cité retirée des Etats-Unis.
Encore faut-il être en mesure d'exploiter une base qui, somme toute, fut utilisée en maintes occasions dans le cinéma fantastique. Assurément, le réalisateur Willard Huyck et sa compagne Gloria Katz ont rempli cette tâche à la perfection, avec d'autant plus de mérite que le couple ne disposait que d'un budget très restreint. Ce qui est frappant à la vision de "Messiah of Evil", c'est qu'il n'a rien d'un film "fauché". Mais la grande force de l'équipe de tournage est d'avoir su éviter certains obstacles en utilisant au mieux le matériel, les lieux, et bien sûr les acteurs mis à leur disposition. En l'absence d'effets spéciaux qui, après coup, se seraient avérés parfaitement inutiles, l'équipe a pu profiter de la demeure d'un ami artiste peintre, dont les fresques géantes peintes sur les murs n'auront pas manqué de retenir l'attention des spectateurs. L'utilisation de filtres de couleurs, et l'importance des scènes nocturnes ne font qu'accroître la tension qui se crée au fil de l'histoire ; et l'angoisse est habilement entretenue par l'emploi de la narration, qu'il s'agisse de la voix off d'Arletty qui raconte en fait son histoire depuis le début du film, ou de celle du père lorsqu'Arletty procède à la lecture du fameux journal. Les errances dans les rues désertes font également leur petit effet, entrecoupées de séquences marquantes comme celles du supermarché et du cinéma, fatales aux deux compagnes de Thom.

 

 

Dès son teaser, qui voit un homme apeuré et épuisé (Walter Hill, encore inconnu à cette époque) chercher désespérément un refuge, et dont le destin sera malheureusement funeste, "Messiah of Evil" part sur des bases solides, avec un cadre (Point Dune) marquant d'entrée les esprits malgré son aspect presque irréel, et des personnages concrets même si leur existence pourrait être remise en question. Le spectateur est ainsi transporté, "trimballé" entre le rêve et la réalité, dans une ville baignée dans une sorte de torpeur, figée dans le temps, comme dans certains de nos cauchemars. L'ambiance est amplifiée par la manière dont Huyck et sa femme ont développé le mal rongeant la ville, une menace sourde au départ, et se concrétisant au fur et à mesure par un détail, une observation, puis une évidence. Le casting est exploité à merveille, depuis les figurants jusqu'aux personnages principaux, en passant par les seconds rôles. Parmi ces derniers, citons deux gloires du cinéma américain dans ce registre : Elisha Cook Jr ("La nuit de tous les mystères", "Electra Glide in Blue") et Royal Dano ("Electra Glide in Blue" encore, mais aussi plein de westerns et de séries TV), impeccables dans leurs rôles respectifs d'alcoolique visionnaire et de père maudit. Joy Bang, la petite blonde jouant l'une des copines de Thom, n'a pas connu une grande carrière au cinéma, même si on a pu la voir dans "Cisco Pike". Par contre, les amateurs de cinéma-bis ne manqueront pas de reconnaître l'autre copine de l'homme en blanc, interprétée par la superbe Anitra Ford, dont on avait pu s'émerveiller de la silhouette dans "The Big Bird Cage" de Jack Hill, et dans "L'invasion des femmes abeilles".

 

 

Enfin, Michael Greer compose un personnage ambigu entretenant un certain mystère, son costume blanc symbolisant à première vue le Bien, mais son affiliation à la légende du "cavalier noir" à l'origine de la malédiction pouvant aussi laisser penser le contraire. Quant à l'héroïne, elle est incarnée avec justesse par Marianna Hill, vue dans bon nombre de séries télé, et dans quelques films notables tels "El Condor" de John Guillermin, "The Traveling Executioner" de Jack Smight, au côté de Stacy Keach, et "L'homme des hautes plaines", de et avec Clint Eastwood.
"Messiah of Evil" tient presque du miracle, dans la mesure où il s'agit d'un film de commande confié à un homme qui était avant tout scénariste et n'était ni spécialiste, ni fan de cinéma d'horreur. Pourtant, le résultat est un chef d'oeuvre, sans aucun doute le film phare du couple Huyck/Katz, à qui l'on doit pourtant l'écriture de "American Graffiti" et "Indiana Jones et le temple maudit". Malheureusement, l'aventure du duo en tant que réalisateurs s'achèvera en "eau de boudin", avec ce qui reste aujourd'hui l'un des plus grands bides de l'histoire du cinéma, "Howard the Duck" !
Avec sa musique flippante sans être envahissante (signée Phillan Bishop), son style en marge des films d'horreur habituels, axé sur une relative lenteur, son climat onirique quasi envoutant, et une photographie absolument magnifique, "Messiah of Evil" mérite bien plus qu'une estime sympathique, car il s'agit là d'une oeuvre emblématique du cinéma horrifique, d'une véritable perle comme on en voit que trop rarement.

 

 

Note : 9/10

Flint

 

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