Marque du Diable, La
Titre original: Hexen bis aufs Blut gequält
Genre: Horreur , Drame
Année: 1970
Pays d'origine: Allemagne
Réalisateur: Michael Armstrong
Casting:
Udo Kier, Herbert Lom, Olivera Katarina, Reggie Nalder, Herbert Fux, Johannes Buzalski, Gaby Fuchs...
Aka: Mark of the Devil / La tortura delle vergini / Les sorcières sanglantes
 

En Autriche, au début du XVIIIe siècle. Le pays vit sous le règne de la terreur, l'inquisition traque et fait exécuter sans relâche les personnes accusées d'hérésie ou de sorcellerie. Dans une région du pays, l'infâme Albino s'est proclamé chasseur de sorcières. Avec la complicité de son avoué, il se livre à la torture sur les villageois, ainsi que sur des moines et des religieuses. Ses accusations n'ont pas le moindre fondement, l'avoué fabrique des preuves, et des innocents sont conduits au bûcher.
Afin de rétablir l'ordre dans cette partie du pays, le Prince fait envoyer sur place un chasseur de sorcières patenté, Lord Cumberland. Celui-ci est précédé par son disciple, le Comte Christian von Meruh, accompagné de Jeff Wilkens, le bourreau officiel. Christian est chargé par son maître de vérifier la véracité des charges contre les personnes accusées de sorcellerie et de rédiger les actes d'accusation en attendant son arrivée prochaine. Sur place, Christian est tout de suite confronté à l'hostilité d'Albino, qui réfute toute autorité et affirme être le seul chasseur de sorcières légitime. La rivalité des deux hommes est de plus affermie lorsque Christian prend la défense de Vanessa Benedikt, une villageoise ayant refusé les avances d'Albino. Ce dernier a juré sa perte et l'accuse de sorcellerie. L'arrivée de Lord Cumberland va-t-elle sauver ou condamner Vanessa et les autres innocents risquant la torture et le bûcher ?

 

 

En 1968, "Le Grand inquisiteur", réalisé par le jeune et talentueux Michael Reeves, marque les esprits à tel point que le thème de l'inquisition va faire école et inspirer d'autres metteurs en scène. L'année suivante, Jesus Franco tourne Le Trône de feu, dans lequel Christopher Lee prend la relève de Vincent Price en tant que chasseur de sorcières. En 1970, sort donc La Marque du Diable ; puis Jesus Franco remet le couvert en 1972 avec Les Démons, qui laisse la part belle à un érotisme sulfureux. En 1973, Adrian Hoven réalise une fausse suite à La Marque du Diable : "La Torture". Parmi les films notables en lien direct avec le sujet, on relèvera également "Le Puits et le pendule" de Stuart Gordon, en 1991, dans lequel Lance Henriksen compose un Torquemada inquiétant à souhait ; et plus récemment (2011), le méconnu "Maleficarum" de Jac Avila, en provenance de Bolivie, qui dénonce à son tour les méfaits de l'inquisition d'une manière très crue.

 

 

Séduit par l'excellent travail de Michael Reeves sur "Le Grand inquisiteur", l'acteur et producteur autrichien Adrian Hoven, soucieux d'exploiter à son tour le filon, envisage de l'engager pour La Marque du Diable, qui s'appelle dans un premier temps The Witch Hunter, Dr Dracula. Malheureusement, Michael Reeves décède en février 1969, et les plans de Hoven tombent à l'eau. Il se rabat alors sur un autre Michael (Armstrong, donc), également britannique. Il a aussi à peu près l'âge de Reeves, vingt-cinq ans, quand il est contacté par Adrian Hoven. Michael Armstrong est encore un débutant dans le cinéma à cette époque, que ce soit en tant que scénariste ou réalisateur. Il sort tout juste du tournage d'un thriller horrifique, "The Haunted House of Horror". Cette alliance austro-anglaise débouche logiquement sur un casting issu majoritairement de ces deux pays. On y retrouve donc l'impeccable Herbert Lom (d'origine tchèque), dans le rôle de Lord Cumberland. Herbert Lom a fait une carrière remarquable, entamée avant le début de la seconde guerre mondiale. On se rappelle notamment de ses rôles dans "Guerre et paix" de King Vidor, "L'île mystérieuse" de Cy Endfield (où il campe le Capitaine Nemo) et bien sûr "Le fantôme de l'opéra" de Terence Fisher, dans lequel Lom tient le rôle-titre.

 

 

Il est entouré ici du jeune Udo Kier, encore inconnu, et qui va sortir de l'anonymat avec La Marque du Diable. Il interprète le personnage de Christian, disciple de Cumberland. Quelques années plus tard, Udo Kier deviendra célèbre grâce à ses prestations "outrancières" dans Chair pour Frankenstein et Du sang pour Dracula. L'ignoble Albino est quant à lui incarné par Reggie Nalder, dont le faciès atypique a laissé un souvenir impérissable, non seulement dans le film de Michael Armstrong, mais aussi des oeuvres comme L'Oiseau au plumage de cristal, "La Torture" ou "Zoltan, le chien sanglant de Dracula".
Au trio principal Cumberland/Christian/Albino, il convient d'ajouter les personnages du bourreau et de l'avoué, également essentiels. Le premier est tenu par Herbert Fux, vu dans pas mal de comédies érotiques bavaroises, mais également dans des krimis et des Jess Franco ("Les inassouvies", "Jack l'éventreur"). Le second est joué par Johannes Buzalski, aperçu également dans des productions érotiques ainsi que "L'Enigme de Kaspar Hauser".

 

 

Les femmes, il va sans dire, sont particulièrement malmenées dans La Marque du Diable, notamment Gaby Fuchs ("La Furie des vampires"), victime dans la fameuse scène de la langue arrachée. Ingeborg Schöner ("Mister Superinvisible"), dans le rôle d'une châtelaine, connaîtra un meilleur sort, tandis que l'héroïne Vanessa, jouée par Olivera Katarina ("Le Commissaire X traque les chiens verts"), sera l'instrument de la révolte des villageois pour faire tomber l'oppresseur.
Pour en revenir au thème du film, la chasse aux sorcières et aux hérétiques, il a su intéresser une frange du public dans la mesure où le thème en question prend sa source dans l'histoire. L'inquisition a fait couler beaucoup d'encre à travers les siècles, et les exactions commises par Bernard Guy, Nicolas Eymerich ou Tomas de Torquemada ne pouvaient que logiquement attirer certains metteurs en scène. De plus, par son côté malsain et cruel, il était évident que le cinéma d'exploitation était le plus à même de traiter le sujet.
Si le film de Michael Armstrong se démarque de la véracité historique, du moins en ce qui concerne le nom de ses personnages, il prend toutefois pour cadre un château autrichien, celui de Moosham dans la région de Salzburg, où sévit réellement l'inquisition. En ce qui concerne l'œuvre elle-même, et quelle que soit l'implication véritable du réalisateur et celle du producteur (Adrian Hoven tourna des scènes additionnelles sans prévenir Armstrong), on peut toutefois reconnaître que La Marque du Diable est une réussite à plusieurs niveaux.

 

 

Le point fort du film tient aux caractères des principaux personnages masculins. Leur étude psychologique présente en effet un grand intérêt, et l'apparition de chacun dans l'intrigue (ainsi que ses motivations) est habilement conduite. Le spectateur fait d'abord connaissance avec Albino et l'avoué, son âme damnée chargée de fabriquer de fausses preuves afin de condamner les présumés coupables. Albino se sert de la religion à des desseins personnels. Ce n'est pas un croyant, encore moins un fanatique religieux, simplement un soudard en mesure d'assouvir ses bas instincts (vol, viols, meurtres) grâce à la chasse aux sorcières mise en place par l'inquisition. L'avoué est quant à lui une personnalité faible, un pleutre qui tente de profiter de son statut pour jouir de ce qu'il n'aurait pas en temps normal (notamment sur un plan sexuel).
On pense que l'arrivée de Lord Cumberland va changer la mise et rétablir une forme de justice. Or, on se rend compte assez vite qu'il n'en est rien. Cumberland se montre simplement procédurier, mais le résultat est comparable à celui d'Albino. Les tortures et exécutions se poursuivent à bon rythme, et même si Cumberland est un fervent religieux, il n'en convoite pas moins les biens d'autrui (notamment l'héritage du Baron Daumer, accusé injustement d'être possédé par le démon), et n'est pas plus insensible que son rival "illégitime" aux plaisirs de la chair (il tentera de violer la châtelaine accusée de commerce avec le diable à la suite d'un spectacle de marionnettes). Jeff Wilkens, le bourreau, bien que s'opposant à Albino, n'en est pas moins cruel et sadique, lui aussi, montrant à la fois zèle et imagination lors des scènes (saisissantes) de torture. Dans cette accumulation de portraits peu flatteurs de l'espèce humaine (et de la gent masculine), le personnage de Christian apporte une lueur d'espoir. Le jeune noble est un "pur", une sorte de Candide évoluant dans un univers gangrené par la corruption. Il a pourtant la foi, et l'espoir d'appliquer la "justice divine" de la meilleure façon, ceci grâce à la confiance aveugle qu'il a envers son mentor. Mais cette confiance pour Cumberland va s'effriter peu à peu, et il n'hésitera pas à se retourner contre les siens pour tenter de faire triompher la véritable justice (ceci n'empêchera le film de se conclure d'une manière résolument pessimiste).

 

 

Les autres points positifs du film tiennent à l'interprétation convaincante des principaux protagonistes, la beauté du cadre de la campagne autrichienne, la richesse des décors (notamment le château), la musique mélodieuse de Michael Holm créant un paradoxe avec la brutalité des images et accentuant, par contrecoup, l'efficacité des scènes de violence. Les scènes de torture s'avèrent d'ailleurs réalistes, même si elles ne sont pas insoutenables. Bourreaux et victimes montrent suffisamment de conviction dans leurs rôles respectifs pour rendre l'ensemble parfaitement crédible et mettre le spectateur mal à l'aise.


A l'exception d'une diffusion dans le cadre d'un festival, La Marque du Diable ne fut jamais diffusé en salles dans notre pays ; par contre, il fut exploité en Belgique sous le titre "Les Sorcières sanglantes". En France, il faudra attendre le début des années 1980 pour voir le film par le biais de la VHS, grâce à René Chateau. Et enfin, récemment, c'est l'éditeur indépendant The Ecstasy Of Films qui est parvenu, au prix de nombreux efforts, à donner une nouvelle vie à ce fleuron du cinéma de genre sous la forme d'un joli dvd collector.

 

Flint

 

A propos du film :

# Le producteur Adrian Hoven et le réalisateur Michael Armstrong se disputaient sans arrêt à propos des choix de mise en scène, tant et si bien que Armstrong jeta l'éponge avant la fin du tournage. Une bonne partie du film a donc été réalisée par Hoven.

# Michael Armstrong avait notamment réalisé une scène finale "surnaturelle" dans laquelle les victimes zombifiées venaient s'emparer de Christian et Suzanne. Adrian Hoven détestait cette scène, il refusa de l'utiliser et brûla le négatif ! Il n'en subsiste que quelques photos de tournage :

 

 

# Adrian Hoven tient le rôle du marionnettiste qui subit la torture de la goutte d'eau dans le film. C'est son propre fils Percy qui joue le fils du marionnettiste :

 

 

En rapport avec le film :

# La fiche dvd The Ecstasy Of Films de La Marque du Diable

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