4 desperados, Les
Titre original: Los desesperados
Genre: Euro-Western (hors spagh) , Western spaghetti
Année: 1969
Pays d'origine: Espagne / Italie
Réalisateur: Julio Buchs
Casting:
George Hilton, Ernest Borgnine, Alberto de Mendoza, Leo Anchóriz, Annabella Incontrera, Gustavo Rojo, Manuel de Blas, Manuel Miranda, José Manuel Martín, Antonio Pica, George Rigaud...
Aka: Quei disperati che puzzano di sudore e di morte / A Bullet for Sandoval / Vengeance is Mine / Those Desperate Men Who Smell of Dirt and Death
 

En pleine guerre civile américaine, le caporal John Warner apprend que sa petite amie, la fille du riche propriétaire Don Pedro Sandoval, est enceinte. Il abandonne son poste pour aller la retrouver. L'enfant est jugé illégitime par Sandoval qui avait interdit à sa fille de fréquenter Warner. Lorsqu'elle meurt en couches et que Warner arrive dans sa propriété, il lui donne le bébé, un bâtard susceptible d'être atteint du choléra, maladie qui ravage alors la région. Warner, déserteur, tente de franchir la frontière mexicaine avec deux de ses amis de fuite, Lucky Boy et Friar. Mais dans son périple l'enfant meurt. Dès lors, Warner qui a toujours refusé la violence hormis dans le cadre de son devoir militaire, ne jure que par la vengeance et se transforme en archange du mal, prêt à tuer tout être qu'il juge coupable, de près ou de loin, de la mort de son enfant...

 

 

Autant emprunter directement les sentiers de la guerre, Les 4 desperados fait partie des réussites oubliées du western européen. Affublé d'un titre français idiot évoquant les carrés d'as et leur joker régulièrement utilisés jusque là dans le western spaghetti (Les 4 de l'Ave Maria, Cinq gâchettes d'or, Cinq hommes armés ou même Les 4 mercenaires d'El Paso vu que celui-ci n'est sorti en France que fin 1971...), nos desperados seront bien quatre à l'arrivée mais passeront entre temps de trois à six et même plus encore parfois. Qu'on se le dise, il n'y a qu'un héros dans Les 4 desperados, c'est George Hilton. Un héros plus que borderline, au point de conférer au film de Julio Buchs une étonnante noirceur "désespérée" qui jamais ne se dément. Dès le début, et plus encore lors de la mort du nourrisson, l'on sait que la lisière entre la vie et la mort vient d'être franchie et que les personnages mis en scène sont dès lors en sursis. Le titre italien est le seul à traduire fidèlement la trame et l'ambiance du film : "Ces hommes désespérés qui sentent la poussière et la mort". En effet, Los desesperados s'inspire d'une histoire vraie et de personnages réels, les sept enfants d'Écija, un groupe de bandoleros espagnols qui sévit à Séville entre 1814 et 1818. Des hors-la-loi rendus mythiques grâce aux écrits romancés retraçant leur parcours. Comme dans le film de Buchs, leur nombre varia et passa de quinze en 1814 à douze en 1815 pour finir à cinq (quatre hommes de Séville et un de Murcia) en 1818. Des hommes, tous militaires et patriotes, qui devinrent durant la guerre d'indépendance entre l'Espagne et la France, des déserteurs puis des guérilleros, ce avant un baroud d'honneur durant lequel ils furent tués par leur propre armée. Comme nombre de bandits sans foi ni loi, il furent transformés en héros romantiques. Ils n'avaient pourtant rien de ces nobles renégats qui pillaient les riches pour donner aux pauvres et pouvaient tuer sans distinction aucune haut-gradés et paysans.

 

 

Une caractéristique qu'on retrouve dans le scénario de Les 4 desperados, dans lequel certaines séquences illustrent les débordements sanglants de l'ex-caporal et de sa bande. C'est d'ailleurs l'une des qualités majeures de cette bobine cruelle que de transformer une banale histoire de vengeance en récit sur une tendance au nihilisme. "Après tout, que vaut une vie si l'on me retire celle de l'être qui m'est le plus cher ?", semble penser Warner qui, pour se faire justice, élimine tout être vivant lui faisant obstacle, perdant parfois même de vue son objectif initial. Un personnage idéalement campé par un George Hilton très inspiré, qui trouve ici un rôle à la mesure de son talent et assoit son importance au sein du genre western. À se souvenir des ses compositions dans Le Temps du massacre, "Les vautours attaquent", Le Moment de tuer ou bien encore le singulier Chacun pour soi, on peut affirmer que l'acteur d'origine uruguayenne a eu une importance loin d'être négligeable dans le western spaghetti et, plus largement, européen. Quant à l'histoire transformée en légende, elle lorgne aussi à plusieurs reprises vers certains films de Sam Peckinpah : une ouverture qui évoque "Major Dundee", un final renvoyant à "La Horde sauvage", une oeuvre avec laquelle il partage, outre l'excellent Ernest Borgnine, une approche réflexive sur la notion du Bien et du Mal et de la violence en général. Concernant le contexte historique réel, vu que le western spaghetti a le vent en poupe, il est bien entendu déplacé de l'Andalousie à la frontière américano-mexicaine.

 

 

Le titre américain du film, A Bullet for Sandoval, fait écho à celui de l'incontournable El Chuncho de Damiano Damiani (A Bullet for the General). Un titre évocateur à sa manière qu'on aurait envie de raccourcir et de rebaptiser "A Bull for Sandoval". Le spectateur serait alors logiquement renvoyé à l'une des scènes marquantes du film, une scène toute faite de sadisme et de violence graphique originale : Warner est mis dans une arène pour se faire encorner à plusieurs reprises par un taureau... une séquence sanglante, sans doute la plus longue de Los desesperados, qui me permet d'affirmer dans ce modeste compte-rendu que la présence si souvent évoquée de Lucio Fulci, comme réalisateur de seconde équipe ou de quelques scènes, tient de la légende urbaine autant que celle du Far West et n'a de lien avec le film que par le chiffre 4 et ses 4 de l'apocalypse. Quei disperati che puzzano di sudore e di morte est une oeuvre extrêmement personnelle que l'on doit pleinement à Julio Buchs et à ses scénaristes. Produit en grande partie par Elio Scardamaglia (par ailleurs réalisateur d'un seul et unique film : Les nuits de l'épouvante) et écrit par Buchs lui-même et trois de ses fidèles collaborateurs dont Federico De Urrutia qui a déjà co-écrit avec lui deux ans auparavant "L'homme qui a tué Billy le Kid", un western de bonne réputation mettant en scène Peter Lee Lawrence dans le rôle du célèbre Billy et Fausto Tozzi dans celui du non moins célèbre Pat Garrett. Fulci ayant participé de manière succincte au scénario dudit film a toujours ajouté à la confusion. Un doute définitivement levé par l'acteur George Hilton lui-même dans le bonus de Tempo di massacro édité en 2005 par Eagle Pictures où, outre de louer les qualités artistiques du réalisateur et d'affirmer que le western tourné avec ce dernier est un de ses films préférés, y atteste dans le même temps qu'au regard de l'attitude insupportablement versatile du cinéaste, il s'était juré de ne plus jamais tourner pour lui et que Fulci n'a aucunement participé à ces 4 desperados.

 

 

Quei disperati che puzzano di sudore e di morte est pourvu d'un casting de qualité. Outre George Hilton qui, au fur et à mesure de sa plongée dans le Mal s'habille de manière plus sombre et finit tout de noir vêtu, la bonhommie naturellement menaçante d'Ernest Borgnine répond parfaitement à une tension qui va crescendo et qui, même à distance, finit par devenir presque palpable. Difficile de ne pas dire un mot sur les deux comparses les plus fidèles de Hilton/Warner, à savoir Alberto de Mendoza/Lucky Boy qui compose un personnage exquis, peut-être le plus sage du lot, mais pas pour autant dénué d'humour et d'ironie. Peu affilié au western, cet excellent acteur à la palette de jeu très large retrouvera George Hilton sur deux gialli signés Sergio Martino : L'étrange vice de Madame Wardh et "La queue du scorpion". Moins réputé mais pourtant tout aussi talentueux et à la tête d'une fort belle filmographie, Leo Anchóriz n'est pas en reste et se fond dans l'Ouest comme un cactus dans le désert. On se souvient notamment de lui dans Le manoir de la terreur, réussite du genre gothique signée Alberto De Martino mais aussi, pour rester dans le genre qui nous concerne, dans O Cangaceiro, "7 pistole per i MacGregor", "7 donne per i MacGregor", "Tuez-les tous... et revenez seul !" ainsi qu'il est impossible de l'oublier écoutant un poteau télégraphique dans le plus tardif mais néanmoins fendard et aussi génialement tragi-comique Che c'entriamo noi con la rivoluzione? de Sergio Corbucci. Plus en retrait, on retrouve Annabella Incontrera. Aperçue dans Assassinats en tous genres, Liz et Helen, La tarentule au ventre noir, Le retour de Sabata, elle retrouvera quant à elle Hilton dans Les rendez-vous de Satan. Elle assure ici le minimum, mais un bon minimum, Los desesperados restant avant tout un film d'hommes.

 

 

Julio Buchs est le fils d'un autre réalisateur, José Buchs. Julio Buchs est décédé de manière prématurée le 20 janvier 1973, à l'âge de 46 ans, devançant son père de dix jours seulement. Une fin précoce et lugubre pour un cinéaste qui en à peine une dizaine d'années aura réalisé pas moins de douze longs-métrages, plus axés sur les drames que sur le western. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle ce Les 4 desperados se démarque des codes du western all'dente en l'entrainant vers la tragédie shakespearienne, chose magnifiquement soulignée par la partition mélancolique de Gianni Ferrio. Quoi qu'il en soit, Ces hommes désespérés qui sentent la poussière et la mort est une réussite !

 

 

Mallox

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