Après nous avoir emmené en Amérique du sud avec "Brasyl" et en Irlande avec "Roi du matin, Reine du jour", Ian McDonald nous propose une autre destination tout aussi exotique : L'Inde, une région finalement peu exploré par la SF, si ce n'est dans "le Chant de kali" de Dan Simmons ou le "Râmâyana" de Ashok K. Banker. Autant dire qu'un roman qui explore l'avenir de cette région n'est pas sans attiser quelques curiosités.

Tout d'abord, l'Inde, véritable personnage principal de ce roman, dont les moussons, les castes et les dieux constituent la personnalité. Ce décors pèse sur tous les autres personnages et les poussent à agir de manière parfois attendu, parfois en se rebellant contre un destin qui semblait pourtant écrit au départ. Il faut dire que leurs chemins seront aussi sinueux que celui que parcourt les eaux troubles du Gange.
De nombreux personnages parcours donc cette Inde futuriste : un petit truand donnant dans la vente d'ovaire au marché noir, un policier traquant des IA, sa femme d'origine modeste et peu admise dans la haute société, une journaliste préparant un reportage sur les IA créant et interprétant les personnages du plus gros sitcom indien, une jeune comique qui va hériter de la multinationale familiale avec ses frères... Et bien d'autres.
Tous ces protagonistes, leurs rêves de gloire ou de bonheur, leurs quêtes de vérité ou de nouveauté vont les faire se croiser dans une histoire qui les dépasse, où politique, crime, religion et économie vont venir mettre leur grain de sel, grain qui ne semble que pouvoir détruire ce pays désunis et où l'ordre cache de plus en plus un chaos naissant tout autour d'un rond-point, sources de multiples enjeux.
Qu'est ce qui unit les personnages alors? Beaucoup de choses dont l'histoire de ce pays coincé entre modernité et tradition, où les technologies de pointe côtoient les trois grandes religions, où les apparences sont importantes, véritable dogme. Tout un monde de facettes qui trouve un écho étrange dans Town And Country, série à l'eau de rose dont même les acteurs sont virtuels, montrant que ce sont les faux-semblant qui doivent l'emporter sur le reste.
La technologie va également les amener à se rencontrer, vu que c'est elle qui mène tous le roman, qu'elle soit visible de tous ou encore à l'état expérimental. Elle est également le moteur de plusieurs personnages qu'ils cherchent à la comprendre ou à la détruire, qu'elle soit notre ennemi ou notre amie. Que se soit par des adultes dans des corps d'enfant ou des personnages au corps asexués, elle dessinne la partie futuriste du décor et l'intrigue principale.
Il y sera aussi question d'un étrange artefact extraterrestre trouvé sur un astéroïde, d'un neutre, un étrange personnage asexué, d'une technologie énergétique encore à l'état de pointe ainsi que d'une police traquant les IA de niveau 3, celles qui auraient dépassé l'homme. Ian MacDonald n'hésite donc pas à verser dans tous les genres de l'anticipation, que ce soit le "Big Dumb Object ou le cyberpunk.
Le roman tient également beaucoup de John Brunner et de "Tous à Zanzibar" ou "Le troupeau aveugle", à cause de ses multiples personnages, de ses multiples intrigues et d'une vision plutôt noir de l'avenir. Il y a également de la Hard-Science, mais présente de manière accessible et devenant parfois vertigineuse de part les concepts proposés, à la fois très probable et effrayant de la part des avenirs qu'elle propose.

Brassant de très nombreux thèmes, Le Fleuve des dieux est un grand roman de SF proposant de nombreuses histoires et en suggérant d'autre. D'ailleurs, l'auteur y est retourné pour "Cyberabad Days", recueil de nouvelle à paraître en 2014 chez Lunes d'Encre, mais en attendant, on pourra découvrir "The Dervish House" où Ian MacDonald explore une Turquie soumise à une révolution nanotechnologique. Prometteur.

Note : 9/10

 

Stegg

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'éditeur :  http://www.denoel.fr/