Miel du diable, Le
Titre original: Il Miele del diavolo
Genre: Erotique , Thriller , Drame
Année: 1986
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Lucio Fulci
Casting:
Corinne Clery, Brett Halsey, Stefano Madia, Blanca Marsillach, Paula Molina, le chien...
Aka: Plaisirs perverses / Dangerous Obsession / Devil's Honey / Divine Obsession / La Miel del diablo (Espagne)
 

Au cinéma, on peut presque tout se permettre sauf ennuyer. A ce titre, cette livraison de Lucio Fulci est un assez bon exemple d'un cinéma fait-main, par un artisan, ce dernier ayant construit peu à peu, commande après commande, une oeuvre le classant dans les auteurs. Le miel du diable offre un assez bon exemple donc, d'un cinéaste qui, une fois n'est pas coutume, tombe dans le cinéma auteurisant, cherchant à se faire remarquer. Le miel du diable donne le sentiment barbant d'une livraison rapide, se voulant originale, sentiment renforcé par l'absence d'horreur ou de gore à proprement parler. Original, vraiment ?

Diable non ! Il faudra s'armer d'un sacré courage (ou d'une sacrée complaisance envers le cinéaste) pour se farcir ce sous Portier de nuit version cave à vin... il est même possible de trouver davantage son compte avec Conquest et 2072, les Mercenaires du futur, lesquels avaient au moins le mérite, pris dans un jour de bonne humeur, d'être rigolos. Là, aucun humour, et comble du comble, le sexe n'a jamais été aussi triste et autant filé le blues. Vous me direz : "Oui mais, c'est justement le sujet du film...". Certes, mais c'est encore un peu plus subtil que cela : ce n'est pas parce que Fulci est dans un jour soit-disant dépressif, que cela en fait forcément une oeuvre personnelle.
Distribuons les points : le scénario du film, dû à Jaime Jesus Balcazar (le sympathique mais pas plus Superargo contre Diabolikus), est consternant de pauvreté. Quant à la mise en scène, elle ne suit pas et reste d'un sérieux papal tout du long...

 

 

A Fulci de balancer une scène grotesque d'introduction, au sein d'un studio d'enregistrement. Un saxophoniste (Stefano Madia, "Body count") fait oeuvre de symphonie pour grande surface, cette dernière étant emprunte d'une concentration risible. De l'autre côté de la vitre hermétique de ce même studio, se trouve sa compagne qui ne cesse de plisser les yeux, ce pour l'encourager, défoncer son saxo qui ne servira du reste pas qu'à souffler dedans par la suite...
On retrouve alors Corinne Clery ("Yor, le chasseur du futur", "Histoir d'O"; "L'Humanoïde", "Moonraker"), surjouant ici de bout en bout, à côté de la plaque et probablement dirigée par un Fulci ayant la tête ailleurs. Jamais, à aucun moment, celle-ci ne suscitera une once d'empathie.

 

L'équipe du son se fait une pause, et à peine dix secondes plus tard, les tourtereaux sortent leurs instruments orgasmiques sans se soucier du retour de l'équipe : ah... l'amour-fou, pensez bien que celui-ci se moque du qu'en-dira-t-on ! La preuve, l'équipe est de retour, ça ne change rien, les deux amoureux transits copulent, copulent, puis copulent encore.
(non, il ne s'agit pas pour autant de se gausser d'une absence de réalisme, plus de justesse... à ce titre , chacun sait que, lorsque l'amour est si fort et qu'il nous prend telle une tornade, nous baisons tous en pleine rue tout en laissant le chien pisser sur un arbre). Mais trêve d'analyse et de sur-interprétations que ne manquera pas de susciter cette bobine, revenons-en à nos gloutons... ici, le couple se met à s'engueuler tant et si bien que le mâle dominant referme fermement braguette avec un sourire malicieux...  "Toi, y en aura pas avoir quéquette !".
La psychologie du Miel du diable n'ira, malgré l'air qu'il voudra se donner ensuite, jamais plus loin.


La suite finalement ressemblera plus à un concerto pour feu au cul qu'à une vengeance en bonne et due forme, suite à l'être cher perdu. Quant à l'audace qui consiste à faire souffler un saxophone en pleine vulve, soit, il y a tout pour se livrer a de personnelles pensées profondes toutes droit sorties de chez Monsieur Freud, mais il existe aussi un autre degré de lecture : à souffler ainsi, de manière aussi insistante que répétitive, zooms disgracieux à l'appui, il est un droit qu'on peut revendiquer également : celui de n'y voir que vide puis ennui.

 

 

Bref, les scènes outrées se succèdent alors, le couple fait l'amour chez lui, avec le saxophone servant donc de Godemichet, (est-ce la raison pour laquelle le type joue si mal ?), recueillant quitte à l'obstruer, tout le miel dont la femme regorge. Métaphore, quand tu nous tiens !

Nous sommes dans le vif du sujet, le couple s'en va faire un tour à moto... jamais rassasiée, Carol Simpson (Corinne Clery) prendra en charge le deuxième guidon de "l'homme saxo", et c'est par le sexe et l'insatiabilité de l'héroïne que finalement l'accident arrivera. L'homme Saxo est hospitalisé d'urgence.
Vient donc de surgir de nulle part le troisième personnage du film : un chirurgien, lui-même englué (le miel ?) dans des histoires de couple, campé par Brett Halsey (Soupçons de mort) et qui, dépassé par ses problèmes personnels, préférera fuir. Durant ce temps très court, le jeune homme blessé, qui aurait pourtant pu être sauvé, mourra.

Il y a bien entendu plusieurs façon de prendre le film : soit l'on accepte les pires clichés du mélodrame et les traits caricaturaux des personnages ici distillés avec un sérieux jamais démenti, soit l'on rejette en bloc.
Il n'est pas certain, mais ce n'est pas un mauvais procès d'intention que je fais aux défenseurs du film, qu'avec ses contours aussi "fins", que Le miel du diable trouverait défenseurs s'il n'était pas signé Fulci (qui reste pour l'auteur de ces quelques lignes et soit dit en passant, un cinéaste marquant).

Pour cette seconde partie de bobine, disons (toujours à titre personnel, il va de soi) que ce n'était déjà pas très palpitant, mais dès lors, dans sa partie vengeance, celle-ci va toucher le fond : Carol Simpson va retrouver de Dr Domenici, puis le kidnapper en le séduisant. Il sera dès lors son prisonnier, gardé au frais, à température ambiante, dans sa cave, à des fins de tortures, mais surtout d'objet sexuel. (rajoutons un 4ème personnage : un Berger allemand en rut, chargé de surveiller notre fuyard meurtrier).
Nous voici donc embarqués pour une bonne heure de masturbations, coïts, et autres poils d'artichauts gênant le bout de la langue, le tout étant filmé avec une tristesse infinie. Non pas une tristesse synonyme d'oeuvre psychanalytique profonde, hélas, même si l'on sent bien que ces lauriers sont convoités, juste une tristesse synonyme de désintérêt puis d'ennui.

Malheureusement, Le Miel du diable ne se rattrape jamais. Sachez cependant que le film divise et garde ses sympathisants sinon ses partisans. Là où les gens moyens dont je suis, verront un film qui ne dit rien sur rien, tournant en spirale sur elle-même tel un corps de chasse, bref un raté répétitif et consternant, illustré via une image laide, avec une façon de filmer peu concernée et des acteurs s'emmerdant royalement, d'autres pourront y voir tout le contraire (et c'est leur droit - d'où la nécessité d'éditer les films plus rares de Lucio Fulci !).
Histoire de taquiner un peu, on finira en disant que tout cela est tellement grotesque que le protagoniste le plus excitant au final est le chien qui aboie par l'odeur alléché et que, si Fulci contamine ici jusqu'à refiler le blues et le bourdon, cela semble bien involontaire.

 

 

Signalons encore, même s'il convient de laisser sa chance au film (cette petite chronique n'a pas pour but de faire office de jugement ultime), que Docteur Fulci s'en vient tout de même dire bonjour en offrant, lors d'une apparition dont il est coutumier, un Talisman d'amour à l'ex-couple détruit, dans une scène de flashback de souvenir de vacances.

C'est tout de même assez peu, très peu, trop peu.

 

Mallox
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