Venin
Titre original: Venom
Genre: Thriller , Agressions animales
Année: 1981
Pays d'origine: Grande-Bretagne
Réalisateur: Piers Haggard (Commencé par Tobe Hooper)
Casting:
Klaus Kinski, Oliver Reed, Nicol Williamson, Michael Gough, Sarah Miles, Sterling Hayden, Susan George, Cornelia Sharpe...
 

A Londres, un groupe de trois truands tente de kidnapper l'enfant d'un riche couple - Monsieur et Madame Hopkins (Cornelia Sharpe) - lesquels doivent s'absenter pour la soirée. Mais leur plan va sérieusement être mis en péril...

 

 

En effet, l'enfant vient de faire l'acquisition d'un drôle d'animal de compagnie : un serpent. Les serpents, soit, c'est sympa ; sauf lorsque l'on se trompe d'espèce et qu'en lieu et place d'une jolie couleuvre californienne, on se retrouve avec un mamba noir, non seulement l'une des races les plus offensives, pouvant attaquer sa proie à plusieurs reprises, mais qui est surtout dotée d'un venin des plus mortels ; en cinq minutes montre en main, vous mourrez dans la pire des suffocations et dans d'atroces douleurs.
C'est sous la garde du grand-père (Sterling Hayden) que le drame va se dérouler ; nos trois gangsters sont infiltrés depuis longtemps désormais, au sein de la maison, et deux d'entre-deux ont su gagner la confiance des Hopkins, puisqu'ils travaillent à leur service : Louise Andrews, la boniche (Susan George), Dave Averconnelly, le chauffeur (Oliver Reed). Et bientôt, Jacques Müller (Klaus Kinski), l'instigateur du chantage et accessoirement l'amant de Louise, va débarquer à son tour.
Très vite, la police est alertée par un coup de feu égaré, et la maison cernée. L'inspecteur William Bulloch (Nicol Williamson) va tenter de négocier la libération des otages. Plus tard, David Ball (Michael Gough) le rejoindra dans son action. Un double suspense sera de mise, dès lors que le mamba s'échappera de sa cage pour se balader dans la maison, menaçant les victimes et les instigateurs du chantage. Difficile de négocier une libération dans ces conditions là, et l'aide du Docteur Marion Stowe (Sarah Miles), spécialiste en reptiles, ne sera pas de trop...

 

 

Drôle de film que ce Venin qui, sous bien des aspects, pourra se révéler décevant et sa morsure bien bénigne au regard, notamment, de son fabuleux casting. Commencé par Tobe Hooper qui abandonna le tournage au bout de quelques jours, Venin semble porter les stigmates d'une production heurtée. Martin Bregman, alors en charge du projet, dût remplacer au pied levé le réalisateur (parti tourner dans une fête foraine : "Funhouse") par Piers Haggard, déjà auteur de quelques travaux pour la télévision ainsi que quelques films parfois intéressants (l'excellent La nuit des maléfices, 1971), ("The Quatermass Conclusion" , le dernier opus des Quatermass, tourné en 1979) ou complètement ratés, d'autres fois, comme en témoigne le laborieux "Complot diabolique du docteur Fu Manchu", tourné juste avant en 1980 avec le génial Peter Sellers condamné à cabotiner pour le coup.
A la base du projet, rappelons très vite qu'il y a un roman : "Des serpents sur vos têtes" d'Alan Scholefield, adapté donc pour l'écran par Robert Carrington, déjà responsable d'un autre célèbre huis clos : "Seule dans la nuit" (1967). Quant au producteur, il travaillera souvent avec Al Pacino au cours de sa carrière ("Serpico", "Scarface", "L'Impasse" ...), et étrangement, la partie kidnapping tournant à la prise d'otages, faite de pourparlers avec l'inspecteur et sa brigade ayant cerné la maison, ne manquera pas d'évoquer l'une de ses premières collaborations avec l'acteur italo-américain : "Un après-midi de chien". Bref, il y a tout à la base, pour offrir un spectacle de haut vol et à haute teneur claustrophobe.


Pour en revenir au fabuleux casting, on retrouve en têtes d'affiches deux acteurs réputés difficiles, pour ne pas dire égo-maniaques et difficilement gérables. Oliver Reed, on le sait, avait déjà sa petite renommée de buveur impénitent avant de parfaire son image et d'entériner sa réputation en 1969 avec le fameux "Love", de Ken Russell. Alan Bates et lui devant tourner l'une des premières scènes de nudité frontale masculine (qui plus est en pleine lutte) de l'histoire du cinéma, il chopa Bates dans un pub afin que les deux hommes aillent comparer leurs mensurations dans les toilettes, s'assurant alors que Bates ne lui piquerait pas la vedette à l'écran. Autant dire que lorsque l'acteur se retrouva face à un autre égo-maniaque notoire, Klaus Kinski, la confrontation tourna alors au pur duel de taux de testostérone, et le tournage s'en ressentit. Ainsi eut-on droit à une préparation mouvementée, et l'on put même assister à quelques insultes et empoignades entre les deux hommes avec, à l'appui : "Salop de nazi !" d'un côté et "Pédale anglaise !" de l'autre, ce qui contraignit le tournage à marquer plusieurs pauses de quelques jours.
Force est de constater que la rivalité des deux acteurs se ressent tant à l'écran que d'un côté, elle contribue de conférer une dimension tendue au film, et que de l’autre elle dévie quelque peu des enjeux primordiaux. Bref, nos deux hommes passent à l'écran (comme sur le tournage) une bonne partie de leur temps à se défier, voire à tenter de s'humilier réciproquement. Autant dire que notre dangereux mamba a tout loisir de se balader sereinement...

 

 

La forte présence de nos deux mâles, en plus de prendre parfois le pas sur l'intrigue principale, s'avère somme toute peu crédible. D'ailleurs, quelle est-elle ? Un kidnapping qui tourne en eau de boudin ? Des gens confinés dans un endroit en proie à un prédateur mortel ? Finalement, on assiste aux deux, sans que le mélange soit ni véritablement homogène ni à proprement parler crédible. Il est difficile d'avaler une histoire ne reposant que sur deux ou trois artifices restant dans le domaine de la coïncidence, flirtant avec l'improbable. D’une part, un serpent mortel qui se substitue à un serpent bénin (et qui est par erreur envoyé par la poste au gamin des lieux) ; secundo, un colis qui est réceptionné le jour même où des malfrats décident de kidnapper le gosse (quel timing d'orfèvres !) ; et pour parfaire un mélange de genres hasardeux : des flics alertés par un coup de feu qui viennent donc cerner la maison pour négocier la libération des otages, pendant que le mamba se promène dans une demeure au sein de laquelle on passe soit son temps à s'engueuler et à se défier entre bandits, soit à se défendre contre un invité de dernière minute assez sssssssournois.
Heureux, alors, que d'une part Piers Haggard se sorte de ce fatras de façon honorable, livrant une mise en scène sachant ne pas se disperser, restant concentré sur l'essentiel. Haggard dirige ses acteurs de manière correcte, professionnelle, avec comme support psychologique des personnages demeurant suffisamment fouillés, en évitant de les disséquer sans raison jusqu'à l'âme. Rappelons qu'il ne s'agit pas de livrer ici une quelconque métaphore, mais de balancer un thriller solide et nerveux. Ceux-ci sont donc campés par des acteurs de haut niveau qui parviennent à maintenir crédibles, sinon en tout cas à flot, des rapports entre les protagonistes, qui, malgré des incohérences, restent à peu près tangibles d'un bout à l'autre.

 

 

Du point de vue des acteurs, histoire de les prendre individuellement : Nicol Williamson ne déçoit pas, mais il semble toutefois par moments un peu perdu dans le pendant le plus faible du film, celui de la prise d'otages. Celle-ci, comme sous-entendu plus haut, ne semble là uniquement que pour emprisonner nos personnages, et fait office d'artifice un peu grossier pour livrer tout compte fait un thriller animalier. De fait, le spectateur se sentira davantage concerné dès lors que l'excellente Susan George (Die Screaming, Marianne, "Les chiens de paille", Far West Story, Larry le dingue, Mary la garce...) sera la première victime du personnage central du film : le mamba noir ! Ailleurs, la palme revient aux vétérans Sterling Hayden et Sarah Miles, qui livrent tous deux des compositions attachantes. Ce n'est hélas pas le cas de Michael Gough, qui semble sacrifié avec une apparition quasi-subsidiaire vers la fin du film, tout comme Cornelia Sharpe, remarquée en 1974 dans Les casseurs de gang, et dont on se souvient surtout dans l'éprouvant La chasse sanglante de Peter Collinson.


Puisque Oliver Reed se montre moins convaincant que dans Les Diables, Burnt Offerings ou encore Chromosome 3 et que son "alter ego", Klaus Kinski, est à peu près au même niveau (souvent réduit à écarquiller grands les yeux, façon pénétrée), autant dire que nos deux brigands, pourtant charismatiques et "testotéronesques" en diable, se montrent assez peu inquiétants. De plus, le casting (bien que certains s'en sortent de manière plus honorable que d'autres) se fait intégralement voler la vedette par notre diabolique reptile qui, sans orgueil démesuré, se montre plus vigoureux et efficace pour générer la peur et le frisson que n'importe quel kidnapping, quand bien même préparé de longue date et avec précision. Filmé sans génie, dans des plans alternant vues subjectives et contrechamps sur "l'agressé" ou "l'effrayé", mais pouvant surgir au gré d'une volonté de susciter l'angoisse, de derrière un placard comme d'une machine à laver, notre mamba confère une grande partie de ce que recèle en suspense un film finalement bien trop sage et surtout très inégal. Aidée d'une musique inspirée de Michael Kamen, la partie "agression animale" est sans conteste ce qui rend le film agréable à visionner, et celle aussi qui parvient à faire passer toutes les couleuvres d'un scénario sentant le rafistolage rapide à la rustine sur une chambre à air reptilienne, pas suffisamment "déjantée" pour apporter un véritable déferlement de peur. Il faut dire aussi que le serpent, à lui seul, mobilisa une équipe entière durant le tournage du film ; il est donc logique que ce dernier rende la pareille. Venin, qui aurait pu et dû être un spectacle tétanisant, demeure un thriller horrifique à demi-raté, au regard des impressionnants talents et ingrédients mis à sa disposition. Si celui-ci reste néanmoins sympathique et plaisant en l'état, il sera légitime de se montrer déçu au final.

 

 

Mallox

 

* La bande-annonce US sur la PsychovisionTV :

 

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