Deux évadés de Sing Sing, Les
Titre original: I due evasi di Sing Sing
Genre: Comédie
Année: 1964
Pays d'origine: Italie
Réalisateur: Lucio Fulci
Casting:
Franco Franchi, Ciccio Ingrassia, Arturo Dominici, Livio Lorenzon, Gloria Paul, Renato Terra, Nino Terzo, Mimmo Poli...
 

Nous retrouvons ici nos deux larrons Franco et Ciccio en prison à Sing Sing, établissement ludique à la sécurité maximale, situé sur les rives de l'Hudson et au sein duquel des exécutions capitales ont lieu de façon régulière.
Les dirigeants de ce lieu idyllique viennent donc chercher Franco et Ciccio dans leur cellule, ce, pour les faire passer à la chaise électrique. Petit détail qui a son importance tout du long de cette comédie fortissimo sympatico, nos deux héros, comme vous vous en doutez, ne sont pas dotés d'un Q.I. phénoménal, ni-même d'une lucidité ou de bon sens, et c'est en passables allumés qu'ils échappent aux nombreuses péripéties qu'ils traversent, tentant pourtant à chaque fois, par lâcheté, de ne pas les braver.

 

 

Ainsi, près à se faire griller sur la chaise électrique, nos involontaires fanfarons se plaignent des chatouilles générées ; ils parviennent on ne sait trop comment à réchapper de la mort, puis à se rapprocher de l'ignoble et dangereux Boss mafieux Attanasia (Excellent Arturo Dominici), après un joyeux foutoir dans un hammam.
Par un autre heureux concours de circonstances, ils parviennent à le sauver d'une mort préméditée par ses rivaux, alors que la justice attendait impatiemment que la tête du malfrat tombe enfin. Attanasia leur est dès lors redevable, et offre à Franco l'opportunité de réaliser son rêve : celui de devenir boxeur. Après une véritable hécatombe, une fois encore involontaire (causée par un gant lesté, puis mal ajusté, à même le ring sur lequel ce dernier est testé par un entraîneur haut de gamme au service du gangster), voilà Franco en selle pour affronter alors tous les champions en titre du moment. Ciccio sera son manager...

 

 

Soit, Lucio Fulci avait déjà fait jouer Franco Franchi et Ciccio Ingrassia dans plusieurs de ses précédents films (Les faux jetons, Gli imbroglioni, I maniaci), ceux-ci ayant d'ailleurs au fur et à mesure tendance à prendre de plus en plus de place au sein des scripts, mais c'était jusqu'à ces Deux évadés de Sing Sing, de manière segmentée. En effet, nos deux larrons héritiers d'un comique slapstick à tendance Laurel et Hardy, lesquels auraient croisé le duo Dean Martin et Jerry Lewis, venaient jusqu'ici soit le temps de quelques scènes censées pimenter un comique de situation déjà bien présent, soit aérer de la même manière des films à sketches en venant livrer les leurs.
Mais c'est la première fois que Fulci leur offre à part entière (même si par définition, on peut la diviser par deux) le devant de la scène, avec un scénario s'articulant totalement autour d'eux. Satisfait semble-t-il du résultat, il récidivera avec ses deux compères le temps d'autres films tels que "002 agenti segretissimi", "002 operazione Luna", "Come inguaiammo l'esercito" ou encore "Come svaligiammo la banca d'Italia", avant de retrouver seul, dans les années 70, Ciccio Ingrassia pour une parodie hilarante : Young Dracula. Rappelons également que Fulci avait tourné ses premières comédies avec Adriano Celentano, lui aussi sous forte influence Jerry Lewis, pour quelques bobines légères et débridées mais assez réjouissantes et dynamiques. On garde par exemple un agréable souvenir de Urlatori alla sbarra ou de Un type étrange.
Autant dire que Fulci se devait, à l'instar d'autres artisans de l'époque (Renato Polselli, Marino Girolami, Mario Mattoli, Giorgio Bianchi...), de trouver le bon filon afin de pouvoir décemment surfer sur la vague de la comédie, genre qui cartonnait alors. Ce fut donc chose faite, après les avoir testés dans ses précédents films cités ci-avant, et après avoir surfé de son côté sur une autre vague qui elle aussi faisait fureur, celle du film à sketches.

 

 

Comme souvent, Lucio s'attèle lui-même au scénario en s'entourant aussi de collaborateurs solides, des habitués du genre, et donc pour le coup de Marcello Ciorciolini ; celui-ci commençait tout juste à exercer sa plume pour le comique après l'avoir usée dans le genre aventure, avec des films comme Robin des Bois et les pirates, "La reine des barbares" ou "Ursus dans la vallée de feu". Il n'est donc pas étonnant, si l'on tient compte de la solidité de la mise en scène de Fulci (à l'époque déjà confirmée) et qu'on l'additionne au sens rythme - voire même au souffle - dont peut faire preuve notre écrivain, que ce cela accouche d'une comédie dynamique et échevelée. Ajoutons à cela qu'à partir du moment où l'on apprécie le comique le plus énorme, ainsi que le couple Franco et Ciccio, on aura même le droit de se régaler, tout du moins assez souvent.


Rythmée également sur tempo musical dû à un Ennio Morricone parodiant alors avec talent le film de gangsters et ses inévitables phrasés-clichés jazz, ainsi que superbement photographié par Bitto Albertini (le futur réalisateur de "3 supermen à Tokyo", Plus venimeux que le cobra, Black Emanuelle en Afrique...), Les deux évadés de Sing Sing s'avèrent être une bonne réussite. Les situations délirantes s'enchaînent avec énergie et fluidité ; elles relèvent d'un comique autant grotesque que contagieux, avec en plus un sens de la parodie qui ne se dément pas, ce, de bout en bout, pour culminer carrément dans l'absurde à la fin ; un sens de l'absurde que n'aurait peut-être pas renié ces indéniables génies qu'étaient les Marx Brothers ou en tout cas Groucho, pour le plus surréaliste d'entre eux.
Et puis, l'on retrouve une chose qui ne semble appartenir qu'au cinéma italien : la faculté de faire rire avec les choses les plus graves qui soient : la peine de mort, la pauvreté, la souffrance, le fascisme, la mort en général... Bref, un sens alchimiste de la dérision dont seuls nos amis transalpins semblaient en détenir alors le secret.

 

 

On mentionnera également plusieurs scènes - toujours en mode comique bien entendu - qui font fortement penser au Fulci des années 70. La scène de la chaise électrique est filmée en champ/contre-champ, de la même manière que celle qui s'apprêtera à exécuter Jean Sorel dans La Machination (Una sull'altra, 1969). Ailleurs, une autre scène (assez géniale, celle-ci) se déroulant dans un décor de cinéma, dans lequel les deux gangs s'affrontent à coups de mitraillettes. Ladite séquence renvoie fortement au final de La guerre des gangs (Luca il contrabbandiere, 1980). Bien entendu le registre, comme déjà dit, n'est pas le même puisque d'une part toute la scène se déroule sous une pseudo pluie diluvienne, puis une avalanche de neige carbonique (avec tout ce que cela peut entraîner de conséquences burlesques) alors que pour se protéger des balles, Franco et Ciccio s'emparent d'un parapluie qui les fait s'envoler !
Les scènes de cet acabit sont suffisamment nombreuses dans I due evasi di Sing Sing pour être signalées, en même temps que de permettre à Lucio Fulci de se livrer à la fois à une parodie de film noir, et de rendre hommage aux fondateurs du burlesque. Ce n'est pas une autre scène - laquelle renvoie directement à celle du gigantesque match de boxe dans "Les lumières de la ville" de Chaplin - dans laquelle nos deux boxeurs (Franco et un noir colossal) se battent, mus de torsions inénarrables alors que de la colle a été mise au préalable sur le ring afin de truquer le match, qui viendra démentir la facilité avec laquelle le réalisateur enchaîne hommage et parodie.


D'autres séquences ou gags mériteraient eux aussi d'être cités, comme ce tenancier de casino qui vient demander sa part à l'ignoble Attanasia, lequel l'envoie la chercher dans son jackpot personnel. Sauf qu'en guise d'argent, c'est carrément une main armée d'un pistolet qui surgira du mur pour l'abattre à bout portant. On retrouvera plus tard notre soi-disant macchabée camouflé à la va-vite dans le petit ascenseur à bouffe, qui dans un dernier sursaut (tandis que l'ascenseur remonte) tuera l'un des hommes du gang adverse, menaçant alors dangereusement nos deux héros Franco et Ciccio.

 

 

Bien qu'offrant globalement un spectacle inoffensif et délesté des provocations ou critiques contre les institutions (jusque là, souvent présentes dans les précédentes livraisons de Fulci), I due evasi di Sing Sing offre une évasion régulièrement très drôle, en même temps que passablement loufoque et barrée. On aurait tort de le négliger dans la carrière de son réalisateur.

Mallox

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