Photo interdite d'une bourgeoise
Titre original: La Foto proibite di una signora per bene
Genre: Giallo
Année: 1969
Pays d'origine: Italie / Espagne
Réalisateur: Luciano Ercoli
Casting:
Dagmar Lassander, Nieves Navarro, Pier Paolo Capponi, Simón Andreu, Osvaldo Genazzani, Salvador Huguet...
Aka: Forbidden Photos of a Lady Above Suspicion
 

Minou (Dagmar Lassander) et Peter (Pier Paolo Capponi) ont tout pour être heureux. Ils sont amoureux l'un de l'autre et leur union semble au firmament jusqu'au jour où Minou, se promenant sur la plage, est harcelée par un homme étrange (Simón Andreu), aux motivations tout aussi floues : après l'avoir pourchassée de manière à la fois joueuse et inquiétante, il la bloque à terre, coupe au couteau les cordons de sa robe, s'exerce à la charmer en la terrifiant, puis lui révèle que son mari est un meurtrier venant de se rendre coupable du meurtre de son principal associé : Jean Dubois.

 

 

La vie de Minou bascule alors, d'autant que le lendemain elle apprend la mort de Jean Dubois qui, lors d'une séance de plongée sous-marine, aurait raté un palier de décompression et serait mort d'une asphyxie gazeuse.
Difficile d'oublier les propos de son agresseur de la veille, d'autant que les faits concordent. Elle commence donc à douter de Peter avant de se confier à son amie Dominique (Nieves Navarro). Durant ce temps, devant la menace de tout raconter, elle cède aux avances du maître chanteur qui, petit à petit, en fait son esclave. Avec les photos compromettantes que celui-ci a pris durant leur infidélité, il n'est alors plus difficile d'exercer sur elle un chantage efficace, la faisant même devenir, dans un jeu quasi sadomasochiste, un être assujetti.
Il y a tout de même quelque chose qui cloche, et Minou, de plus en plus oppressée, semble se rapprocher de la folie. Du reste, dès qu'elle évoque l'homme de la plage, son entourage, même proche, met systématiquement cela sur le dos des tranquillisants arrosés d'alcool qu'elle prend...

 

 

Premier film de Luciano Ercoli, La Foto proibite di una signora per bene bénéficie, enfin le croit-on, d'un scénario cosigné par Mahnahén Velasco et Ernesto Gastaldi. Si l'on connaît parfaitement le second, d'abord pour sa faculté à se mouvoir en amont dans les genres en vogue (pirateries, péplums, gothiques, westerns...) puis pour ses collaborations régulières au genre giallesque (en réalisant lui-même, par ailleurs, un très bon thriller en 1965 avec Libido), on connaît un peu moins le premier, pourtant inséparable du travail de Luciano Ercoli, puisqu'il collaborera à nouveau avec le réalisateur pour ses deux gialli suivants : Nuits d'amour et d'épouvante puis La mort caresse à minuit, dans lesquels on retrouvera du reste deux acteurs ici-présents : Nieves Navarro (non encore mariée au metteur en scène - ce sera chose faite en 1972) et Simón Andreu. Un scénariste avant tout technicien puisqu'il est régulièrement assistant, voire réalisateur de seconde équipe. On le retrouve par exemple, comme assistant de Narciso Ibáñez Serrador, aussi bien pour La résidence que pour Les révoltés de l'an 2000. Quant à Luciano Ercoli lui-même, il est un cinéaste, à regarder sa courte filmographie (huit films au compteur), intéressant et solide. En témoignent, outre les deux gialli susnommés, ses incursions dans le poliziesco sensationnaliste (La police a les mains liées) ou le drame historique cruel (Lucrezia Giovane). Bref, en additionnant ces trois talents, dont celui d'un Ercoli en devenir, Photo interdite d'une bourgeoise laissait augurer le meilleur.
Las, leur collaboration accouche ici du pire...

 

 

Soit, il n'y a que peu de choses à redire sur les qualités techniques et esthétiques du film. Le travail du chef-opérateur/photographe est formidable. On peut louer pour cela sans réserves Alejandro Ulloa qui parvient à faire d'une coquille vide un véritablement enchantement visuel que n'aurait sans doute pas renié Mario Bava. Pour mémoire, et ne serait-ce que pour éviter de toujours parler des mêmes artisans (Gastaldi, par exemple, certes prolifique, mais également souvent surestimé), on rappellera que Ulloa est plus rompu au genre western et a laissé son empreinte dans nombre de réussites du genre : les incontournables de Corbucci : El mercenario, Companeros, Mais qu'est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ?, Far West Story mais aussi les sympathiques O Cangaçeiro, Les quatre mercenaires d'El Paso etc. On lui doit aussi la photographie du très chouette Manoir de la terreur de Alberto De Martino en 1963 ainsi que celle, la même année, d'un giallo-machination lui aussi esthétiquement somptueux mais d'un tout autre calibre : Perversion Story de Lucio Fulci. La musique lancinante d'Ennio Morricone, dirigée par Bruno Nicolai, et accompagnée pour son thème principal de la belle envolée vocale de l'incontournable Edda Dell'Orso, achève de faire du film un bel objet, tout du moins au premier regard...
Il faut bien être honnête, La Foto proibite di una signora per bene est avant tout un film qui tire les bénéfices de ses apparats, évoluant sur un script inepte, jamais crédible, et dont la splendeur n'a d'égal que sa langueur et l'ennui qu'il dégage, faisant retourner ses qualités visuelles contre lui : celles-ci, évoluant dans un no man's land de vacuité scénaristique, finissent par ressembler à de la poudre aux yeux...

 

 

Au jeu de la vérité, à savoir aux questions que l'on se pose régulièrement devant ce genre de pellicule, et plus précisément ici : "Qui a tué Jean Dubois?", "Pourquoi ?", "Que veut ce maître-chanteur ?", "Mon mari est-il coupable ?", "Dominique est-elle mon amie ou bien est-elle de mèche avec quelqu'un d'autre ?", "Minou devient-elle folle à force de tranquillisants et d'alcool ?", Gastaldi nous balance, à l'aide de son comparse évoqué ci-avant, un succédané improbable de tout ce qu'on a déjà vu et que l'on verra encore par la suite dans le thriller machination. Il est strictement impossible, même à faire preuve de complaisance (ou de consentement), à l'instar d'une Dagmar Lassander frustrée (une de plus !), devenant peu à peu l'esclave d'un maître-chanteur jusqu'à lui appartenir corps et âme, de croire une seule seconde à cet imbroglio filmique, qui semble avoir été écrit par deux feignasses (quant à eux probablement et réellement sous calmants), lâchant leur histoire inconséquente comme un vieux pet rassi dans un salon mondain, tentant de nous faire avaler pilule sur pilule avec, derrière, un Luciano Ercoli incapable, malgré une maîtrise de la mise en scène déjà évidente, de recoller les morceaux pour en faire autre chose qu'un objet arty de plus et d'instiller le moindre suspense.

Là-dessus, le réalisateur achève de niveler son film vers le bas avec une direction d'acteurs très inégale : si Dagmar Lassander s'en sort bien dans un rôle impossible (son meilleur rôle dans un film "beau mais chiant avec Une hache pour la lune de miel), si Susan Scott assure aussi, les apparitions de Simón Andreu tiennent plus du ridicule que d'une quelconque menace palpable. Le pire est sans doute atteint avec la composition de Pier Paolo Capponi en compagnon distant-compréhensif-moumouté-qu'on-voit-venir-de-loin-tout-en-restant-fadasse, qui venait pourtant de tourner avec Nieves Navarro dans un thriller d'une autre trempe (La jeunesse du massacre) et qui retrouvera, façon de parler, un autre Minou dans Le chat à neuf queues de Dario Argento l'année suivante.

 

 

Bref, La Foto proibite di una signora per bene n'est que poudre de perlimpinpin, sans magicien faisant des miracles en coulisses, en plus d'un giallo dont les beautés et pseudo-audaces érotiques cachent des secrets de Polichinelle, le tout en distillant un ennui profond et tenace.

Mallox

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