Docteur Mabuse et le rayon de la mort
Titre original: Die Todesstrahlen des Dr. Mabuse
Genre: Espionnage
Année: 1964
Pays d'origine: Allemagne (RFA) / Italie
Réalisateur: Hugo Fregonese
Casting:
Peter van Eyck, Yvonne Furneaux, Dieter Eppler, O. E. Hasse, Rika Dialina, Valéry Inkijinoff, Claudio Gora, Yoko Tani...
Aka: Les rayons de la mort du Dr. Mabuse / I raggi mortali del Dr. Mabuse / Mission spéciale au Deuxième Bureau
 

Dans un asile psychiatrique londonien où il est détenu (voir l'épisode précédent : Mabuse attaque Scotland Yard), le docteur Pohland (Walter Rilla), "réincarnation spirituelle" de Mabuse (voir deux épisodes plus tôt le "Testament du docteur Mabuse"), est interrogé par le major Anders des services secrets britanniques. Mais Pohland n'est plus désormais qu'une coquille vide. La tentative de pénétrer son subconscient dans une séance mêlant hypnose et électrochocs entraîne l'évasion de Pohland, exfiltré en fait par Kaspar (Dieter Eppler) un lieutenant de Mabuse.
Quelque temps plus tard, un homme-grenouille s'échoue, mort, sur une plage maltaise. À Londres, à nouveau, Anders est convoqué par son supérieur qui lui confie une mission sur ce confetti mediterranéen du Commonwealth. Il doit y aller pour protéger et surveiller le professeur Larsen, qui met au point une version moderne du miroir d'Archimède. Afin de passer inaperçu, Anders est accompagné par sa petite amie du moment, une dactylo d'origine grecque. Précaution inutile car dès qu'il débarque sur l'île, tous les autochtones semblent être au courant de sa mission...

 

 

Sympathique petite série B d'espionnage comme il s'en tournait beaucoup à l'époque (le milieu des années 60) Le Dr Mabuse et le rayon de la mort se laisse voir avec plaisir, remplissant en quelque sorte parfaitement le cahier des charges de l'eurospy, mis en place deux ans plus tôt avec le maître étalon du genre, "James Bond contre Dr. No", même si c'est au détriment de la cohérence scénaristique. Un respect des dogmes du genre qui confine parfois à la caricature (la scène avec Yoko Tani), mais qui fait le charme du film tout en en marquant les limites. On y trouve donc : un héros cool et séducteur, des jolies filles en nuisettes, de mystérieux Asiatiques (dont le scénario ne se préoccupe pas de nous expliquer la présence), une pointe de dépaysement (à défaut d'exotisme, faute de budget) se limitant certes à l'île de Malte reconstituée sur la côte tyrrhénienne, une touche d'humour (voire une légère distanciation ironique) et bien évidemment de "l'action" sous diverses formes, du corps-à-corps à mains nues à la fusillade générale, en passant par quelques scènes de combats sous-marins. Le film étant pour le coup, ici, assez novateur puisqu'il précède d'un an les séquences subaquatiques d'"Opération Tonnerre" ; hélas ces dernières sont ici assez confuses tout comme sont assez mollassonnes celles sur la terre ferme.

 

 

On est donc en territoire connu sauf que le film, naviguant sous le pavillon "Dr Mabuse", il a de quoi désarçonner les aficionados du brave docteur qui seraient venus pour voir un thriller teinté de fantastique. Et ce sera le cas des spectateurs allemands lors de la sortie de ce métrage en 1964, ce qui entraînera son échec au box-office.
Derrière cette métamorphose d'un Mabuse en sous Bond, il y a le légendaire Artur Brauner, fondateur de la CCC, à la fois grand producteur et sacré margoulin.
A vrai dire, Mabuse, ressuscité une première fois par Brauner en 1960, avait été à nouveau enterré deux ans et trois films plus tard dans le remake du "Testament du docteur Mabuse", où trépassait le personnage de Mabuse (en tout cas son enveloppe physique). Mais une figure telle que Mabuse, sorte d'incarnation du mal, ne meurt jamais vraiment. Il reviendra donc une deuxième fois sous une autre enveloppe (celle du docteur Pohland) avec Mabuse attaque Scotland Yard puis une troisième avec le présent film.

Plus prosaïquement, le succès des Edgar Wallace Filme de la Rialto décide Brauner a réactiver le "Dr Mabuse" dont il avait racheté les droits dix ans plus tôt. Mais, malgré l'utilisation de réalisateurs prestigieux, les "Mabuse" peinent à concurrencer au box-office les Krimi Rialto. Brauner les abandonne donc en 1962 pour sa nouvelle trouvaille au rayon Thriller : les... "Bryan-Edgar-Wallace-Filme", copies assumées jusque dans leurs titres des Edgar Wallace Filme.

 

 

Seulement voilà, en rachetant le droit d'utiliser le nom de Bryan Edgar Wallace, fils de l'autre, Brauner a aussi acheté les droits d'adaptation de toute la production littéraire dudit Wallace Junior. En fait, un fatras de nébuleuses et rocambolesques histoires mêlant policier et SF, mais l'une d'elles ("The Devise") a pour thème un génie criminel utilisant une machine permettant de contrôler l'esprit humain. Et l'association de "génie criminel" et "contrôle des esprits" évoque forcément le "Testament du docteur Mabuse". Alors, Brauner saisit l'occasion d'associer les deux "licences" en adaptant "The Devise" sous la forme d'un Edgar Wallace like (transférant l'action d'Allemagne en Angleterre) mais avec Mabuse dedans.
Ainsi naquit en 1963 Mabuse attaque Scotland Yard, sorti sous la double étiquette "Mabuse" et "Bryan Edgar Wallace". Une première digue avait sauté, et à la CCC on pouvait désormais utiliser la "marque" Mabuse pour faire un peu n'importe quoi. Et si un an plus tôt on était à l'apogée de la vague Krimi, en 1964 la mode était cette fois à l'Eurospy. Donc, pourquoi ne pas resservir du Mabuse à cette nouvelle sauce ? Ainsi naquit Le Dr Mabuse et le rayon de la mort ; mais cette fois-ci le public ne suivit pas, mettant fin, pour un temps, à la série (alors que Brauner avait déjà planifié deux suites dans la même veine).

 

 

Bien qu'il n'ait pas rencontré son public à l'époque, le présent métrage, dont les points faibles ont été évoqués plus haut (le principal étant le scénario signé Ladislas Fodor), est malgré tout dans la très honnête moyenne des Eurospy des années 60. Dans les points forts du film nous avons les magnifiques décors naturels et architecturaux de la côte sud de la Toscane (qui vaut largement celle de Malte, qu'elle est censée représenter), et surtout une interprétation cosmopolite (co-production oblige) de haut vol. Peter van Eyck est incontestablement meilleur comédien que la plupart de ceux qui ont revêtu la défroque des sous James Bond, et rares sont les films où l'on peut croiser à la fois un pilier du Krimi (l'Allemand Dieter Eppler), l'héroïne féminine de "La Malédiction des pharaons" de Terence Ficher (la Française Yvonne Furneaux), celle du premier Maciste de Freda et de "L'Étoile du silence" (la Japonaise "francisée" Yoko Tani) et l'interprète principal de "Tempête sur l'Asie" de Poudovkine (le Bouriate Valéry Inkijinoff, qui sera pendant trente ans "l'Asiatique" du cinéma français). Et si l'ex-miss Grèce Rika Dialina n'est peut-être pas la meilleure comédienne du monde ni la plus belle des ex-reines de beauté, elle est ici parfaite en ravissante idiote.
On notera, merci Artur Brauner, que le nom de Wolfgang Preiss (le mythique interprète de Mabuse) apparaît en gros sur les affiches allemandes et au générique alors qu'il ne joue pas dans ce film.

 

 

Sigtuna



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