"Un ver de terre amoureux d'une étoile" disait le héro du drame romantique Ruy Blas de Victor Hugo. Et bien, cette image trouve son application parfaite avec le superbe conte que nous ici offre Neil Gaiman avec Stardust.
Un jeune homme amoureux d'une étoile filante, une jeune étoile blessée et désormais incapable de poursuivre son chemin. Une étoile que ce jeune homme, le jeune Tristran, a promis de rapporter pour les beaux yeux de sa belle, l'intransigeante, orgueilleuse et indifférente Victoria Forester, la plus belle fille du village. C'était pour elle juste une boutade, une promesse en l'air pour repousser les avances du jeune homme un peu naïf, mais pour lui, se sera le début d'une quête formidable au coeur d'un monde de magie et d'aventure, un parcours initiatique et merveilleux dans le but de rapporter une étoile filante tombée du ciel...
Comme toujours, Neil Gaiman nous offre avec Stardust un roman de la faille, de la frontière, et ici, les deux mondes aux antipodes cohabitent chacun derrière un pan de mur : d'un côté, il y a Wall, paisible petit village anglais et ses habitants, et de l'autre, il y a un monde féerique, le pays des fées où il est interdit de pénétrer, un monde peuplé de créatures magiques, de lutins, de sorcières et de licornes. Dans ce mur, il y a une porte, gardée jours et nuits par les habitants de Wall, et celle-ci ne peut être franchie que tous les neufs ans. Car tous les neufs ans a lieu à Wall la Foire des Fées, un jour et une nuit durant lesquels les créatures fabuleuses de féerie viennent vendre leurs enchantements, troquer leurs sortilèges et charmer les humains. Une seule journée tous les neufs ans.
Mais pour Tristran Thorn, il ne sera pas possible d'attendre si longtemps car l'étoile filante qu'il doit rapporter à sa belle est tombée de l'autre côté du mur, du côté des fées. Il va donc défier la vigilance des gardes et pénétrer dans cet univers parallèle au nôtre, à la recherche de son trésor, et à la rencontre d'aventures incroyables. Mais c'est surtout à la rencontre de lui-même que Tristran va aller dans ce monde, à la rencontre du véritable amour, des véritables sentiments et des véritables idéaux. A la rencontre de son passé et de son destin, vers des sortilèges maléfiques, des combats titanesques et des sacrifices bien cruels et déchirants. Tristran va découvrir le royaume de féerie et c'est à la rencontre de son être véritable qu'il va aller, tout au long d'une quête merveilleuse digne des plus grands contes de fées.

Car c'est vraiment cela que nous propose Neil Gaiman : un conte de fée contemporain dans une Angleterre atemporelle, une Angleterre de légendes et de mythes, baroque et moyen-âgeuse, mais aussi très actuelle. Universelle. Universelle comme le conte et ses archétypes ainsi que sa structure, que Neil Gaiman nous transmet ici avec talent, sensibilité et subtilité.
Les différentes histoires s'harmonisent parfaitement et les nombreux rebondissements conservent à chaque page un intérêt toujours renouvelé à l'intrigue sans jamais nous en faire perdre le fil. Car Tristran ne sera pas le seul à rechercher la jolie étoile filante, en fait une jeune femme au caractère bien trempé, car la reine des Sorcières est aussi à sa recherche dans le but de lui arracher le coeur, sensé lui conférer la jeunesse éternelle, ainsi que les sept fils du seigneur de Stormhold partis à la recherche d'un antique médaillon conférant le pouvoir à celui d'entre eux qui le trouvera le premier.
Neil Gaiman nous livre donc ici un roman de fantasy dans la plus droite lignée du conte de fées, mais ici, c'est un conte pour adultes, pour des adultes ayant su conserver au fond d'eux une part d'enfance, un conte plein de poésie, de magie, mais aussi d'une noirceur indéniable. La cruauté répond dans le roman à la poésie de certaines scènes telles que ces marins des cieux à la recherche des éclairs, et le résultat est une oeuvre réellement protéiforme, envoûtante, qui n'aura de cesse de vous emporter et de vous faire rêver. Un roman magnifique.

Note : 8,5/10

Chaperon Rouge