La Fantastique révolution des épouvantables 70's
Écrit par Mallox   

 

* Avant-propos : Ce dossier n'a en aucun cas pour ambition d'être exhaustif, encyclopédique, mais juste d'offrir à sa manière une petite lecture équivalente à un voyage spatio-temporel, une machine à explorer le temps en quelque sorte. Celui de la fin des années 60, de l'essor des blockbusters et de leurs rejetons dignes ou indignes du cinéma d'exploitation. Si tu ne trouves pas ton film préféré ni ton incunable des familles, c'est normal... as-tu déjà vu au cinéma une machine à explorer le temps s'arrêter à chaque événement ? Sinon, va sucer des goules en Enfer...

 

 

Des USA jusqu'au bout du monde : La Fantastique révolution des épouvantables 70's.

 

 

Le cinéma des années 70 a délibérément surenchéri dans le fantastique, la science-fiction, l'épouvante et... les effets spéciaux !

Bien entendu, le succès remporté par les films de science-fiction est un phénomène quasi emblématique des années 70. Longtemps cantonnés dans la seule série B et régulièrement considérés comme peu rentables, ces films vont, en l'espace d'une décennie, se hisser en tête du box-office. Des résultats confirmés à l'époque par certains journaux tels Variety : "Les dents de la mer" (1975) et "La guerre des étoiles" (1977) ont été les plus grosses affaires réalisées par l'industrie cinématographique.

Depuis son "boom" dans les années 50, on constate finalement que la science-fiction n'a survécu que grâce au média télévisuel, par le biais de séries à succès : "Dr Who" (commencée en 1963), "The Outer Limits" (1963-1965) ou encore "Star-Trek" (1966 - 1969), ce dernier générant même un avatar cinématographique plus spectaculaire en 1979 avec "Star Trek : The Motion Picture", sous la houlette de Robert Wise ("La malédiction des hommes-chats", Le Jour où la Terre s'arrêta, "La maison du Diable", Le Mystère Andromède, Audrey Rose). Dès lors, c'est avant tout l'augmentation des budgets alloués qui allait assurer le triomphe de la science-fiction au grand écran.

 

 

Trois films méritent toutefois d'être cités comme étant les pionniers de cette nouvelle politique : "La Machine à explorer le temps" (1960), "Robinson Crusoé sur mars" (1964) et "Le voyage fantastique" (1966). L'intérêt pour les techniques avancées est l'autre grand générateur du succès de la SF et du fantastique des années 70. La palme du grand précurseur en la matière revenant à un quatrième titre : "2001, l'Odyssée de l'espace", tourné en 1968.
Pendant ce temps, cet essor du blockbuster technologique alimente un autre pan de l'industrie du cinéma, ce dernier étant constitué de toutes petites productions fauchées exploitant les recettes des succès, créant par ricochet du fantasme par avance qui se retrouve parfois astucieusement sur la pellicule. A contrario des grosses machines, les technologies y restent primaires et c'est à chacun de faire preuve d'inventivité quand certains aspects des modèles ne se voient pas soulignés.


- Une foi technologique et financière en l'espace :




Quoi qu'on dise, le mérite d'avoir donné une forme accomplie à l'esthétique de la superproduction incombe à George Lucas et Steven Spielberg : le premier avec "La guerre des étoiles" et "L'Empire contre-attaque" (1980) - ce dernier ayant été réalisé par Irvin Kershner , le second avec "Rencontres du troisième type" (Close Encounters of the Third Kind, 1977). Plus que trois films, il s'agit de trois expériences audiovisuelles faites expressément pour exploiter et exalter les merveilles des technologies avancées (ce qui donnera plus tard naissance à une tribu de retardés de 30 ans et du ciboulot : les geeks). Mais il faut ajouter qu'à la différence de "2001" - où l'utilisation des effets spéciaux n'était qu'un moyen de provoquer chez les spectateurs inquiétude et angoisse - la splendeur des images et de la bande son propre à ces films primait largement sur la réflexion, qui d'ailleurs n'était pas la préoccupation majeure de leurs jeunes réalisateurs.
Destinés au grand public, ces produits lui proposent avant tout du spectacle. Quant à l'idéologie, si elle n'est pas totalement absente, elle reste assez primaire (l'éternelle lutte entre les "bons" et les "méchants totalitaires" chez George Lucas) quand elle n'est pas abstraite (les problèmes de l'incommunicabilité entre humains résolue par une intervention extra-terrestre et la reconnaissance de l'identité de "l'autre" chez Spielberg).

 

 

Le succès de ces films, en particulier celui de "Star Wars", allait très vite être exploité par l'industrie cinématographique toujours prompte à prendre les trains en marche. Le plus conforme au modèle reste "Galactica, la bataille de l'espace" (Battlestar Galactica, 1978), lui-même inspiré d'une série télévisée très suivie. Dépourvu d'une grande imagination, le film raconte l'odyssée d'un groupe de survivants d'une planète condamnée à disparaître qui part à la recherche d'une nouvelle patrie. Autre plagiat, nettement moins réussi, de "La guerre des étoiles" : "L'Humanoïde (L'Humanoide, 1979), un produit de science-fiction "à l'italienne" réalisé par Aldo Lado. La même année, toujours en Italie, naîtra sous la houlette de son réalisateur Luigi Cozzi, "Starcrash", dans lequel, aux confins de l'univers, le maléfique comte Zarth Arn s'oppose à l'Empire et à son bienveillant empereur. Deux aventuriers, Stella Star et Akton, reçoivent de l'empereur la dangereuse mission de trouver la base secrète de Zarth. Difficile de trouver calque plus fidèle à l'original, toujours est-il qu'à force de conjuguer fantaisie et mauvais goût, il s'agit d'une "kitscherie" tout à fait divertissante bénéficiant d'une bonne B.O. de John Barry et réussissant de façon totalement décomplexée à faire partie des cancres magnifiques. Pour finir avec l'Italie, ce n'était pas tout à fait le cas du réalisateur Alfonso Brescia, lequel balança coup sur coup pas moins de cinq petits bâtards intergalactiques : "Anno zero - Guerra nello spazio", "Star Odyssey", "War of the Robots", "Cosmos - War of the Planets" puis The Beast in Space en 1980 qui faisait rentrer dans l'espace, en plus de "Star Wars" et ses dérivés, l'univers de Walerian Borowczyk.

L'Italie n'étant pas le seul pays à profiter du filon, on peut évoquer par exemple le japonais Les évadés de l'espace signé Kinji Fukasaku (en plus de sa série "San ku kaï") tandis qu'ailleurs, l'original accouche déjà de parodies : "Brazilian Star Wars" offrait dès 1978 une vision pour pétomanes chroniques du film de George Lucas, ce bien avant "L'Homme qui sauva le monde" (Turkish Star Wars, 1982), une aberration filmique qui fera longtemps la joie des amateurs de très mauvais films.
Pour revenir deux minutes à "Star Wars", on rappellera qu'outre la série "Cosmos 1999" qui le devançait chronologiquement et qui intriguait George Lucas au point que celui-ci vienne parfois sur le plateau, l'une de ses inspirations principales de l'époque fut "La Forteresse cachée" d'Akira Kurosawa (Kakushi toride no san akunin, 1958). Il n'est alors pas étonnant de trouver dans la liste de ses vils copistes des films tels que "Les mercenaires de l'espace". Produit à l'époque par Roger Corman, ce dernier emprunte certes au succès de George Lucas, mais lui adjoint une autre référence : "Les Sept Samouraïs" du même Kurosawa. C'est à se demander si finalement, à sa manière, Les évadés de l'espace n'a pas repris son dû patrimonial.

 

 

Parmi les émules spatiales, on peut citer encore Alerte dans le cosmos (The Shape of Things to Come, 1979), piètre et infantile démarquage du film de 1977, ainsi que Buck Rogers au 25ème siècle (film et série) qui bénéficia de designs signés Ralph Mac Quarries (concepteur visuel sur "Star Wars") mais refusés lors de la production de "Galactica".
Finalement, il est possible que le seul film capable de soutenir la comparaison avec "La guerre des étoiles" demeure "Le trou noir" (The Black Hole, 1979), une production Disney qui n'est en fait qu'une nouvelle mouture, spatiale cette fois, de "Vingt Mille Lieues sous les mers" (1954), avec Maximilian Schell dans le rôle du savant fou résolu à aller jusqu'aux limites extrêmes de la connaissance.


Entre féminisme et machisme :

 

 

Sur le plan idéologique, l'un des traits les plus marquants de "La Guerre des étoiles" et de "Rencontres du troisième type", c'est la foi dans l'espace, sorte de "nouvelle frontière" à découvrir et à conquérir.
Naturellement, cette optique n'est pas nécessairement partagée par toutes les autres productions du genre. "Alien" (1979), par exemple - qui pourtant se présente lui aussi sur le plan formel (grâce à la photographie de Derek Vanlint et aux décors de H.R. Giger) comme une superproduction -, cherche à créer le lien entre la vision distanciée d'un Kubrick et le film d'épouvante des années 50, tout en reprenant l'intrigue de It! The Terror from Beyond Space (1958) et le contexte de La planète des vampires (Terrore nello spazio, 1965). Dans un genre où l'homme détient traditionnellement la suprématie physique et intellectuelle, "Alien" se présente comme une intéressante variation : le monstre phallique (ô combien symbolique) qui dévore les uns après les autres les passagers d'un cargo spatial y est finalement vaincu par une des deux femmes de l'équipage, seule survivante - avec un chat - d'un terrifiant voyage interplanétaire.

 

 

Virilité et machisme triomphant seront quant à eux bien présents dans "Superman" (1978) et Flash Gordon (1980), deux fastueux space opera inspirés des aventures des plus célèbres superhéros de la bande dessinée, qui renouent avec la grande tradition du film d'aventure ainsi que, pour le second, du serial. La rencontre entre cette facture classique et l'univers de la bande dessinée est d'autant plus réussie qu'elle joue sur un troisième élément : l'ironie, qui permet de poser un regard attendri mais distancié sur les deux premiers. On ne s'étonnera guère qu'en ces années où la technique impose sa loi, les effets spéciaux priment, dans ces deux films, sur l'histoire qu'ils nous racontent. On peut trouver "Superman", outre son aspect purement spectaculaire, attachant, notamment de par sa relecture assez savoureuse, d'une imagination débridée, qu'il opère sur la bande dessinée originale : à l'époque, bien que depuis la donne a changé, la séquence dans le ciel en plein New York pouvait être considérée comme une belle réussite. En parlant de virilité on peut également évoquer les loufoques "Flesh Gordon" (1974), film avant-gardiste s'il en est, ou même le très parodique L'Attaque des tomates tueuses dans lequel la ménagère lambda se fait agresser par ce qu'elle cuisine.


- Quand la catastrophe devint mythe :

 




Dérivé de la science-fiction, le film-catastrophe fut un des autres grands triomphateurs du box-office durant ces mêmes années 70. Mais contrairement aux apocalypses spatiales (explosions d'étoiles ou de planètes, désastres causés par la chute des météorites, naissances et apparitions de créatures monstrueuses (Franco et Ciccio dans 002 Opération Lune - lol), contaminations chimiques ou nucléaires...), les catastrophes de ce nouveau genre sont de manière générale et sauf exceptions, de sources naturelles. On peut avancer quelques raisons à cela, notamment celle d'apporter la preuve au public que puisqu'elles sont imputables aux forces naturelles, cela tiendrait de la folie humaine de tenter de les éviter. Souvent présentées sur un plan formel comme des épopées modernes, voire post-modernes, sur un mode alarmiste le plus souvent, ces réalisations anticipent l'écroulement de l'ordre social et le chaos qui s'ensuivrait. Et à Hollywood, qui n'en n'est pas à un leurre ou une roublardise près, de mobiliser alors ses vieilles gloires pour leur attribuer le rôle de sauveurs. Ainsi et ce de manière internationale et quelque soit leur qualité respective, aux "Invasion of the Body Snatchers", "La guerre des mondes", Invaders from Mars, The Hideous Sun Demon, Day the World ended, The Cosmic Man, The Blob, Missile to the Moon, Le Danger vient de l'espace (La morte viene dallo spazio, 1958), Le Pionnier de l'espace (First Man into Space, 1959) et autres Quand la Terre s'entrouvrira (Crack in the World, 1965), viennent se substituer de cruelles destinées beaucoup plus réalistes et pessimistes quand elles ne se projettent pas dans le monde de demain, voire après l'apocalypse, elle aussi étant le fait de l'être-humain : Colossus: The Forbin Project (1970), The Andromeda Strain (1971), Espèce en voie de disparition (Endangered Species, 1972), La Submersion du Japon (Nippon chinbotsu, 1973), "Soleil vert" (Soylent Green, 1973), "The Crazies" (1973), Les Derniers survivants (Where Have All the People Gone ?, 1974), A Boy and His Dog (1975), Guerre biologique (Plague, 1979), "Le Syndrome chinois" (The China Syndrome, 1979), Onde de choc (Wavelength, 1983), Le Dernier testament (Testament, 1983)...

 

 

Concernant les intrigues des destructions, matérielles et/ou terrestres, la banalité règne le plus souvent sans partage et les catastrophes vont de pair avec l'explosion de crises privées ou conjugales, avant d'engendrer des milliers de problèmes, souvent secondaires. Le retour à la "normale" est le plus souvent lié à son digne corolaire idéologique : la restauration des valeurs fondamentales, finalement toujours conservatrices ; schéma pouvant tout aussi bien se réduire à un problème générationnel. La vieille garde représente la frange qui refuse de se laisser gangréner par le cynisme ambiant des années 70 et qui croit encore dur comme fer aux vertus de l'héroïsme individuel face à la crise. Ce n'est donc pas un hasard si des acteurs chevronnés sont les hommes forts de ces films : Gene Hackman dans "L'aventure du Poséidon" (The Poseidon Adventure, 1972) , Richard Harris dans "Terreur sur le Britannic" (Juggernaut, 1974) ou "Le Pont de Cassandra" (The Cassandra Crossing, 1976), Charlton Heston dans "747 en péril" (Airport 75, 1974), "Tremblement de terre" (Earthquake, 1974) ou bien "Sauvez le Neptune" (Gray Lady Down, 1978), Paul Newman et Steve Mc Queen dans "La Tour infernale" (The Towering Inferno, 1974), George C. Scott dans "L'Odyssée du Hindenburg" (The Hindenburg, 1975), Rock Hudson dans Avalanche (1978), Michael Caine dans "L'Inévitable catastrophe" (The Swarm, 1978) ou bien encore Sean Connery dans Meteor (1979). Le genre catastrophe, se prêtant également à d'infinies variations, mit un certain temps à s'épuiser. Bien entendu, si le compte-rendu que vous êtes en train de lire parle de son essor et renouveau gravitant autour des hits hollywoodiens des années 70, comme tout genre, il connaitra plusieurs vagues et donc plusieurs morts et renaissances. On peut toutefois, parmi cette période et à cet égard, considérer que "The Towering Inferno" demeure le plus emblématique de l'inventaire complet déployé de tous les problèmes que provoque une catastrophe matérielle, l'incendie d'un gratte-ciel pour le coup.


- Les démons incestueux :





L'un des autres genres qui a inspiré durant la même période des metteurs en scène de talent, en plus de leur permettre d'aborder des thèmes intéressants, n'est rien autre que le cinéma d'épouvante. On peut affirmer sans crainte de se tromper que tout ce qui faisait la signification profonde du film d'épouvante familial des années 50 a été transféré et réinterprété. Un exemple tout simple de cette mutation parfois spectaculaire se trouve chez Vincente Minelli : ce qui, sur le plan symbolique, est implicite dans "Le chant du Missouri" (Meet Me in St. Louis, 1944) est devenu alors explicite dans La nuit des morts-vivants (Night of the Living Dead, 1968). En effet, dans "Meet Me in St. Louis", la toute jeune Tootie attaque et détruit des bonshommes de neige ; mais, ainsi, c'est toute sa famille qu'elle anéantit de manière symbolique. Dans le film de Romero, l'équivalent de cette même jeune enfant, tue "effectivement" sa mère avant de la dévorer. Une autre œuvre produite à la même époque affiche elle aussi clairement la conviction que l'horreur est immanente à la cellule familiale : il s'agit de "Rosemary's Baby" (1968), où l'héroïne (Mia Farrow) porte en son sein avant de donner naissance à L'Antechrist, pas moins !

 

 

Au fil des ans, le film "catastrophe et d'épouvante" abordait toute une série de nouveaux problèmes directement liés à l'évolution des moeurs et à la remise en cause des valeurs, notamment celles de la sacro-sainte institution familiale et de son rôle dans la société. Depuis toujours symbole d'innocence, les enfants ne sont plus épargnés : ils deviennent même les plus monstrueux vecteurs de l'esprit du Mal. C'est du reste ce qui arrive dans des oeuvres comme "Le mort vivant" (Dead of Night, 1972), L'Exorciste (The Exorcist, 1973) et L'Exorcise II : l'Hérétique (The Exorcist II : the Heretic, 1977), "It's Alive" (1974) et It Lives Again (1978), The Omen (1976), "Martin" (1977), "The Fury" (1978) et Chromosome 3 (The Brood, 1979). En 1976, dans Burnt Offerings et "Le Cercle parfait" (Full Circle, 1977), c'est le foyer familial qui se métamorphose en piège mortel, tandis que dans "Frightmare" (1974) et La colline a des yeux (The Hills Have Eyes, 1977), la famille elle-même se révèle être une galerie de monstres.
Il est à noter enfin que comme tout bon filon, ce pendant quasi incestueux flirtant avec les démons familiaux eut beaucoup d'enfants de par le monde et le thème du deuil et de la mémoire hantée parcourra ainsi tous les continents (les Etats-Unis avec Let's Scare Jessica to Death de John D. Hancock (1971), The Changeling de Peter Medak (1980), Mortuary de Howard Avedis (1983) ; L'Australie avec Next of Kin de Tony Williams (1982) ; l'Italie avec Nuda per Satana de Luigi Batzella (1974), The Perfume of the Lady in Black de Francesco Barilli (1974), Schock de Mario Bava (1977)...) tandis que Satan lui-même se transformera en guide du routard se promenant en Italie (L'Antéchrist (1974) et Holocaust 2000 (1977), tous deux d'Alberto De Martino, Nero Veneziano d'Ugo Liberatore (1978)...), aux USA encore (The Brotherhood of Satan de Bernard McEveety et The Mephisto Waltz de Paul Wendkos (1971), Child's Play de Sidney Lumet (1972), The Devil's Rain de Robert Fuest (1975), Fear no Evil de Frank Laloggia (1981),...), en Espagne (le piètre Más allá del terror de Tomás Aznar (1980)et le plus fréquentable Los ritos sexuales del diablo de José Ramón Larraz (1982),...), en Grande-Bretagne (Evil Baby de Peter Sasdy, Satan's Slave de Norman J. Warren (1976), Psychose Phase 3 de Richard Marquand (1978),...), aux Philippines (Beast of the Yellow Night de Eddie Romero (1971), The Killing of Satan de Efren C. Piñon (1983), et même en Grèce (Land of the Minotaur de Costas Karagiannis (1976),...), ainsi qu'en s'incrustant parfois dans des genres très codés comme le giallo (La bambola di Satana de Ferruccio Casapinta (1969), Il coltello di ghiaccio (1972), Tutti i colori del buio de Sergio Martino...).


- Quand la psychanalyse et le social viennent mettre leur grain de sel :

 




Les metteurs en scène de la jeune génération d'alors semblent attirés par le fantastique. Presque tous formés dans les cinémathèques, ils professent un véritable culte pour les classiques du suspense dont ils cherchent à approfondir certains aspects, tout en rendant régulièrement hommage aux maîtres du passé, et en premier lieu à Alfred Hitchcock.
Brian De Palma, Steven Spielberg et John Carpenter sont, aux Etats-Unis, les représentants les plus évidents. De Palma , le plus "hitchcockien" des trois, ne recule d'ailleurs pas devant le plagiat assumé. Avant même son ambitieux "Carrie au bal du diable" (Carrie, 1976) et les effets ravageurs et sanglants de la puberté de sa jeune héroïne, il tourne "Soeurs de sang" (Sisters, 1972), visiblement inspiré du légendaire "Psychose" (Psycho, 1960), puis Obsession (1976), démarque non voilée de "Sueurs Froides" (Vertigo, 1958). Spielberg fit de son côté ses classes avec deux petits films tournés pour la télévision : si "Something Evil" (1971), interprété par Sandy Dennis, s'en tient à la classique épouvante gothique, "Duel", tourné la même année, est autrement plus original, grâce surtout à un excellent scénario de Richard Matheson, dans lequel un automobiliste est harcelé par un monstrueux camion qui cherche à l'écraser. De manière simple mais efficace, le film illustre le thème de prédilection de son cinéaste : l'homme de la rue confronté à des situations exceptionnelles. "Duel" engendrera lui aussi sa petite kyrielle de successeurs et de concessionnaires plus ou moins talentueux : parmi les plus intéressants se démarquent Larry le dingue, Mary la garce (Dirty Mary Crazy Larry, 1974) qui n'a de roue que dans le pur film d'action, Course contre l'enfer (Race to the Devil, 1975) agrémenté quant à lui de satanisme, et Enfer Mécanique (The Car, 1977). Ce dernier, mélange très habile façon deux en un distillé par le non moins habile Elliot Silverstein, nous amène du reste aux fameuses "Dents de la mer" (Jaws, 1976) ainsi, par extension et via la plume du romancier Stephen King, à John Carpenter et son plus tardif "Christine" (John Carpenter's Christine, 1983).

 

 

"Jaws", film à grand spectacle, révèle un grand flair commercial. C'est un film qui réussit la fusion d'éléments de pur thriller, de film d'aventures, de film d'épouvante et de film-catastrophe. La façon dont Spielberg applique les techniques hitchockiennes du suspense témoigne d'une grande maîtrise de la mise en scène et de la construction narrative. La réussite artistique étant au rendez-vous, le film ratissera aussi large que possible, devenant instantanément un succès mondial. Ce qui ne manquera pas bien entendu de générer moult embryons génétiquement modifiés, notamment en Italie avec, il va sans dire, beaucoup moins de moyens. Le meilleur erzatz transalpin dans le domaine du requin, demeure La mort au large (L'Ultimo Squalo, 1981) réalisé par Enzo G. Castellari. D'autres, plus fauchés encore, se feront remarquer des amateurs de sensations fortes restant souvent frustrés à ce niveau, mais pas au niveau de la fantaisie. On verra même surgir de nulle part des Mâchoires infernales (Mako : The Jaws of Death, 1976), réalisé par un William Greffe inversant les rôles et donnant aux requins le statut de victimes, tandis que les déclinaisons verront passer toutes sortes d'animaux : l'orque avec "Orca", l'ours sauvage avec Grizzly, les araignées avec L'Horrible invasion, les chiens avec The Pack, tous quatre réalisés en 1977, le poisson carnivore avec Piranha (1978), et même les chauves-souris avec le décevant Morsures (Nightwing,1979) d'Arthur Hiller ou encore l'alligator avec le plus "comics" et jubilatoire L'Incroyable alligator (Alligator, 1980).

 

 

Pour sa part, John Carpenter utilise l'univers de la science-fiction en accentuant les caractéristiques de la série B d'antan, récusant par là même toutes les arrières-pensées intellectuelles d'oeuvres comme "2001 : L'Odyssée de l'espace". Dark Star, sorti en 1974, en est la preuve : on y retrouve la naïveté et la fantaisie typiques des vieilles productions de Georges Pal, comme "La Machine à explorer le temps", l'ensemble étant toutefois mâtiné d'un humour qu'on peut considérer en avance d'une décennie sur une autre époque à venir, laquelle bifurquera comme tout genre vers la parodie pure . Deux autres thrillers fantastiques suivront, avec "Assaut" (Assault on Precinct 13, 1976) et "La Nuit des masques" (Halloween, 1978), films terrifiants, tout du moins à l'époque. "Fog" (The Fog, 1980) sera tout aussi angoissant, sur les bases d'une histoire de fantômes, ceux d'un équipage, décidés à se venger de leurs morts sur les descendants de leurs assassins. Ce ne sont que des silhouettes humaines dominées par un terrible sentiment de culpabilité, des spectres qui émergent en titubant d'un brouillard luminescent. Ce même brouillard dont on s'attendrait à voir surgir les fantômes chers aux films d'épouvante que Val Lewton (Cat People, mais aussi Night of the Demon du même Jacques Tourneur) réalisait pour la RKO dans les années 40. Ceci sera d'ailleurs corroboré avec le plus explicite "The Thing" en 1982, lui-même se démarquant d'un titre phare de la RKO des années 50.
Carpenter est un des réalisateurs de la jeune génération dont les films dérogent à la loi édictée par Hollywood au cours de ces mêmes dernières années, en matière d'épouvante et de science-fiction : celle de gros budgets. Pourtant, ses oeuvres ne perdent rien, en maîtrise comme en élégance, a fortiori si on les compare aux films de David Cronenberg, Larry Cohen et George Romero, œuvres à petit budget elles aussi, esthétiquement moins soignées...

 

 

De ces trois cinéastes, David Cronenberg est probablement le plus complaisant. Se servant de la chair à la fois meurtrissure mentale et objet de voyeurisme, il signe des films quasi-paraboliques durant les années 70 avec respectivement "Frissons" (The Parasite Murders, 1975), "Rage" (Rabid, 1977) et Chromosome 3 en 1979, des films à la fois moralistes et sales. Le cinéaste amorcera néanmoins la décennie suivante avec un plus grand souci esthétique, mais aussi plus de moyens.
Larry Cohen et George Romero, quant à eux, font des films d'épouvante dans lesquels on sent très fortement une référence à des positions politiques progressistes. Avec "Le monstre est vivant" et "Les monstres sont toujours vivants", tous deux de Cohen, histoires d'enfants "mutants", on nage dans l'horreur totale. La série d'assassinats de Meurtres sous contrôle (Gold Told Me to, 1976) est d'autant plus terrifiante qu'elle semble n'obéir à aucun but ; elle répond en fait à un nouveau message divin : le meurtre, et non plus l'amour, du prochain. Quoique un peu confus dans l'ensemble, le film mêle habilement le genre policier, la science-fiction, l'épouvante et un anticléricalisme assez primaire.
L'horreur politique - fondement de l'inspiration de Romero - s'exprime à la perfection dans deux films : "The Crazies" (1973) et Zombie (Dawn of the Dead, 1979). Le premier décrit la lutte d'une communauté rurale contre un insecte qui l'a contaminée avec des germes de guerre bactériologique. Le second est un véritable western zombiesque sur fond de société de consommation : plusieurs personnes sont assiégées dans un gigantesque supermarché par des hordes de zombies affamés. L'atmosphère maléfique qui imprègne les deux films est encore plus pesante dans "Martin" (1977), nouvelle variation sur le thème du vampire. Le héros y est davantage la victime de la société que d'une malédiction surnaturelle ; quant aux châteaux hantés, ils sont remplacés par des banlieues misérables, véritables chaudrons de l'horreur et du Mal.

 

 

Si le cinéma de Cronenberg fut peu exploité et qu'on peut affirmer qu'il n'appartient qu'à lui (la suite de sa carrière et ses présences à Cannes attestent de sa volonté de marquer le genre en tant qu'auteur), Romero et ses zombies déchainés firent les beaux jours des Américains et du reste du monde (cf. paragraphe ci-dessus).
Finalement, il est légitime d'affirmer, bien que les spécialistes attribuent la paternité du slasher, un coup à l'Italien Mario Bava et sa Baie sanglante (Reazione a catena, 1971), un autre coup à l'Américain Bob Clark avec sa production canadienne Black Christmas (1974), que c'est la popularité du "Halloween" de Carpenter qui a engendré moult bâtards à la chromosomie plus ou moins difforme, ce de par le monde et dans son propre pays. Le film de Bob Clark, additionné de celui de Carpenter puis, enfin de Vendredi 13 (1979), ont élaboré à eux trois toutes les bases du genre, ce encore à ce jour et demeurent des géniteurs loin d'être stériles. Citons quelques titres qui ont suivi pour clore ce chapitre : Prom Night (1981), Happy Birthday to Me (1981), My Bloody Valentine (1981), The Prowler (1981), Blood Rage (1983), Death Screams (1982), Sleepaway Camp (1983), Silent Night, Deadly Night (1984)...


- Le règne des effets spéciaux :

 

 

Si le réalisateur d'une superproduction de science-fiction doit bien être considéré comme le véritable créateur du film, il ne faudrait pas pour autant oublier ceux qui contribuent à mettre en oeuvre et à animer ses idées. Aux Willis H. O'Brien et Ray Harryhausen d'autrefois ont succédé ceux sans qui il aurait été impossible de concevoir les batailles intergalactiques de "Galactica, la bataille de l'espace", de "La Guerre des étoiles", de "Rencontres du troisième type" ou d"Alien". C'est aux équipes de John Dykstra, Douglas Trumbull et Carlo Rambaldi, maîtres et magiciens des techniques de pointe (photomicrographie, animatronique, montage vidéo, travelling mattes, prises de vues par contrôle numérique...), que revient le mérite de plonger le spectateur dans le rêve et le fantastique. Leur part est telle parfois qu'on est en droit de se demander si les effets spéciaux ne sont pas, en fin de compte, les véritables stars de ces films. Mais au-délà du déluge d'images et d'éclairs de laser, au-delà de l'éclatement de chair et de l'énucléation pour le genre horrifique, au-delà de l'explosion et de l'éboulement pour le film-catastrophe, reste l'idée. A ce titre, aux Etats-Unis, George Lucas et Michael Crichton sont par exemple deux réalisateurs dont la carrière est indissociable de la science-fiction. Finalement, Lucas a probablement donné le meilleur de lui-même avec son premier film, "THX 1138" en 1970. Son évocation d'un monde où l'amour et l'identité personnelle n'ont plus droit de cité, l'abstraction blanche à laquelle tendent décors et maquillages témoignent d'un regard neuf, tant sur le cinéma que sur le genre tout entier. De son côté, Crichton renouvelle le thème du péril inhérent à l'omnipotence de la technique en adaptant deux de ses romans, Le Mystère Andromède (The Andromeda Strain, 1971) que réalise Robert Wise et The Terminal Man (1974) réalisé quant à lui par Mike Hodges. De même, il signe une étonnante révolution de robots dans Monwest (Westworld, 1973) et deux thrillers techno-paranoïaques de bon aloi avec, successivement, "Morts supectes" (Coma, 1978) et Looker (1981).
L'union Soviétique, niveau science-fiction, n'est pas en reste avec "Solaris", un film à l'abstraction glacée et oeuvre quasi métaphysique décrivant une planète étrangère capable de donner corps aux désirs inconscients de ceux qui la visitent.

 

 

Les Américains et les Canadiens se taillent la part du lion de l'épouvante et de la SF, mais il faudrait cependant mentionner toutes les intéressantes expériences européennes ou australiennes. En Italie, Dario Argento ou Lucio Fulci manifestent un certain brio dans l'horreur. Le premier avec "Suspiria" en 1977 et Inferno en 1979, sortes de grandes messes noires "grand-guignolesques" aux couleurs et à la photographie rendant hommage au maître-concepteur-à-tout-faire en la matière, Mario Bava (Sei Donne per l'Assassino, Reazione a catena...). Lucio Fulci brosse quant à lui des tableaux infernaux dignes d'intérêt, d'abord sur les bases de l'exploitation du Dawn of the Dead de George Romero avec L'Enfer des zombies (Zombi 2, 1979) qui se revendique de Jacques Tourneur ("I Walked with a Zombie", 1943), tout en se reposant sur de généreux maquillages et effets spéciaux gores dus à Giannetto De Rossi ou Franco Rufini ; une expérience renouvellée avec bonheur par la suite et quelques réussites de l'épouvante graphique extrême à la clé avec Frayeurs (Paura nella città dei morti viventi, 1980), L'Au-delà (... E tu vivrai nel terrore! L'aldilà, 1981) et La Maison près du cimetière (Quella villa accanto al cimitero, 1981). Bien entendu, les moyens sont moindres que chez leurs confrères américains et, à défaut de budget conséquent, les travellings cèdent le pas aux zooms, de même que nombre d'artisans tentent, avec plus ou moins de bonheur et de talent, d'intégrer la mouvance, et l'on peut citer en vrac Joe D'Amato (Buio Omega, 1979 ; Antropophagus, 1980), Umberto Lenzi (Incubo sulla città contaminata, 1980), les zombies y sont alors bien vivaces et ont rarement été aussi en forme.

 

 

L'Espagne a également droit à quelques tableaux mortuaires, souvent païens eux aussi, et mâtinés de sexe : La révolte des morts-vivants (La noche del terror ciego, 1972) et ses déclinaisons, Le Bossu de la morgue (El Jorobado de la morgue, 1973) ; Le Massacre des morts-vivants (Non si deve profanare il sonno dei morti, 1974) fait même office à la fois de précurseur et de chaînon manquant entre le britannique L'Invasion des Morts-Vivants (The Plague of the Zombies, 1966), l'américain La Nuit des morts vivants (1968) et le Zombie de 1978. Accessoirement, on rappellera l'existence de Children Shouldn't Play with Dead Things de Bob Clark, tourné en 1973 et qui aura une influence tardive sur un certain "Evil Dead" en 1981, lui-même source de bien des maléfices filmiques. Encore du côté hispanique et dans le registre de la possession, on peut citer La Perversa caricia de Satan de Georges Gigo.

 

 

En Allemagne, La Marque du Diable (Hexen bis aufs Blut gequält, 1970) fait office de relayeur de la prestigieuse Hammer et exploite avec bonheur les horreurs de l'inquisition, se faisant l'égal d'une Nuit des maléfices (The Blood on Satan's Claw, 1971) à venir.

Les Sud-Américains ne sont pas en reste avec des réalisateurs tels que Carlos Enrique Taboada avec, entre autres Más negro que la noche (1974) ou bien Juan Lopez Moctezuma (Alucarda, la hija de las tinieblas, 1975), Hong-Kong non plus (The Magic Curse, 1977), et ce cinéma du "mauvais goût", torturant le spectateur masochiste, fera date et écho jusqu'à aujourd'hui et certainement demain.

 

 

En France, outre quelques tentatives éparses, notamment dès 1969 avec La Rose écorchée de Claude Mulot, le principal artisan du genre demeure Jean Rollin, maître décalé es vampires, visiteur de cimetières et, à l'occasion, profanateur de sépultures ("Le Frisson des vampires", 1971 - "La Rose de fer", 1973 - "Lèvres de sang", 1975 - Fascination, 1979 - Le Lac des morts vivants, 1981 - "La Morte vivante", 1982...). Bien entendu, de manière plus mainstream, on fera une place à quelques "incontournables inattendus" : "Le Locataire" (1976), sombre drame de solitude obsessionnelle d'un homme perdu dans l'anonymat de la grande ville, ainsi qu'au franco-allemand "Possession" (1981), psychotique et schizophrène drame conjugal atterrissant au final dans l'horreur et le fantastique purs.

En Australie enfin, le Ozploitation contient sa part de réussites avec, pour le plus connu, le cinéaste Peter Weir et son singulier "Les voitures qui ont mangé Paris" (The Cars that Ate Paris, 1974), sorte d'apologue fantastique sur la société de consommation : une communauté survit en détruisant les voitures des étrangers de passage et en dévorant les débris.

Pour en revenir au tout début de ce chapitre, il va de soi que tous ces films n'existeraient pas sans de talentueux créateurs de maquillages et/ou d'effets spéciaux, même à bas-coûts, et l'on citera pour finir ce petit dossier qui, en aucun cas, ne se veut complet (la production internationale en matière d'épouvante, de fantastique et de sf demeure un puit quasi intarissable pour n'importe quel amateur souhaitant le visiter de fond en comble), quelques noms moins prestigieux parmi ces illusionnistes, en plus de ceux susnommés : Giuseppe Ferranti (Horrible, 1981), Juan Antonio Balandín (¿Quién puede matar a un niño, 1976 - "Viaje al centro de la Tierra", 1977...), Günter Kulier, José Gómez Soria, José Luis Campos, Allan Cotter, Shonagh Jabour, Jack H. Young...

 

 

Mallox (le 9 septembre 2016)