Critiques par genre Western spaghetti | Comédie | Drame Mais qu'est ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?
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Mais qu'est ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?
Titre original: Che c'entriamo noi con la rivoluzione ?
Genre: Western spaghetti , Comédie , Drame
Année: 1973
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Sergio Corbucci
Casting:
Vittorio Gassman, Paolo Villaggio, Leo Anchóriz, José Canalejas, Eduardo Fajardo, Rossana Yanni, Riccardo Garrone, Victor Israel...
 

Les tribulations d'un cabot shakespearien et d'un prêtre, paumés malgré eux au beau milieu de la révolution mexicaine en plein soulèvement, et dont ils deviendront les héros tragiques aux côtés des opprimés.

 

 

Souvent oublié dans la filmographie de son auteur, Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ? est l'un des plus singuliers western européen jamais réalisé, une très grande comédie italienne aux accents tragiques, ainsi qu'un des tous meilleurs films de son auteur aux côtés de Django, Le mercenaire, Companeros ou encore Le grand silence. Sergio Corbucci creuse ici qui plus est, son sillon sur l'histoire de l'Ouest ainsi que sur l'histoire d'une révolution et d'une désillusion qui semble devoir aller de paire, et livre l'un de ses films les plus riches en thématiques en même temps que l'un des plus échevelés et l'un des plus grisants. Pas de temps mort au sein de cette révolution de carnaval, jeu de tous les faux-semblants dans lequel les grands perdants seront inéluctablement les pauvres et les marginalisés et donc plus précisément, les péons et les indiens tandis que dans les hautes instances l'avidité de pouvoir et d'argent règnera en maître, comme garante et caution du peuple.

 

 

Au contraire d'un Lucio Fulci et ses 4 de l'apocalypse le désert sera ici le seul endroit où l'on pourra se réfugier, la seule aire de repos. Quand bien même un vieux paysan y tractera sa charrette avec les cadavres de sa femme et son fils dedans, tenant dans sa main une faux, non, ce ne sera pas pour autant "la mort" en marche, comme le croira un moment l'acteur cabot Guido Guidi avant de lui demander où en est cette satanée révolution au loin. Réponse à laquelle le paysan répondra "la révolution ne s'arrête jamais... une révolution n'est finalement là que pour en remplacer une autre pendant que les pauvres restent inexorablement à la même place, réduits à dénombrer leurs morts...". Une scène courte parmi tant d'autres mais qui résume une grande partie du discours de cette révolution factice dont l'un des plus importants protagonistes n'est finalement qu'un acteur contraint de jouer les rôles de sa vie au sein d'un monde réel totalement déréglé.

 

 

Mon dieu que le désenchantement peut être beau ! A l'instar de ce même personnage qui s'exclamera à la fin "Quelle belle mort ! Mourir au milieu d'une aussi belle révolution, c'est le rêve d'une vie, à l'attaque !"...

Et pourtant plus que jamais Corbucci s'applique à mettre à mal l'héroïsme pas loin même de se faire l'apôtre de la lâcheté, peut-être même signe de sagesse au sein d'enjeux qui dépassent le peuple. Ainsi durant les 100 minutes que durent le film, nos deux protagonistes vont traverser tous les mondes possibles, tous les versants de cette révolution en marche sans presque jamais tenir une arme à la main, si ce n'est une mitrailleuse maladroitement prise pour un volant de voiture libérant les companeros les plus patibulaires et individualistes qui soient. Un vent salvateur souffle alors grâce à la mise en scène puissante mais aussi grâce à un duo d'acteurs totalement irrésistibles. Vittorio Gassman évidemment et qu'on ne présente plus, tant sa faculté à jouer les bouffons tragiques, empreint pourtant d'une insatiable et pathétique soif de dignité et de reconnaissance est ici au firmament. Il égale même dans un rôle assez proche, sa mémorable composition au sein du "Fanfaron" de Dino Risi. De l'autre côté Paolo Villaggio dans le rôle de Don Albino Moncalieri (déjà présent aux côtés de Gassman dans l'excellent "Brancaleone s'en va-t-aux croisades" de Monicelli), prêtre placide et dépassé constamment par les évènements et qui joue la neutralité lunaire avec génie, faisant ainsi la courte échelle aux délires transcendants et pince sans rire du grand Gassman. Pas le temps de souffler dans cette grande aventure humaine dans laquelle le seul gain sera l'amitié.

 

 

Là où Sergio Corbucci fait merveille c'est également dans la réflexion qu'il distille l'air de ne pas y toucher, sur la condition de l'acteur et sa difficulté à l'être. Entre nous, quel acteur peut mieux jouer cela que le grand Vittorio susnommé ? Ce dernier, acteur shakespearien minable trouvera finalement l'accomplissement de son métier ou de sa vocation partout ailleurs que sur les planches et il endossera pas moins d'une dizaine de panoplies toutes plus hilarantes les unes que les autres, et c'est avec un sérieux (professionnalisme) toujours imperturbable qu'il s'appliquera à les enfiler. D'abord conquistador façon "Aguirre" en représentation dans un bar gorgé d'alcooliques, il sera interrompu en pleine scène par l'arrivée impromptue des révolutionnaires au son de "Companeros, Viva la révolution !" et d'un massacre à l'aveuglette qui s'en suivra. Difficile de ne pas rire alors du contraste des situations en même temps que d'être bluffé par l'aptitude de Corbucci à faire rentrer tant de substance dans une même scène tout en restant spectaculaire et aérien, comique mais violent et tragique dans le fond. Capturé par les companeros on lui demandera ensuite par ignorance d'enfiler le costume de Garibaldi afin de se faire l'emblème de la révolution et c'est derrière lui qu'évolueront les révolutionnaires en marche. On rappellera ici que Garibaldi était déjà mort depuis au moins 30 ans au moment de l'action, même si ce dernier a bien participé un demi-siècle auparavant à la libération de l'état du Rio Grande. Grande et irrésistible scène une nouvelle fois et si c'est la tête haute que se tiendra ce Garibaldi de carnaval traversant le désert avec à sa tête une bande de troufions convaincus mais tellement ignares de l'histoire, semblant avoir eux-mêmes omis le sens de leur action, le contraste se fait alors plus que jamais génialement grotesque, chacun jouant un rôle de dupe, soit par intérêt, soit par sottise et manque de culture. Le seul être véridique restant l'acteur convaincu de son rôle à jouer, normal il tient à sauver sa peau...

 

 

Nos héros fatigués, traverseront également de guerre lasse un camps indien désolé (mais le curé devra pour s'affranchir et sauver sa peau coucher avec la grosse chef en rut vu le manque d'hommes au sein de la communauté. Normal, ceux-ci ont été pour la plupart massacrés au préalable ou utilisés comme chair à canon de la dictature en place). Ils tomberont ensuite d'un avion, se retrouveront à conduire ce même objet volant transformé pour le coup en voiture dans le désert après avoir perdu ses ailes dans une fuite précipitée. Ils se verront également pendus puis utilisés tour à tour dans chaque camps, bref, ils traverseront de manière majestueusement lâche le nouveau monde à nouveau brillamment illustré par le metteur en scène.

 

 

Bon... je ne vais décliner comme ça jusqu'à plus soif les rôles que devra camper notre Shakespeare de pacotille et préfère laisser le plaisir de la découverte de ce formidable spectacle à tous ceux qui n'ont pas encore vu cette relecture ovniesque de la Sud-amérique qui ne jouit pour le moment malheureusement pas d'édition DVD. Seuls quelques bienheureux (dont je ne fais pas partie ont dû l'enregistrer lors d'une diffusion sur Canal+ il y a quelques années) auront l'occasion de revoir ce film qui se bonifie qui plus est à la revoyure, ce que je les invite à faire. Disons pour faire court, que, capturé par la junte mexicaine, notre héros finira jusqu'à endosser le costume d'Emiliano Zapata (en parodiant de façon irrésistible le Brando du film d'Elia Kazan) afin de renier devant le peuple ses actions en tant que leader de la révolution et remettre en cause ses convictions. Ce qui nous vaudra une scène grandiose de plus dans un film sans aucun temps mort. Inventif à tout va, gorgé de citations cinéphiliques (Einsenstein, Bergman, Ophuls, Hithcock, Ford, Peckinpah, Corbucci lui-même...), pessimiste au possible sur l'issue des classes sociales et sur la nature humaine ressemblant à une ronde permanente, aussi drôle et amer que les meilleures comédies italienne, doté de plus d'une imparable musique de Ennio Morricone (qui semble aimer à parodier la musique sacrée dans le western dès lors que la religion rentre en jeu). Plus mordant que le nihilisme d'"Il était une fois la révolution" de Leone" par son héroïsme obstinément tourné en ridicule, et porté par deux acteurs épatants avec un Gassman, dont c'est ici l'unique et tardive incursion dans le genre, lequel n'a pas son égal pour passer allègrement du burlesque au pathétisme, Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ? est une très grande réussite, d'une originalité et d'une richesse énormes. (N'oublions tout de même pas non plus les excellents seconds rôles comme le toujours impeccable Eduardo Fajardo). Pas de doute le cinéma de Corbucci possède une âme incomparable et il le prouve à nouveau ici avec grandeur et maestria.

 

 

A quand la belle édition dvd que ce grand film mériterait ? A moins qu'il ne s'agisse une fois encore d'une obscure et calamiteuse histoire de droits bloqués par des gens s'érigeant néanmoins en garants de la culture ? La question reste posée, notamment en ce mois d'avril 2008, date à laquelle cette modeste chronique est rédigée, avec comme intention principale que cette incontournable bobine ne se perde, ni ne s'oublie...

 

Mallox
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