Une libellule pour chaque mort
Titre original: Una libelula Para Cada Muerto
Genre: Giallo
Année: 1974
Pays d'origine: Espagne
Réalisateur: León Klimovsky
Casting:
Jacinto Molina (Paul Nachy), Erika Blanc, Ángel Aranda, María Kosti, Ricardo Merino...
Aka: Red Killer
 

A Milan, l'inspecteur Scaporella est un homme aux méthodes musclées. Le voici bientôt en charge d'élucider une affaire dans laquelle un Serial Killer semble avoir pour seul but de s'attaquer à tous les marginaux, aux immoraux de la société. En effet, prostituées, dealers, homosexuels sont tour à tour retrouvés violemment assassinés. Chaque fois, l'on retrouve près des corps, une libellule dont on peine à trouver la signification. L'enquête de l'inspecteur l'amènera même au sein du milieu Néo Nazi, jusqu'à ce qu'un ami de sa femme, homosexuel, se fasse également tuer, ce qui ne lui facilitera pas la tâche, son épouse se mettant alors en tête de trouver seule, l'assassin...

 

 

Una Libelula Para Cada Muerto alias Red Killer est un Giallo qui sans avoir la prétention d'innover, reste d'un intérêt égal, rythmé, toujours distrayant et même globalement très brillant. On retrouve bien ici toutes les particularités du genre transalpin, notamment l'utilisation de vues subjectives, ce, la plupart du temps, à l'intérieur de la voiture du tueur, ainsi qu'un canevas assez classique avec une narration simple, voire proche de l'épure. En effet Leon Klimovsky construit son film autour du personnage haut en couleurs de l'inspecteur Scaporella, suit son enquête, l'entrecoupant de meurtres. Schéma narratif on ne peut plus simple mais qui fonctionne à merveille. Pour quelle raisons ? Et bien parce que son personnage est fouillé, intéressant, parce qu'il s'agit d'un film extrêmement généreux au niveau des meurtres et autres morceaux de bravoure (On y dénombre d'ailleurs une bonne douzaine de cadavres et presque autant de meurtres explicites), parce que les acteurs y sont excellents, Paul Nachy en tête, puis, parce que d'un point de vue formel le film est maîtrisé et beau. Petit plus, il emprunte, ce qui est assez rare au sein du genre, au film noir des années 40/50 et distille un parfum rétro au charme certain. Dashiell Hammett n'est pas loin.

 

 

On notera en passant qu'il s'agit bien d'une production ibérique, et si les intérieurs ont bel et bien été filmés en Espagne, en revanche, c'est à Milan où se déroule l'intrigue que les extérieurs ont été tournés. L'atmosphère de décadence sociale et de corruption se fait ici omniprésente, et demeure particulièrement bien rendue par son réalisateur, ce, à tous les niveaux de l'échelle. Il faut dire que le sujet et les motivations du tueur s'y prêtent, et le réalisateur ne rate pas le coche. Il distille même beaucoup d'humour, notamment de par son personnage principal, un inspecteur bourrin aux allures de bélier, qui nous est présenté lors d'une des premières scènes en train de quasiment molester un vieillard exhibitionniste, lors d'un interrogatoire on ne peut plus musclé, presque décalé et l'on se dit que Leon Klimovsky impose un personnage aux moeurs et méthodes finalement proches d'un Inspecteur Harry ou d'un Maurizio Merli. A la différence que, son machisme apparent est systématiquement contrebalancé par Madame (Erika Blanc, qu'on a plaisir à retrouver en Madame Colombo), qui prendra le relais alors que le rustre n'est pas fait pour la cuisine italienne (normal pour un espagnol) et n'arrivera même pas à faire cuire des pâtes correctement. On le verra également se faire laver dans sa baignoire, comme un gros bébé, et puis se faire surtout supplanter dans son enquête par celle-ci, qui, déterminée, le devancera. C'est l'une des bonnes surprises de ce Red Killer que d'avoir su mettre en place un personnage entêté, aux méthodes discutables, en même temps de s'en gausser grâce à son pendant féminin.
A ce titre, et puisque un bon tiers du film met en scène le couple qui en passant n'a pas de secret l'un pour l'autre (si bien qu'on soupçonnera même un temps, l'épouse), je tenais à dire que non seulement ces scènes avaient leurs sens là-dedans en plus de contenir un humour pour ma part assez jouissif. Dans le registre humoristique aussi, on n'oubliera pas la scène d'anniversaire de l'inspecteur, qui reçoit un drôle de cadeau par la poste, encouragé par sa femme à coups d' "Happy Birthday to you !", pour en fait découvrir une tête coupée conservée dans de la glace...

 

 

Pour revenir à l'aspect formel, il m'a donc parut très beau. Soit, il ne faudra pas s'attendre à y retrouver les mêmes fulgurances esthétiques qu'un Argento / Bava / Martino, mais pourtant, tout ce qui est du ressort des décors et de la photographie est ici splendide. Oserais-je dire même, très Espagnol dans ses couleurs nuancées, pales mais chaudes en même temps. Dans le même registre, toutes les scènes nocturnes sont excellemment orchestrées et filmées. Elles sont intrigantes, et même parfois angoissantes. Elles dégagent un parfum oppressant très glauque qui va de paire avec la plongée dans un univers décadent d'un inspecteur qui ne l'est non moins. Si la nuit portera conseil à ce dernier, c'est la plupart du temps en son sein que les meurtres auront lieu. Disons le tout net, la nuit dans Une libellule pour chaque mort est définitivement mauvaise et apparaît, passez-moi l'expression, sous son plus mauvais jour. D'ailleurs l'on se souvient longtemps de cette scène où Paul Nachy est pris à parti par une bande de loubards Néo Nazis avant de se faire tabasser puis finir enchaîné comme un crotte sado-masochiste. Encore une pointe d'humour de la part du réalisateur, qui semble s'amuser en maltraitant son personnage principal pourtant peu à même de s'en faire conter. Ailleurs, on a même droit à des passages splendides à l'atmosphère gothique. Je pense notamment au pré final mettant en scène Erika Blanc dans des sous-sols peu recommandables.

 

 

Là où La libelula para cada muerto pêche en revanche, c'est dans son intrigue assez téléphonée qui pourra même paraître peu passionnante, voire accessoire (pourtant en partie écrite par Nachy lui-même, très soucieux de sa carrière). On réduit assez vite le nombre potentiel d'assassins ; à ce niveau l'on peut même rajouter que Klimovsky n'apporte strictement rien de neuf. On retrouve bien une libellule déposée sur chaque cadavre et qui renvoie aux classiques transalpins, et malgré le fait que l'insecte susnommé donne son titre au film (littéralement en français : Une libellule pour chaque mort), on pourrait bien l'ôter du film que ça ne changerait pas grand-chose quand bien même l'on nous donnera une explication antique alambiquée, un brin incompréhensible et foireuse. De même, les motivations de l'assassin n'ont assez peu d'intérêt en soit sinon l'exploration de tout un monde sous-terrain à la moralité maculée. De fait, c'est sans doute paradoxalement l'identité du tueur que l'on oubliera le plus vite après la vision du film.
Ceci dit, Red Killer reste tout de même un film très généreux à ce niveau, où les mises à mort sont légions et interviennent de façon régulières et variées. (5 cadavres dans les 12 premières minutes !). On a le droit à une épée pour commencer qui viendra meurtrir la chair d'un jeune hippy sous l'emprise d'héroïne, puis à un parapluie avec extension de lame qui surprendra une prostituée rentrant chez elle pour la transpercer et l'éventrer, puis une hache bien aiguisée qui servira à plusieurs reprises, d'abord chez un artiste en bonne compagnie, puis chez une effeuilleuse qui aime à dormir dans un cercueil (?!) et qui on le comprendra bien, mâchera ironiquement un travail post-mortem annoncé...

 

 

Bref, on ne s'ennuie pas un seul instant au sein de cette plongée dans la dépravation, filmée avec un savoir faire et une grâce certaine. Il en ressort même un film ludique, brillant et malicieux. On peut signaler également que la musique est très variée et toujours en phase avec les séquences mises en scène. Par contre l'on se rend compte assez vite qu'il ne s'agit en aucun cas d'une partition originale mais bel et bien de "Stock Shots" puisés un peu partout (6 Femmes pour l'Assassin, La Baie sanglante...). Ceci dit, Leon Klimovsky semble connaître ses classiques et les avoir bien digérés ; il les utilise toujours à bon escient. Un très bon Giallo ibérique que je ne saurais trop conseiller.

 

Mallox

 

A propos du film :


# A noter que deux versions du films ont été tournées, dont l'une est plus explicite notamment dans les scènes de nudité. J'ai vu pour ma part la version dite "soft". Certaines scènes ont été tournées deux fois. Une fois avec les protagonistes nus, une autre fois avec les mêmes, mais habillés ou en sous-vêtements.

 

la version DVD d'une édition Espagnole

 

la version VHS "World Vidéo"


Pour approfondir cette histoire de scènes habillées/déshabillées, Valor précise qu'il y en a exactement 6 qui sont concernées :

1) le meurtre du barbu et de ses 2 nanas (captures ci-dessus)

2) la découverte des cadavres par la police :

 

 

3) un plan de quelques secondes sur les photos de la scène du crime :

 

 

 

4) la scène du strip tease dans le club et la suite dans la chambre avec le cercueil : dans la version espagnole, on ne voit pas la fille nue...

 

 

 

 

 

5) Quand Paolo annonce à sa femme que Vittorio est mort : Erika Blanc est nue dans son lit :

 

 

 

6) Idem quand elle examine les photos un peu plus tard :

 

 

 

Toutes ces scènes sont filmées de façon très identique dans les 2 versions sauf pour la dernière dans laquelle Naschy et Erika Blanc prononcent chacun une phrase de plus dans la VO !

Et pour les VHS françaises, il y en a effectivement au moins 3 : la World Video et deux éditions Vidéo 72 :

 

 

 

Il y a aussi une édition canadienne qui est strictement identique :

 

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