Avant d'aller explorer ce contrés lointaines et exotiques que sont le Brésil, L'Inde ou la Turquie, Ian McDonald s'est intéressé à son propre pays : l'Irlande. En utilisant autant l'histoire de son pays que sa mythologie, il dresse le portrait de trois femmes à trois époques différentes allant du début du vingtième siècle à sa conclusion. L'occasion pour lui également de nous livrer l'une de ses rares excursions en dehors de la SF. En apparence.

 

 

En 1913, la jeune Emily Desmond est une fille de bonne famille qui étudie dans un pensionnat tenu sévèrement par des nonnes tandis que son père astronome observe d'étranges phénomènes sur une comète. Tandis que la fille va se mettre à communiquer avec les fées et les lutins vivants dans les bois environnant, le père va essayer de communiquer avec des extraterrestres. Deux folies douces qui pourraient les mener à leurs pertes, sauf si l'un des deux n'est pas fous.
Une première partie très campagnarde dans laquelle on trouvera des références à Obéron ou à l'affaire des fées de Cottingley. L'ambiance y est fantastique avec des présences surnaturel dont on ne peut saisir la réalité. L'histoire progresse doucement et se fait de plus en plus dur, quittant l'ambiance bucolique par des événements tragiques qui vont faire exploser la personnalité de la jeune Emily et l'envoyer à la poursuite de chimères bien réelles.
Dans l'Irlande des années trente, Jessica Cadwell est une jeune femme rebelle, en guerre contre sa famille, et utilisant un langage châtié qui ne plait guère à ses proches. Deux étranges individus,vagabonds sortis de nulle part, semblent recherché la jeune femme tandis que son psychanalyste va jouer les détectives afin de découvrir la vérité derrière les étranges mensonge que profère Jessica lorsqu'il l'hypnose.
Une seconde partie très différente qui ne va pas hésiter à multiplier les styles : humoristique dès que les deux vagabonds sont présents, mais en gardant une atmosphère mystérieuse vis-à-vis de la nature et de la personnalité de ces deux personnages et policière pour le psy avec un départ vers le fantastique. Au centre, il y a Jessica bien entendu et sa gouaille bien pendue qui va embarquer pour un voyage aux limites de la réalité.
Enfin, il y a à la fin des années 80, Enye MacColl, jeune femme moderne qui rêve d'émancipation, mais coincée par un petit ami qui ne rêve que de l'épouser et de lui faire des enfants et par les mensonges de sa mère à l'encontre de son père. Pour compliquer sa vie, elle parcourt les rues de sa ville et à l'aide de ses katanas trucide les phages, ses créatures dangereuses qui semblent vouloir envahir le monde.
La conclusion est très moderne et très surprenante, nous amenant à revoir le début du roman sous un autre angle. On nage ici en pleine dans une urban-fantasy qui utilise les clichés du genre pour mieux les détourner, d'une manière plus réaliste, plus ancré dans le quotidien et le monde réel. Le fantastique y est métaphorique, car à travers les phages, ce sont ses propres démons que cette héroïne devra affronter, plus qu'on ne pourrait le penser.
Roi du Matin, Reine du Jour est un roman qui utilise le fantastique et la fantasy d'une manière subtile et s'interroge sur l'origine des mythes, des légendes et des héros, y apportant une réponse étonnante. Tout en laissant aux lecteurs des portes ouvertes pour en déduire ce qu'il désirera, un roman de fantasy, un roman fantastique ou pourquoi pas un roman de SF vu la tournure que prend un dernier acte, aussi époustouflant que surprenant.

Brassant les genres et les styles avec une maestria impressionnant, jonglant avec ses intrigues d'une manière surprenante, Ian McDonald nous livre là un roman aux ambiances et aux intrigues étonnantes. Un roman où la féerie et l'horreur se croisent pour mieux nous livrer le portrait de ses héroïnes, des femmes prisonnières de leurs époques autant que leur envie. Un roman de fantasy inclassable pour le pire et surtout le meilleur.

Note : 9/10

 

Stegg

 

A propos de ce livre :

 

- Site de l'éditeur : http://www.denoel.fr/