Goyokin, L'or du shogun
Titre original: Goyokin
Genre: Chambara
Année: 1969
Pays d'origine: Japon
Réalisateur: Hideo Gosha
Casting:
Ruriko Asaoka, Tatsuya Nakadai, Kinnosuke Nakamura, Isao Natsuyagi, Tetsuro Tamba, Kunie Tanaka, Yôko Tsukasa...
 

Au Japon, vers 1830, sous le shogunat des Tokugawa, Retiré car meurtri de n'avoir pu empêcher son clan de massacrer un village pour s'emparer de la cargaison d'or qu'ils avaient récupérée, un samouraï, Magobei Wakizaka (joué par Tatsuya Nakadai / "Le Sabre du mal", "Ran", "Kagemusha") erre en s'exhibant dans des spectacles de foire. Alors qu'une nuit, il s'apprête à vendre son sabre, après avoir été attaqué puis avoir vaincu aisément ses agresseurs, l'un d'eux, sous la menace lui apprend que ses anciens compagnons, dirigés par son beau-frère, sont sur le point de répéter l'opération. Hanté par sa culpabilité, et afin de soulager sa conscience, il reprend la route afin d'empêcher un nouveau carnage.

 

 

Nous avons là, un nouveau tournant du film de sabre ; à la fois technique, oolitique et référentiel. Techniquement, Goyokin fut le premier film Japonais (prévu à l'origine en 70 mm), qui fut uniquement diffusé en 35 mm, l'importance de ce choix sur la mise en scène fut déterminante : la taille plus réduite des caméras Panavision permettait ainsi aux opérateurs de manoeuvrer plus facilement dans des décors. De plus, les nouvelles lentilles autorisaient l'usage du zoom. C'est également la première fois qu'un "film historique" de la Toho était filmé à Tokyo, le lieu de tournage habituel étant Kyoto.
On a souvent comparé le chambara traditionnel au western hollywoodien classique, et il est vrai que les deux genres ont plus d'un point commun, et que l'un a souvent pu influencer l'autre. Il est saisissant de constater comment le Film de sabre a pu évoluer dans le même sens que le western classique a évolué vers une vison plus violente, contestataire et désenchantée : Le western spaghetti, puis d'autres oeuvres comme celles de Clint Eastwood plus tard.
Difficile de ne pas penser, à la vision de ce Goyokin au "Grand Silence" de Corbucci, deux films, du reste, tournés la même année : même décor neigeux, même noirceur dans les rapports humains, même violence désespérée ; de même, toutes ces boueuses qu'emprunte Magobei ne sont pas sans rappeller le "Django" du même Corbucci ; jusqu'aux accents très Morriconniens de la musique.
On notera aussi la séquence d'ouverture, la découverte du village dénué de ses habitants et envahi par les corbeaux, si cette scène renvoie rapidement aux "Oiseaux" d'Hitchcock, elle évoque également le Mario Bava de "Opération Peur" ou de "la fille qui en savait trop".

 

 

Très intéressant aussi de voir comment le mythe du samouraï est maintenant ouvertement critiqué, détruit ; si Kurosawa , Kihachi Okamoto ("Le Sabre du mal"), et Kobayashi Masaki (son "Hara-Kiri de 1962" relança le genre, évincé pendant l'après-guerre par le gouvernement américain parce qu'il ne célébrait pas les valeurs démocratiques), avaient contribué à renouveler le genre et tendre l'image du samouraï vers sa démystification, Hideo Gosha attaque ici en 1968 ouvertement.
A l'instar d'une majorité de westerns spaghetti, le film d'Hideo Gosha représente une lecture désenchantée du genre, un monde où les samouraïs ne vivent plus selon le code du Bushido, mais pour la seule quête du profit.
La justice n'est plus une motivation, et Magobei ne reprend son sabre qu'afin d'apaiser ses propres tourments, tuer ses démons alors que sa quête n'est en définitive qu'un prétexte : comme il le dit lui-même, il est mort le jour où il n'a pas utilisé sa lame pour faire ce qui était juste ; s'il dit espérer revivre après avoir accompli sa destinée, il est clair qu'il s'agît d'un leurre, Magobei est mort depuis le début.
A cet égard, le dernier plan semble clair, Magobei s'éloignant des réjouissances et s'enfonçant dans un brouillard de neige, à l'instar des fantomatique héros de "Pale Rider" ou "l'Homme des Hautes Plaines".
La force du film tient aussi à la mise en images des thématiques, ce qui fait de Goyokin un grand film nihiliste et sombre. Une oeuvre de l'après, qui ne s'intéresse plus à un espace mais à des formes, des icônes ; les personnages ne sont plus maintenant que des symboles.

 

 

Hideo Gosha signifie donc la mort d'un genre. Mais l'enterrement est somptueux. Outre la belle photo neigeuse de Kozo Okazaki, le film se caractérise par de superbes combats, qui se succèdent dans des éléments différents, feu, neige, eau, composant une anthologie du duel au sabre. Une oeuvre funèbre, désespérée, qui en voulant donner le coup de grâce au chambara s'inscrit pourtant parmi les plus belles réussites du genre.

 

Note : 9/10

 

Mallox
 
A propos du film :
 
# Goyokin est sorti en dvd chez Wild Side en édition collector double dvd, japonais Mono, 2.35, 16/9 compatible 4/3, sous-titres français.
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