Très Loin de la Terre
Genre: Extraterrestres , Space-Opéra , Science-fiction
Année: 2009
Pays d'origine: France
Editeur: Bragelonne
Collection: Les trésors de la SF
Auteur: Jean Pierre Andrevon
 

Attention, Bragelonne a décidé de vous envoyer loin, très loin de la terre et même très loin dans le temps. Compte à rebours enclenché, 3, 2, 1 c'est parti ! Plus de six cents pages, six cents pages de space op', d'aventures, de réflexions sur la terre et sur son avenir. Plus de six cents pages en comptant la superbe postface de Joëlle Wintrebert (indispensable!!) et l'interview de l'auteur qui n'est autre que Jean-Pierre Andrevon. Et oui, Andrevon chez Bragelonne! Des titres à la base parus chez Fleuve Noir collection Anticipation pour deux d'entre eux, qui arrivent chez l'un des plus grands éditeurs français ! Une superbe idée qui voit le jour notamment grâce à Laurent Genefort, directeur de la collection Les trésors de la Sf (qui n'a d'ailleurs jamais aussi bien porté son nom!), et qui a donc eu l'heureuse idée de compiler trois romans de l'un des auteurs de SF français les plus talentueux de sa génération.  Vous êtes prêts à partir en voyage ? Alors accrochez-vous car c'est du lourd, même s'il ne s'agit pas pour moi, malheureusement,  du meilleur Andrevon...


Le premier intérêt de "Très loin de la Terre" est de nous plonger dans un temps que les moins de vingt ans ne peuvent connaître. En ce temps où la collection "Anticipation" était le laboratoire, le réservoir d'auteurs français qui expérimentait une certaine SF alors que d'autres éditeurs préféraient publier des valeurs sûres et donc Anglo-saxonnes. Comme quoi les choses ne changent jamais beaucoup en la matière... Dans cette prestigieuse maison d'édition des noms commencent à percer : Jimmy Guieu, Richard Bessière mais aussi Gérard Klein par exemple. Mais malheureusement le premier roman d'Andrevon, "Hommes-Machines contre Gandahar" ne pourra être publié au Fleuve Noir car il est jugé bien trop intello. Il faut dire que Jean-Pierre Andrevon est un sacré personnage, engagé, virulent, un homme à la plume qui ne mâche pas ses mots si je puis dire ! Mais en 1971, Andrevon réalise enfin son rêve et il publie enfin une œuvre de SF chez Anticipation : "La guerre des Gruuls", que l'on retrouve ici. Tout en sachant que juste avant l'auteur avait déjà publié chez Fleuve Noir, mais dans la collection "Angoisse", un roman fantastique. Et oui, il est comme ça Andrevon, c'est un touche à tout! C'est ainsi qu'il rejoint donc la prestigieuse maison d'édition et que les titres s'enchaîneront... Sa carrière est lancée!

Venons-en maintenant à la parution chez Bragelonne de ces trois premiers romans d'Anticipation. Le choix s'est porté de ne pas les publier dans l'ordre de parution mais plutôt suivant une logique que je n'ai pas saisie tout de suite et qui suivrait plutôt une certaine chronologie dans l'univers crée par Andrevon, qui recrée ici une histoire de la Terre au gré de voyage dans l'espace et dans le temps, entre autres dus à certaines technologies permettant de plier ce même espace et ce même temps. Il appelle cela le Subespace, technologie mise au point par une race extraterrestre appelée les Gruulls qui apparaissent dans les trois romans publiés ici. Premier ouvrage, premier roman et première claque : "Le temps des grandes chasses". Un vrai petit bijou qui mélange à la fois "Spartacus" et "Le monde perdu" de Conan Doyle. Le clan des hommes vit sur une terre verte, belle, quasi vierge même s'il reste ça et là des traces d'une ancienne activité nucléaire. Comprendra qui voudra, je ne vous en dirai pas plus, il faudra que vous trouviez vous-même le pourquoi du comment en vous débâtant avec les théories du voyage dans l'espace. Mais alors que les chasseurs du clan des hommes s'en vont chasser, entre autre Roll et sa compagne Réda, des "oiseaux de fer" viennent les chercher. Après une très longue traque (on est en plein roman d'aventures et on se régale!) ils sont arrachés à leur monde et emportés sur une planète bien plus triste où ils vont devenir malgré eux des combattants, des gladiateurs des temps modernes. Aventure et voyage spatial sont au rendez-vous et même si le thème du gladiateur qui cherche sa liberté est un peu éculé aujourd'hui, on est face à un premier roman époustouflant qui, derrière ses allures de série B, s'en va critiquer notamment la colonisation. Andrevon nous décrit un monde gris où règnent l'électricité et le béton. A Roll de s'écrier que les civilisés sont des sauvages! Comment peuvent-ils vivre ainsi? Comment peuvent-ils aimer voir des gens se battre à mort juste pour le plaisir? On comprend facilement le message et avec des années d'avance Andrevon critique quelque part la TV réalité, le grand spectacle à outrance, nos contemporains qui quittent les campagnes, coupent leurs liens avec la nature au nom de la civilisation. Le message est clair, direct et les aventures, même si elles ne sont pas vraiment très originales, nous tiennent en haleine malgré tout et malgré une fin quelque peu entendue. On retiendra surtout le message et bien sûr le style de l'auteur, un style à la fois beau et brut. Encore une fois Andrevon ne mâche pas ses mots. N'est pas civilisé celui qui a le savoir et la science pour lui, car la civilisation c'est avant tout une histoire de cœur. Etrangement, on n'est pas loin du message qu'Howard tentait de faire passer avec son Conan. Mais bientôt apparaissent aussi dans le ciel d'étranges vaisseaux spatiaux et le chasseur pourrait bien devenir chassé et le civilisé avoir besoin du soit-disant sauvage. Le message est beau et simple encore une fois...

Second roman présenté, "La guerre des Gruulls", du nom des extraterrestres présents dans le récit. Pour la guerre, oui, il y en a bien une, mais en fait on apprendra qu'elle n'est due qu'à une fausse manipulation et à des incompréhensions mutuelles. Là encore le message est simple et on comprend très rapidement où veut en venir Andrevon qui règle ses comptes avec les chefs de guerre, les peuples qui vivent dans la plus grande des incompréhensions, ceux qui ne veulent pas s'écouter, ceux qui ne cherchent pas à communiquer avec l'autre etc. Une œuvre humaniste mais résolument science-fictive aussi puisque c'est dans ce roman qu'Andrevon explique très clairement (quoique là il vaudrait quand même s'y reprendre à plusieurs fois!)  son concept de Subespace et donc de voyage extra planétaire. On a le droit bien évidement aussi à certains passages très guerre des étoiles, en moins épique malgré tout,  et surtout la rencontre avec les Gruulls qui est complètement stupéfiante et remet en cause notre propre vision du monde. Ainsi la sagesse ne peut appartenir qu'aux jeunes puisque la sagesse doit être vierge de tout! J'adore ce concept et c'est d'ailleurs la principale chose que je retiendrais de ce roman! Mais, malgré les réserves que j'émets sur ce roman, il est très important pour toute personne qui voudrait comprendre et aller plus loin dans l'œuvre d'Andrevon car on y retrouve aussi beaucoup d'éléments autobiographiques et tout ce qui fait la "philosophie" Andrevon, c'est-à-dire ce combat quotidien pour la planète et contre le racisme, le fascisme et autre absurdité typiquement humaine. Si l'auteur décrit aussi bien les scènes de panique et les sirènes qui sonnent lors des attaques Gruulls, c'est qu'il les a vécues, si l'auteur décrit aussi bien les combats, avec la peur et le doute, c'est certainement car il les a vécu aussi, là bas, en Algérie pendant la sale guerre. C'est peut-être de là que découle, non plus la philosophie d'Andrevon, mais tout son humanisme, sa manière d'écrire et sa manière de dire le monde... C'est ce qui fait de lui un auteur à part! Alors avec la guerre des Gruulls vous allez plonger dans un space op' un brin cérébral quand même et rencontrer des créatures étranges mais o combien passionnantes! Et oui, l'autre est toujours étrange mais aussi toujours passionnant!

Dernier roman présenté, "Le dieu de lumière". Clairement il ne sert à rien de lire ce livre en une fois, car au final c'est l'overdose. C'est passionnant mais il faut un temps de digestion. J'ai fait l'erreur pour ma part de tout lire d'un coup et en plus je l'avoue, je ne suis pas non plus un grand lecteur de SF...Ce qui fait que je suis peut-être passé à côté de beaucoup de choses quant à ce dernier roman et à son peuple étrange qui voue un culte à ce qu'ils appellent un Dieu mais qui est en fait un vaisseau spatial d'un autre genre. Alors quand une équipe de spationautes débarque par hasard sur cette terre, alors qu'ils devraient être les premiers à y mettre les pieds, ils ont des doutes. Quelque chose ne va pas dans l'espace-temps. Et à Andrevon de nous réexpliquer et de jouer avec cette théorie du subespace. C'est intéressant et ça plaira aux amateurs de SF pure et dure mais ça fait un peu trop pour moi... "Le Dieu de lumière" permet bien sûr d'expliquer et de réfléchir sur l'espace-temps, mais aussi sur le savoir, la mémoire de l'humanité et l'oubli. Le rythme est un peu lent, on peine à avancer et le roman plaira par exemple plus à ceux qui ont aimé les œuvres un peu plus complexes d'Asimov par exemple, dont "Fondation". Ce n'est pas mon cas. Je dirai qu'avec ce "Très loin de la terre", on est comme face à un énorme repas: sur la table, tous vos mets préférés, alors vous mangez, et mangez encore et au final même si vous avez apprécié, vous n'en pouvez plus. "Très loin de la terre" est un très bon recueil, mais il faut prendre  du temps pour le lire, comme la plupart des œuvres d'Andrevon d'ailleurs, pour le faire sien. Mais c'est aussi ça la marque des grandes œuvres...


Alors en conclusion, je dirais que j'aime la littérature de Jean-Pierre Andrevon et que même si je n'ai pas adoré ce "recueil de romans" ça reste du Jean-Pierre Andrevon, touchant, humaniste et malgré tout passionnant dans sa conception et dans ses théories. Mais au final c'est vers Bragelonne que je me tourne et je leur envoie toutes mes félicitations, même si ce n'est pas grand-chose les félicitations d'un chroniqueur de Psychovision, car ils réussissent véritablement des choses admirables (et je pèse mes mots!) au sein de leur catalogue. On les a critiqués pour une approche parfois un peu simpliste de la fantasy et ils publient du Conan et surtout des œuvres moins connues d'Howard. On leur à reproché en un temps cette conception  du facile et aujourd'hui ils vont nous dénicher des œuvres de la collection "Anticipation" et qui plus est des œuvres d'Andrevon, pas faciles du tout! Si ça ce n'est pas fantastique! J'espère que grâce à eux c'est toute une nouvelle génération qui se tournera à nouveau vers cette collection (on en trouve facilement d'occasion!) et que toute une nouvelle génération découvrira cette SF qui nous a proposé des titres époustouflants de grands auteurs français ! Alors bravo Brage et bravo Laurent Genefort pour ce travail, merci à Joëlle Wintrebert pour sa superbe postface et si vous êtes un amateur de SF, de vraie SF, allez-y vous ne le regretterez pas. Lisez-le, prenez votre temps et savourez...


Note : 7/10

 

Le Cimmerien

 

A propos de ce livre : 

 

- Site de l'éditeur : http://www.bragelonne.fr/

- Site de l'auteur : http://jp.andrevon.com/

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