Enigme du serpent noir, L'
Titre original: Der Zinker
Genre: Krimi
Année: 1963
Pays d'origine: Allemagne (RFA) / France
Réalisateur: Alfred Vohrer
Casting:
Heinz Drache, Barbara Rütting, Günter Pfitzmann, Eddi Arent, Klaus Kinski, Jan Hendriks, Agnes Windeck, Siegfried Schürenberg...
Aka: The Squeaker
 

La nuit, dans une ménagerie des environs de Londres... Un homme aux yeux hallucinés (devinez qui le joue ?) dérobe, après avoir assommé un gardien, un très dangereux mamba noir. Un générique plus tard, un gros type musculeux visiblement affolé se précipite vers une cabine téléphonique, dans un endroit isolé et enneigé, pour prévenir son frère qu'il connaît l'identité du "zinker"/"snake"/"cerveau" (suivant les versions). Il n'en dira pas plus car il est occis prestement à l'aide d'un ingénieux fusil à air comprimé par une injection de venin de mamba. Le lendemain matin, tous les quotidiens britanniques ne parlent que de cet homme tué, en apparence, par un serpent tropical en plein hiver londonien, ceci au grand dam de Josua Harras, peu doué journaliste au "Telegraph" et de Sir Geoffrey Fielding, son patron, qui ont loupé le coche.

 

 

Chargé de l'enquête, l'inspecteur Elford suspecte le "zinker"/"snake"/"cerveau" (suivant les versions). Ce dernier est (dans toutes les versions) un audacieux et mystérieux criminel qui rackette la pègre londonienne en rachetant à vil prix les butins des casses et en dénonçant à la police ceux qui refusent de marcher dans sa combine. Mais le "zinker"/"snake"/"cerveau" (suivant les versions) vient peut-être de commettre sa première erreur en tuant Larry Greame, ex-boxeur et ex-taulard mais surtout ex-frère du "Lord", un des caïds du milieu qui prépare sa vengeance. En attendant, la principale piste de l'inspecteur Elford le mène à la ménagerie Mulford dirigée par Frank Sutton, importateur de fauves, où un mamba noir a été signalé comme volé. Dans cette ménagerie travaille d'ailleurs un étrange personnage mutique aux yeux hallucinés (devinez qui le joue ?) ...

 

 

Alors, disons-le tout net et en préambule, L'énigme du serpent noir est en matière de Krimi un excellent cru, à ranger juste en dessous de la triplette magique Les Mystères de Londres, La Porte aux sept serrures et Le Requin harponne Scotland Yard.
Le point commun entre ces quatre films est le brio de la réalisation d'un Alfred Vohrer alors encore très inspiré et en pleine forme.
Mais avant d'aller plus loin, remontons à la genèse du présent film. En cette année 1963 Horst Wendlandt (le producteur exécutif des Krimi Rialto), confronté désormais à une forte concurrence dans le créneau "Policier / Mystery", se demande s'il n'est pas temps de passer au format scope et à la couleur pour attirer le chaland. Sauf que les deux à la fois ce serait un peu trop grever le budget, donc on se contentera du scope. La couleur, elle, attendra encore trois ans et Le bossu de Londres pour déborder du générique. Surtout qu'en changeant de format on rend inutilisable les stock-shots londoniens issus des films précédents. Vohrer ira donc faire un tour à Londres avec le seul Arendt pour le filmer sur Piccadilly Circus, sur fond de bus à impériale et de taxis noirs.
Pour compenser ces frais supplémentaires, Horst Wendlandt utilisera sa propre demeure pour les intérieurs du manoir de Mrs Mulford (ce sera toujours ça d’économisé).

 

 

Quoi qu'il en soit, pour ce premier Krimi en scope Wendlandt opte pour une valeur sure, c'est-à-dire le remake du premier Krimi parlant : "Der Zinker", qui fut en 1931 l'ancêtre du genre. En fait dès 1961 Eigon Eis (qui trente ans plus tôt fut, avec son frère, un des coscénaristes du "krimi originel"), avait écrit à la demande de Preben Philipsen une première mouture d'une nouvelle version.
Mais Wendlandt, qui entretemps avait remplacé Philipsen, l'avait mise directement au panier. Wendlandt confiera donc la conception du scénario au seul Harald G. Petersson, vétéran germano-suédois qui passera à la postérité en tant que scénariste de la série des Winnetou. Réputé pour ses scénarios efficaces mais peu respectueux de l’œuvre littéraire adaptée, Peterson n'était, rayon Krimis, ni un débutant ni un manche puisqu'il avait déjà participé aux adaptations de La Porte aux sept serrures et Le Requin harponne Scotland Yard, et il justifie ici la confiance que lui portait Horst Wendlandt.

Petite parenthèse sur le titre de la version originale du film, qui est aussi celui du "méchant" cible du whodunit dans cette version allemande : "Der Zinker" (traduction littérale le "siffleur") signifie en argot des bas fonds le "mouchard". Dans la version anglophone, on a conservé pour le film le titre du roman, soit "The Squeaker" ("siffleur" et "mouchard" en argot anglais), mais le personnage est lui appelé le "serpent" ("snake"), ce qui le met en adéquation avec le titre français, L'énigme du serpent noir. Sauf qu'en français notre "zinker"/"snake" devient le "cerveau" qui, comme le vante l'affiche d'époque, s'en va défier Scotland Yard.
Pour l'anecdote, L'énigme du serpent noir est une coproduction française ; pour l'anecdote seulement, car la participation française (les films Jacques Willemetz) fut strictement financière.

 

 

Comme dit plus haut, le point fort du film n'est pas tant son scénario que la maestria de la réalisation signée par un Alfred Vohrer enjoué et inspiré, exploitant le cadre parfait pour lui de la ménagerie et des animaux en cage ou en liberté, dangereux ou bouffons. Ludique, Vohrer agrémente ses premiers Krimis de scènes totalement inutiles d'un point de vue narratif mais appelées à rester dans les mémoires des spectateurs. Ainsi, la fameuse scène de drague dans les ascenseurs ouverts entre Heinz Drache et Sabine Sesselmann dans La Porte aux sept serrures où encore Jan Hendriks en Janus bifrons terrorisant la pauvre Brigitte Grothum dans Le Requin harponne Scotland Yard en attestent.
Ici, la fameuse séquence culte, c'est le mamba noir qui, pour se rendre vers sa future victime, serpente sur le poster géant d'une Barbara Rütting très mise en valeur (sur le poster, un poster très mensonger d'ailleurs, pour le reste Vohrer n'est pas non plus un magicien). Mais déjà dans cette mise en scène le spectre de la redite et de la routine commence à se manifester, ainsi nous avons droit à une répétition de la fameuse (et fumeuse) scène "vue de l'intérieur de la mâchoire" dans "Les Mystères de Londres".

 

 

L'un des (très relatifs) défauts de L'énigme du serpent noir est l'emphase faite sur la partie comédie, qui sera par la suite une des causes du déclin du genre. Si, au début du Krimi, la partie humoristique était réservée au seul Eddi Arent (ou à un de ses ersatz dans les productions les moins argentées), en 1962 apparaît un second récurrent, Siegfried Schürenberg (dans le rôle de Sir John ou d'un autre Sir comme ici Sir Geoffrey Fielding) qui, l'année suivante, vire franchement au personnage comique (en gros, on peut dire que le virage s'amorce dans le présent film). Mais comme si cela ne suffisait pas, on a droit ici à un troisième "rigolo" de service avec Agnes Windeck, qui entame ici la partie "vieille excentrique marrante" d'une carrière commencée en 1904 ! On la retrouvera d'ailleurs cette même année dans Mabuse attaque Scotland Yard.
Alors, entendons-nous bien, il s'agit de trois excellents acteurs à la vis comica incontestable, mais la partie "mystery" suspense du film étant très supérieure à la partie comique, on ne peut que regretter que cette dernière occupe tant de place.

 

 

Un mot pour finir sur le reste du casting, parfait comme souvent dans les Krimis Rialto, avec Heinz Drache en tête de gondole. On peut juste regretter que dans le rôle de la jolie jeune fille en détresse, Barbara Rütting ne soit ni très jolie ni très jeune (un peu moins de 36 ans certes, mais elle reste sans doute l'actrice la plus âgée à avoir tenu un premier rôle féminin de Krimi), ni très en détresse (quoi que pour ce dernier point ce ne soit pas trop grave). Notons qu'une fois sa carrière terminée, Barbara Rütting fut une élue écologiste et reste une pasionaria de la cause animale, en quelque sorte une Brigitte Bardot de gauche.
Klaus Kinski est, comme toujours à l'époque, prodigieux dans le rôle muet d'un assassin taré et présumé zoophile. Jan Hendriks l'est tout autant en personnage louche (Hendriks et Kinski ont, en quelque sorte et zoophilie mise à part, échangé leurs rôles du film Le Requin harponne Scotland Yard).
Les animaux, dont on ne jurera pas qu'aucun d'entre eux n'ait été maltraité par Klaus Kinski, proviennent du célèbre zoo de Berlin et du cirque Althoff.
Enfin, la B.O. est signée Peter Thomas, ce qui me dispense d'en dire plus.


Sigtuna

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